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  • Vote et démocratie

    Vote et démocratie

    Dans les commentaires du dernier billet consacré à Milei, j’avais partagé cette interview d’Etienne Chouard, car je l’avais trouvé très intéressante.

    Vote et élection

    Il y a pose notamment, dès le début, une distinction qui me parait essentielle entre élection11. Election : Procédure par laquelle des électeurs portent leurs suffrages sur les candidats qu’ils chargent de les représenter dans des assemblées administratives de ressort et de compétence variables. et vote. Dans sa conception, c’est très limpide : voter, c’est donner son avis sur un sujet précis (on est dans le processus de décision), et élire, c’est choisir quelqu’un qui va nous représenter, et donc choisir pour nous. Je rejoins Chouard dans son analyse : l’élection est assez antidémocratique, et le vote l’est. Il en tire les conséquences, et je invite à regarder la vidéo pour suivre le raisonnement, notamment l’importance du tirage au sort (dossier sur son site).
    Pour être plus précis, dans le système actuel, nous ne votons que pour élire, et presque jamais pour donner notre avis (et quand on nous le demande, c’est soit sur des sujets subalternes ou ridicules, soit pour faire semblant et nous la faire à l’envers quelques temps plus tard). Notre avis, l’avis du peuple n’intéresse pas les « élites ».

    Constitution et démocratie

    Un autre point, qui parait évident en y réfléchissant un peu, est que la Constitution22. Loi fondamentale ou ensemble des principes et des lois fondamentales qui définissent les droits essentiels des citoyens d’un État, déterminent son mode de gouvernement et règlent les attributions et le fonctionnement des pouvoirs publics., en tant que « loi fondamentale », faisant référence pour juger de la pertinence des lois & réglementations, ne devrait pas pouvoir être modifiée sans un vote d’accord du peuple. Or, c’est constamment le cas. Nous ne sommes donc pas à proprement parler, en démocratie. On peut faire semblant, bien sûr, de considérer que tout cela n’est pas très grave, et que ce sont somme toute des arguties juridiques sans importance. Mais je crois, au contraire, que c’est central dans les combats politiques qui, je l’espère, vont venir. Rétablir ce lien sacré entre « constitution » et « peuple » parait être un point central d’un retour à une démocratie véritable.

  • Boom à Davos

    Boom à Davos

    L’histoire médiatique…

    Il me semble que l’on peut y voir un signe intéressant de l’évolution des choses, et notamment de ce qui filtre, plus ou moins, dans l’espace public. Javier Milei, récemment élu président de l’Argentine, est décrit – quelle surprise ! – par les médias français et les petits modérateurs / censeurs de Wikipedia comme « ultra-libéral », « d’extrême-droite », et ils n’ont eu de cesse de savamment couvrir son ascension et sa victoire en ne montrant que ses frasques médiatiques les plus excessives sans jamais s’attarder sur le fond de son programme.

    … et la réalité

    Mais si l’on veut simplement se renseigner au-delà des éléments de langages de la caste médiatique, il suffit d’aller sur le média le plus libre du monde, celui que l’extraordinaire Elon Musk est en train de remonter: X (ex-Twitter). On peut y trouver, par exemple, la très belle interview donnée par Milei à Tucker Carlson en septembre dernier (qui permettait de relativiser et même d’anéantir les sornettes dont on nous rabâchait les oreilles). Et puis, il y a eu le discours donné il y a quelques jours à Davos, au Forum Economique Mondial. A tous les égards, je trouve ce discours admirable de sincérité, de clarté, de courage, de pédagogie et d’opportunité. Je trouve que c’est un discours historique, qui devrait marquer un tournant. C’est un moment à la « John Galt » (moment où dans le roman d’Ayn Rand, le fameux et mystérieux John Galt hack la radio d’état et fait passer toutes ses idées, en fissurant le plafond de verre du système Orwellien qu’il a fuit). Calmement, solidement, Javier Milei rappelle quelques vérités que bla-bla politiquement correct force à nuancer, ou à taire. Dont celle-ci, évidente, l’éléphant au milieu de la pièce : l’Etat, dans sa forme actuelle – socialiste -, n’est pas la solution, il est le problème. A regarder, et à discuter : que pensez-vous de son discours ?

    Texte intégral du discours de Milei en français sur Le Grand Continent.

  • Citation #165

    Une idéologie est très littéralement ce que son nom indique : elle est la logique d’une idée. Son objet est l’histoire, à quoi « l’idée » est appliquée ; le résultat de cette application n’est pas un ensemble d’énoncés sur quelque chose qui est, mais le déploiement d’un processus perpétuellement changeant. L’idéologie traite l’enchaînement des événements comme s’il obéissait à la même « loi » que l’exposition de son « idée ». Si les idéologies prétendent connaître les mystères du procès historique tout entier, les secrets du passé, les dédales du présent, les incertitudes de l’avenir – c’est à cause de la logique inhérente à leurs idées respectives.
    Hannah Arendt (1906 – 1975), politologue, philosophe et journaliste allemande naturalisée américaine

  • Y a-t-il un Dieu ?

    Y a-t-il un Dieu ?

    En furetant dans les rayons de livres d’occasion de la très belle librairie Jousseaume (galerie Vivienne), je suis tombé sur un essai de Jean-claude Barreau, « Y a-t-il un Dieu ? ». Même si la mauvaise question fermée du titre n’incitait pas vraiment à cet achat, j’ai lu quelques pages, et le ton, le style, m’ont convaincu de l’acheter : cela sentait en effet la simplicité, l’expérience et l’érudition humble.

    Bel essai, personnel

    Bien m’en a pris, car c’est un bel essai, qui donne à voir la vision assez large, globale, de l’auteur sur le monde, l’humain, la conscience, et … bien sûr, Dieu. Beaucoup de beaux passages, beaucoup de lectures en commun et pas mal de citations pour ma collection. Par exemple, celle-ci, de l’Abbé Pierre :

    La vie doit être une désillusion enthousiaste.

    L’essai est personnel et cela lui donne un tour plutôt agréable à suivre.

    Manque de rigueur

    Mais le livre pèche par son manque de rigueur ; ou plutôt par une attitude surprenante consistant à faire des petits « sauts logiques ». Un raisonnement bien construit, et qui termine sans raison par une conclusion erronée, ou à tout le moins simplement le fruit d’une croyance. Et c’est plus ou moins assumé, car c’est le coeur de l’argumentation, en tout cas de la description de la croyance de l’auteur : la conscience humaine est si incroyable (en tant que phénomène, ce que personne ne nie) qu’il faut qu’il y ait une conscience « divine » qui l’explique. Il ne semble pas concevable, pour Barreau, qu’un phénomène soit « étonnant », « merveilleux », sans avoir une cause connue ou identifiée, ou autre que le hasard et la nécessité. Plus ça va, et plus il me semble que l’attitude agnostique est la seule compatible avec la raison ; ou pour être plus précis, le bon raisonnement ne saurait faire l’économie de la plus élémentaire prudence, et du sens de la distinction.

    Riche

    Je recommande néanmoins la lecture de ce livre très riche. Il donne un éclairage très direct et lucide sur l’islam (que l’auteur connait bien), et ses différences philosophiques et spirituelles avec la foi chrétienne. L’éclairage très intéressant sur la prière comme moyen d’être dans « l’attention », en référence à Simone Weil (beaucoup citée par l’auteur), me permet, non pas de laisser le mot de la fin à Barreau, mais de vous repartager ce très beau texte de Weil (texte intégral disponible ici : Attente de Dieu).) :
    Bien qu’aujourd’hui on semble l’ignorer, la formation de la faculté d’attention est le but véritable et presque l’unique intérêt des études. (…) La plupart des exercices scolaires ont aussi un certain intérêt intrinsèque ; mais cet intérêt est secondaire. Tous les exercices qui font vraiment appel au pouvoir d’attention sont intéressants au même titre et presque également. (… ) N’avoir ni don ni goût naturel pour la géométrie n’empêche pas la recherche d’un problème ou l’étude d’une démonstration de développer l’attention. C’est presque le contraire. C’est presque une circonstance favorable. Même il importe peu qu’on réussisse à trouver la solution ou à saisir la démonstration, quoiqu’il faille vraiment s’efforcer d’y réussir. Jamais, en aucun cas, aucun effort d’attention véritable n’est perdu. Toujours il est pleinement efficace spirituellement, et par suite aussi,
    par surcroît, sur le plan inférieur de l’intelligence, car toute lumière spirituelle éclaire l’intelligence.

  • Manifeste du nouveau réalisme

    Manifeste du nouveau réalisme

    Je travaille un essai sur le thème du réel / réalisme philosophique, et dans ce contexte j’ai la chance d’être tombé sur Maurizio Ferraris. C’est un philosophe italien, de l’université de Turin, et qui visiblement est dans une veine tout à fait proche de ce que je cherchais à élaborer comme réflexion.

    Peine et joie

    La lecture du « Manifeste du nouveau réalisme » s’est donc révélé être à la fois une – petite – peine (ce que je voulais écrire a déjà été écrit) et une grande joie (je ne suis pas seul). Maurizio Ferraris revient en détail sur ce qu’est le post-modernisme, en quoi il a constitué en partie une impasse philosophique, et pourquoi il est nécessaire de revenir à une conception plus claire du « réalisme » en philosophie. En clair, et comme l’expose très bien le 4ème de couverture, le projet est de réhabiliter les notions de vérité et de réalité, indispensables.
    La réalité serait-elle socialement construite et infiniment manipulable ? Et la vérité une notion inutile ? Non. On ne peut se passer du réel, il faut l’affronter et négocier avec lui. Il résiste ou insiste, maintenant et toujours, comme un fait qui ne supporte pas d’être réduit à interprétation.
    Le « nouveau réalisme » est la prise d’acte d’un changement de situation. Les populismes médiatiques, les guerres de l’après 11 septembre et la récente crise économique ont démentis deux dogmes fondamentaux du postmodernisme : la réalité n’est pas socialement construite et infiniment manipulable ; la vérité et l’objectivité ne sont pas des notions inutiles.
    Ce qui est nécessaire n’est pas une nouvelle théorie de la réalité, mais un travail qui sache distinguer, avec patience et au cas par cas, ce qui est naturel, ce qui est culturel, ce qui est construit et ce qui ne l’est pas. Ainsi, s’ouvrent de grands défis éthiques et politiques et se dessine un nouvel espace pour la philosophie.

    Ranger les différents objets qui peuplent le réel

    On trouve dans l’essai une description assez proche de l’endroit où en est arrivé mon essai, en termes de projet : « faire une distinction entre les régions d’être qui sont socialement construites et celles qui ne le sont pas ; à établir pour chaque région d’être des modalités spécifiques d’existence ; et enfin à attribuer au cas par cas une région d’être à chaque objet. » Il propose un découpage des objets en trois catégories (objets naturels, objets sociaux, et objets idéaux) qui rejoint en partie le découpage de Popper que j’utilise dans mon essai, et qui va me permettre de préciser un certain nombre de choses de manière plus précise.

    Le réalisme de Maurizio Ferraris

    Le livre est très complet, très clair et très riche. Je ne peux ici le résumer, mais il me semble intéressant de partager les 3 grands axes de description utilisés par l’auteur pour décrire ce qu’il appelle le réalisme philosophique ; ces 3 axes reposent sur la dénonciation de trois confusions qui ont été plus ou moins consciemment entretenues par les postmodernes (trois « falsifications »). J’ai trouvé que la traduction, à plusieurs endroits, laissaient à désirer car des phrases peu claires peuvent être lues dans un texte par ailleurs d’une très grande clarté.

    Ontologie

    Dans une grande partie intitulée « Réalisme », Ferraris revient sur le fait que le réel est, avec ses lois, indépendamment de nos langages, schémas et catégories.
    A un certain point, il y a quelques chose qui nous résiste. C’est ce que j’appelle « inamendabilité », le caractère saillant du réel. Il peut certes être une limitation, mais il nous donne en même temps le point d’appui qui nous permet de distinguer le rêve de la réalité et la science de la magie.
    Ferraris dénonce dans ce chapitre la « falsification de l’être-savoir », la « confusion entre ontologie et épistémologie, entre ce qu’il y a et ce que nous savons concernant ce qu’il y a« .

    Critique

    L’auteur soutient ensuite que le fait de regarder le réel tel qu’il est, le décrire, n’est en aucun cas une justification ou une acceptation de cette réalité. Contre les manipulateurs qui voudraient faire taire ceux qui veulent partir du réel, il convient de dénoncer la « falsification du vérifier-accepter ». Vérifier un fait n’est pas l’accepter comme juste.
    (…) le réalisme est la prémisse de la critique, tandis que l’acquiescement est inhérent à l’irréalisme, la fable qu’on raconte aux enfants pour qu’ils s’endorment. (…) Au contraire, il reste des possibilités au réaliste : la possibilité de critiquer (à condition qu’il le veuille) et de transformer (s’il le peut), pour la banale raison que le diagnostic est la prémisse de la thérapie.

    Lumières

    La dernière falsification est celle du « savoir-pouvoir » :
    Dans chaque forme de savoir se cache un pouvoir vécu comme négatif, de sorte que le savoir, au lieu d’être relié à l’émancipation, se présente comme un instrument d’asservissement. Cet esprit anti-Lumières est l’âme ténébreuse de la modernité, le refus de l’idée de de progrès, la méfiance envers la connexion entre savoir et émancipation (…). Cette émancipation exige encore aujourd’hui de choisir son camp, d’avoir confiance dans l’humanité. Elle n’est pas une race déchue en besoin de rédemption, elle est une espèce animale qui évolue et qui, dans son progrès, s’est dotée de raison.

    Auteur majeur

    Je suis très heureux d’avoir découvert cet auteur majeur pour moi. Et j’ai hâte de commencer « Post-vérité et autres énigmes » (du même auteur). Je ne peux que vous recommander la découverte de Maurizio Ferraris. Je sais que je relirai cet essais magistral, en forme de manifeste, bourré de passages très intéressants, et de citations que j’ajoute à ma collection.

  • Notions de philosophie

    Notions de philosophie

    « Notions de philosophie » est une superbe somme, organisée et supervisée par Denis Kambouchner, chez Folio. Trois tomes copieux, dont les différents articles traitent chacun d’une grande notion de philosophie : la culture, la liberté, les croyances, etc…
    C’est un ouvrage qui m’a servi à plusieurs reprises, notamment pour découvrir le travail d’Alain Boyer qui y signe l’article « Justice sociale et égalité » (splendide et très très riche). Cela m’avait été très utile avant d’aller l’interviewer (interview exclusive). Et comme il vient de me resservir récemment, j’en recommande la lecture et la possession, car l’article que j’utilise, « Les croyances », est vraiment remarquable. Il est signé par Pascal Engel, et est à la fois précis, complet, très documenté et d’une grande rigueur conceptuelle (je crois que c’est un des apports de la philosophie analytique). Je suis heureux d’avoir cette somme dans ma bibliothèque : elle me resservira à coup sûr !