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  • L’après littérature

    L’après littérature

    « L’après littérature » de Finkielkraut est un très bel essai, inquiet, sur la place des « petits faits vrais », et du réel, face aux systèmes idéologiques, et un remarquable plaidoyer pour la nuance, la mesure, exemplairement moral dans son respect conjoint de la vérité et de l’esprit de justice.

    La littérature comme moyen de rester dans le réel.

    Dans « Un coeur intelligent » Finkielkraut avait montré magistralement, à  travers un certain nombre de romans, comment la littérature permettait d’accéder à  la complexité du réel et des humains, et à  la nuance. Et comment, si nous ne pouvons pas nous passer d’histoires, et de narrations, il faut sortir des fables pour faire place à  la littérature. Ce fil, cette thèse reste très présente dans « L’après littérature » : la littérature permet de continuer à  rester dans la vérité du réel.

    Plus une cause est grande et moins elle a de temps à  perdre avec les petits faits vrais.

    La littérature comme anti-idéologie. Le titre du livre résume bien l’angoisse de l’auteur, que je partage : celle de voir les esprits, par manque de temps, de courage ou simplement d’éducation, redevenir de moins en moins capables d’appréhender cette réalité, et de préférer les grandes causes « nobles », les idéologies, à  la vérité et au Bien. Et parmi ces idéologies une sorte de « nihilisme compassionnel« , haïssant toute forme de hiérarchie, égalitariste, dont le prototype nous est fourni par ce grand lecteur de Proust qu’est Finkielkraut sous les traits de « Tante Céline », personnage très secondaire de Du côté de chez Swann. Celle-ci, en effet, met en avant ses bons sentiments qui doivent prévaloir sur tout le reste… Chantal Delsol le disait dans « Un personnage d’aventure » :

    Etre adulte consiste à  nommer les choses telles qu’elles sont. C’est pourquoi une époque idéologique fabrique un peuple-enfant.

    Maître à  penser

    Je trouve qu’Alain Finkielkraut est vraiment un maître à  penser. Outre sa maîtrise absolue du langage, saisissante quand on y réfléchit et quand on le lit, il déploie sa pensée avec une justesse imparable. Je n’ose imaginer la quantité de travail qui se cache derrière cet admirable propos (tout est toujours sourcé, cité, et même les adversaires voient leurs propos rapportés scrupuleusement). Ce qui m’impressionne le plus, c’est sa capacité à  faire en sorte que sa pensée épouse le réel au plus près, sans jamais faire de concession ou de compromis ni avec la vérité, ni avec la morale. Ce qui est un exploit exemplaire : coller uniquement au réel (« ce qui est ») pourrait faire tomber dans une forme de pragmatisme factuel, et coller uniquement à  la morale (« ce qui devrait être ») pourrait faire tomber dans une forme d’idéalisme de bon aloi, en surplomb de la réalité. Finkielkraut articule toujours les deux, dans un sens de la nuance intégral, signe de quelqu’un que le réel obsède – comme il le disait en entrée de « A la première personne » -, mais que le Bien et le Juste motivent au même titre.
    Je trouve que la parole de Finkielkraut est une forme de réhabilitation du travail conjoint du Vrai (adéquation avec le réel) et du Juste (recherche de ce qui devrait être), qui montre par comparaison à  quel point l’idéologie, les idéologies, ne sont pas dans le registre de la morale, mais bien dans celui uniquement de la propagande politique. Quelle morale pourrait s’accommoder de faire passer son combat pour la justice avant le respect dû à  la vérité ? Magistral, donc. Laissons-lui le mot de la fin :

    En 1970, Soljenitsyne recevait le prix Nobel de littérature. Le discours qu’il n’a pas pu prononcer à  Stockholm se terminait par une note d’espoir : « Dans le combat contre le mensonge, l’art a toujours gagné, et il gagnera toujours ouvertement, irréfutablement, dans le monde entier. » C’était il y a cinquante ans. Moins de deux décennies après cette profession de foi, le mur de Berlin tombait et le communisme soviétique rendait l’âme. Les faits semblent donc avoir donné raison à  Soljenitsyne. A y regarder de plus près, ils l’ont cruellement démenti. Non seulement le présent égalitaire règne sans partage, mais il s’imagine autre qu’il n’est. A force de se raconter des histoires, il se perd complètement de vue. Les scénarios fantasmatiques qu’il produit en cascade lui tiennent lieu de littérature. Néoféminisme simplificateur, antiracisme somnanbule, recouvrement méthodique de la laideur et de la beauté du monde par les équations de la pensée calculante, déni obstiné de la finitude : dans son combat contre le mensonge, l’art est en train de perdre la partie.
  • Citation #145

    Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre.

    Armand Jean du Plessis de Richelieu (1585 – 1642) ecclésiastique et homme d’État français.

  • Le monde sans fin

    Le monde sans fin

    « Le monde sans fin » est une bande dessinée pédagogique, née de la collaboration entre Jancovici et Blain. Il y est question d’énergie, de climat, de l’humanité. C’est un formidable ouvrage, qui se dévore, qui nourrit, qui fait réfléchir et …réagir car il comporte quelques biais idéologiques.
    Christophe Blain est un des auteurs de BD françaises les plus talentueux, et l’un de mes préférés. J’adore son trait, et son style. Vous pouvez notamment vous jeter sur la série Gus. Il a souhaité rencontrer Jean-Marc Jancovici, ingénieur, enseignant et entrepreneur, inventeur du bilan carbone, pour mettre en image et en narration son éclairage sur l’énergie et le climat. Le livre est le très beau résultat de cette collaboration.

    Qualités indéniables

    On retrouve dans le livre le franc-parler de Jancovici, qui ne mâche jamais ses mots pour dézinguer les opinions qu’il pense stupides ou erronées. C’est ce qui fait de lui un animal à  part dans le champ des discussions sur l’énergie et l’écologie. Pro nucléaire, ce qui me plaît compte tenu des énergies disponibles, mais aussi visiblement pas vraiment un franc-partisan de la liberté (planiste, néo-malthusien), ce qui me déplait compte tenu de mes valeurs. On sent tout de même le technocrate, et le collectiviste ; ce qui sur un sujet comme l’énergie est moins choquant : la subsidiarité bien comprise implique que certains sujets soient nécessairement traités sur une maille nationale, voire internationale, et celui de l’énergie en fait probablement partie.
    J’ai beaucoup aimé aussi, outre les magnifiques dessins, le style narratif choisi par Blain. Racontant son histoire avec le sujet, et avec Jancovici, il assume d’être celui qui ne sait pas (mais apprend et transmet). Cela fait un ton toujours très pédagogique, jamais lourdingue, toujours fluide et clair. J’ai beaucoup apprécié la partie finale sur le fonctionnement du cerveau, utile et donnant une profondeur et une ourverture au propos.

    Oui, mais…

    J’ai déjà  mentionné quelques points de désaccord de philosophie politique. Mais ils ne sont pas gênants en tant que tel. Ce qui me dérange plus, mes lecteurs n’en seront pas surpris, c’est le mélange entre politique et science dans l’argumentation. La science dit ce qui est, la politique dit ce qu’on décide de faire compte tenu de ce qui est et de ce qu’on en sait. La science ne dit pas ce qu’il faut faire. Or, sur ce sujet, le mélange est omniprésent, et il me semble que cela devrait faire partie du rôle de pédagogue que de démêler cet entrelacement douteux. La planète se réchauffe, soit. L’effet de serre a un rôle dans ce réchauffement, soit. Il est possible que l’homme ait une part (petite à  priori) dans ces variations de climat, soit. Mais rien de tout cela ne dit ce qu’il faut faire, et avec quelle proportion, avec quelle vitesse. C’est l’affaire des arbitrages politiques, des affaires humaines. Car soyons beaucoup plus clairs : la science ne dit pas ce qu’il faut faire, mais des scientifiques et des politiciens, ou des activistes peuvent utiliser la science pour faire comme si elle apportait avec elle les choix politiques et les arbitrages. C’est de la manipulation. Je pense que Jancovici tombe un peu là -dedans à  certains moments.
    Il joue sur la peur, et ne montre qu’une partie des faits, pour faire croire au lecteur que certaines actions sont inévitables et commandées par le réel. Quelques exemples ? Je n’ai pas lu dans le livre la mention qui aurait dû être faite de la part de l’homme et du CO2 anthropogénique dans l’effet de serre global : à  peine 0,3%. Le principal vecteur d’effet de serre sont la vapeur d’eau, et le CO2 naturel, dont les cycle sont presqu’indépendants des activités humaines. Ce simple fait, ainsi que la dépendance connue du climat aux variations astronomiques (activité solaire, position de la terre, etc..), fait prendre du recul par rapport au message « activité humaine = réchauffement = castrophe ».
    Il n’est jamais fait mention dans le livre, non plus, des effets positifs de l’augmentation du CO2 et de la température. Par exemple, la terre n’a jamais été aussi en forme côté « forêts » (ce qui contredit les images catastrophiques du livre). Les plantes en général et les arbres en particuliers, bénéficient de l’augmentation de CO2, ce qui peut d’ailleurs être un élément d’auto-régulation du climat.
    Je n’ai pas vu dans le livre non plus d’éléments concernant les « nouvelles » pistes de production d’énergie (notamment la fusion nucléaire qui fait des progrès chaque jour).

    L’éducation peut-elle faire l’impasse sur le Vrai ?

    Je comprends ces raccourcis : le livre a été fait dans une logique de persuasion, de mise en mouvement des lecteurs. Le pari est réussi. ça marche toujours de faire peur. C’est ce que fait le GIEC depuis 1988. Mais je fais partie des esprits – probablement trop idéalistes – qui aimeraient que les combats politiques se mènent sans trahir ou masquer excessivement la vérité. Pour repenser nos modes de fonctionnement, notre rapport à  l’énergie, à  la consommation, à  la croissance, faut-il faire planer sur tous les esprits, notamment les jeunes que l’on forme, une angoisse existentielle sur-jouée, et rendant fou, car portant sur des sujets où probablement l’homme n’a qu’une influence négligeable ? Faut-il jeter la rigueur et la vérité pour faire avancer sa cause ? Je pense le contraire. Aucune cause ne saurait être juste si elle nécessite pour avancer de cacher le réel et de museler la vérité.

  • La vertu d’égoïsme

    La vertu d’égoïsme

    Ayn Rand, romancière, philosophe et scénariste (auteur du fameux Atlas Shrugged) a explicité sa position philosophique dans un ensemble d’articles, regroupés dans un livre « La vertu d’égoïsme ».

    Electrochoc moral contre la logique de sacrifice

    Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Ayn Rand ne tourne pas en louvoyant autour du pot. Elle attaque directement à  la racine conceptuelle de ce qu’est l’éthique. L’éthique objectiviste qu’elle met en avant est en opposition avec l’éthique altruiste. Dans l’éthique altruiste, elle regroupe 3 écoles (mystique, social, subjective) qui ressortent in fine de la même logique c’est-à -dire qu’elles considèrent l’homme comme un animal sacrificiel.

    De ce point de vue, elles ne sont que des variantes de l’altruisme, cette éthique qui considère l’homme comme un animal sacrificiel, qui soutient que l’homme n’a pas le droit de vivre pour lui-même, que les services qu’il peut rendre aux autres sont la seule justification de son existence, et que le sacrifice de soi est son plus haut devoir moral, sa plus grande vertu et sa valeur la plus importante. Les différences ne surgissent que lorsqu’il est question de savoir, qui doit être sacrifié, et pour qui. L’altruisme considère la mort comme son but ultime et le fondement de ses valeurs. Il est donc logique que la renonciation, la résignation, le dénigrement de soi, et toute forme de souffrance, y compris l’auto-destruction, soient les vertus qu’il prône. Et, logiquement, ce sont les seules choses que les adeptes de l’altruisme ont accomplies, autrefois comme maintenant. Observez que ces trois écoles de la théorie éthique sont anti-vie, non seulement dans leur contenu, mais aussi dans leur méthode d’approche.

    En regard de ces éthiques morbides qu’elle dénoncent, Ayn Rand a précisé quelques pages plus haut que l’éthique objectiviste qu’elle propose, basée sur la vie et la raison. Elle reprend à  son compte la doctrine des Droits Naturels, et défend au contraire un égoïsme rationnel qui n’est pas, comme le précise Alain Laurent dans la préface, « n’importe quel égoïsme, en en particulier l’égoïsme dans acception mesquine et triviale, qui procède d’émotions primaires claquemurant l’individu dans de sordides calculs utilitaires et machiaveliens. (…) dans ses Principes de morale Hebert Spencer remarquait « qu’une égoïsme rationnel, bien loin d’impliquer une nature humaine plus égoïste, est compatible avec une nature humaine moins égoïste » car il met « en lumière les droits des autres » ».

    Le principe social fondamental de l’éthique objectiviste est que tout comme la vie est une fin en soi, chaque être humain vivant est une fin en lui-même, non le moyen pour les fins ou le bien-être des autres. Ainsi, l’homme doit vivre pour son propre intérêt, ne sacrifiant ni lui-même aux autres, ni les autres à  lui-même. Vivre pour son propre intérêt signifie que l’accomplissement de son propre bonheur est le plus haut but moral de l’homme.

    On retrouve là  des basiques, présent dans la règle d’or.
    Sincèrement, ce livre est un petit bijou. Ramassé, précis, intransigeant, il est le contrepoint idéal du roman La grève. Dans le roman, Ayn Rand, longuement, détaillait les conséquences de ces éthiques altruiste qu’elle dénonce, avec un éclairage politique et social. Dans La vertu d’égoïsme, on découvre le versant éthique et philosophique, sans fioriture. Il y a énormément à  dire de ce texte, et je sais déjà  que le relirai, et qu’une partie des pages finira dans ma collection de citations. J’aimerais que mes concitoyens lisent et réfléchissent à  cela. Il y a certainement de bonnes objections à  ce texte, mais il faudra être armé pour cela, car il est pur et dur comme un diamant, réaliste, et rationnel.

    Rappel à  l’ordre

    Après la lecture de Nemo, revenant sur les liens philosophiques entre libéralisme et christianisme, on pourrait objecter qu’Ayn Rand tombe dans le travers décrit par le penseur français : prendre la liberté comme un fin en soi, et donc être dans un libéralisme superficiel (d’après Nemo, qui justement se réclame d’une éthique partiellement sacrificielle). C’est probablement en partie vrai. A titre personnel, je le pense pas, et cela me permet de préciser en quoi cette distinction de Nemo n’était pas tout à  fait juste à  mes yeux. Ces 3 versions du libéralisme (la liberté comme fin en soi, la liberté pour le progrès, la liberté pour la charité) ne sont pas exclusives, ou hiérarchisées, mais additives et représentent à  mon sens trois faces d’une même vérité. Quelle charité, quel progrès, si la vie de l’homme n’est pas le « fondement de toute valeur et sa propre vie comme le but éthique de chaque individu » ?
    Loin d’y voir une opposition entre une visée éthique de combat contre le mal (charité) et une visée éthique de liberté (la liberté comme fin en soi), je pense qu’il est possible d’articuler les deux. L’objectivisme est simplement la condition du reste. Il n’y pas à  hiérarchiser comme le fait Nemo. Comment combattre le mal si on ne commence pas à  le combattre en soi ? Ce que nous dit Ayn Rand, c’est que combattre le mal en soi, c’est commencer par admettre qu’une pensée juste et vraie ne saurait légitimer la négation du droit de certains pour justifier une fin supposée supérieure…

    Certaines questions, que l’on entend fréquemment, ne sont pas des questions philosophiques, mais des confessions psychologiques. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de l’éthique. Et c’est spécialement dans les discussions qui concernent ce domaine que l’on doit non seulement vérifier ses prémisses (ou s’en souvenir) mais aussi apprendre à  vérifier celles de ses adversaires. (…) Si un homme spécule sur ce que la « société » devrait faire pour les pauvres, il accepte de ce fait la prémisse collectiviste que la vie des hommes appartient à  la société et que lui, comme membre de la société, a le droit de disposer d’eux, pour déterminer leurs buts et planifier la « distribution » de leurs efforts. Voilà  la confession psychologique sous-entendue dans de telles questions et dans plusieurs sujets du même genre. (…) Plus souvent, cependant, cette confession psychologique révèle un mal plus profond : elle révèle à  quel point l’altruisme érode la capacité des hommes à  saisir le concept des droits ou la valeur d’une vie individuelle ; elle révèle un esprit duquel la réalité d’un être humain a été effacée. (…) D’où la consternante insouciance avec laquelle les hommes proposent, discutent et acceptent des projets « humanitaires » qui devront être imposés par des moyens politiques, c’est-à -dire par la force à  un nombre illimité d’être humains. Si, d’après les caricatures collectivistes, les riches avides s’adonnent aux luxe et à  ses extravagances sous le prétexte que « le prix n’a pas d’importance », alors le progrès social apporté par les mentalités collectivistes d’aujourd’hui consiste à  s’adonner à  la planification politique altruiste, selon le principe que « les êtres humains n’ont pas d’importance ». Le trait caractéristique de telles mentalités est le plaidoyer en faveur d’un objectif public à  grande échelle, sans considération du contexte, des coûts et des moyens. Hors contexte, un tel objectif peut généralement être présenté comme désirable ; il doit être public, parce que les coûts n’ont pas à  être produits mais résultent de l’expropriation ; et une épaisse nappe de brouillard doit ensevelir la question des moyens, parce que les moyens seront des vies humaines

    Est-ce que cela résonne avec certains sujets actuel pour vous ?

    Charité bien ordonnée commence par soi-même.

  • La belle mort de l’athéisme moderne

    La belle mort de l’athéisme moderne

    Le christianisme est vrai

    C’est un livre fascinant que « La belle mort de l’athéisme moderne » de Philippe Nemo. Il regroupe 7 articles que Philippe Nemo a cru bon de réunir en un recueil pour une raison simple, explicitée dans l’avant propos : « ils font l’hypothèse que le christianisme est vrai. »

    Depuis quelques deux siècles, un mélange de recherches intellectuelles sincères et de propagande avait voulu nous convaincre des erreurs et des fautes du christianisme et, ultimement, de son insignifiance, puisqu’il ne serait qu’une parmi les n religions que le monde a connues et connaît, partageant avec elles le statut d’une vaine illusion. Une politique délibérée avait même entrepris d’extirper complètement le christianisme de la société française et de faire en sorte que les nouvelles générations n’en entendent plus jamais parler. Or, il se trouve que ces recherches ont échoué et que cette propagande s’est épuisée. Il se trouve que l’athéisme moderne est mort de sa belle mort. Il n’a pas été tué, puisqu’au contraire le monde présent lui a donné et continue à  lui donner toutes les opportunités de plaider sa cause et d’offrir à  l’humanité de nouvelles raisons de vivre. Vain sursis…Si l’athéisme est mort c’est parce que, décidément, il n’a pas tenu ses promesses et n’a pas établi que l’homme est moins misérable sans Dieu qu’avec Dieu. (…) Naturellement, le fait que le christianisme soit vrai ne signifie pas que tout en lui soit vérité ni qu’il existe pas de vérité en dehors de lui. Ce qu’on soutient ici, c’est qu’il seul à  receler la vérité qui importe le plus à  la vie humaine. Certes, le christianisme peut et doit reformuler certains aspects de ses dogmes, et prendre quelque distance par rapport à  l’enveloppe anthropologique dans laquelle sont message a été jusqu’à  présent porté. Mais il excède cette enveloppe. Il est une doctrine essentiellement ouverte, pour la bonne raison qu’il n’est pas du tout une doctrine, fruit de l’intellect humain. Il est le sillage de la charité du Christ. (…) Les hommes touchés au coeur par la charité du Christ inventeront au christianisme un avenir que les hommes de dogme et d’antidogme ne peuvent anticiper.

    La charité est définie plus loin dans le livre par Nemo : « l’énergie spirituelle qui permet de s’atteler à  tous les chantiers susceptibles de diminuer l’emprise du mal sur le monde et les souffrances des hommes. »
    Beaucoup de choses passionnantes dans le livre, sur le Mal, sur la révolution éthique et eschatologique qu’a représenté le christianisme. L’éclairage du Livre de Job est superbe, et le passage sur la hiérarchie des transcendentaux également. J’ai retrouvé certains des thèmes développés par Philippe Nemo dans « Qu’est-ce que l’Occident?« . C’est de cela dont il s’agit, d’ailleurs : plus qu’une promotion du christianisme, c’est un appel à  la prolongation de celui-ci, par une ré-appropriation, une interprétation actualisée, permettant une transmission de son essence. Un travail sur l’identité de l’Occident chrétien. Un chapitre résonne avec le bel essai de Weiler (« L’Europe chrétienne ? » sur les racines chrétiennes de l’Europe : Nemo ne mâche pas ses mots et considère qu’en plus d’être une « erreur historique massive », le fait de ne pas mentionner les racines chrétiennes dans la Constitution européenne est une forme de « négationnisme » (« un révisionnisme antichrétien ») car cela revient à  « jeter un interdit sur l’identité d’une communauté, à  nier son âme et à  compromettre son avenir ». Je suis d’accord avec lui.

    Les 3 libéralismes

    Le chapitre 5 sur les rapports entre libéralisme et christianisme m’a passionné. C’est le texte d’une conférence donnée à  Turin, et que j’avais déjà  lue il y a longtemps (sans l’avoir plus remarquée que cela, car elle figurait parmi des textes très nombreux dans un livre en hommage à  Pascal Salin, « L’homme libre »). Comme quoi, il fait bon relire son Nemo, de temps en temps. L’auteur y montre à  quel point l’éthique du christianisme est au fondement et a accompagné tout le développement de la philosophie libérale (ce sont les 4 thèses développées par Nemo dans ce chapitre):

    1. c’est l’éthique biblique qui a apporté au monde la liberté ontologique fondamentale d’où découlent toutes les autres libertés ;
    2. le faillibilisme chrétien a joué un rôle-clef dans la genèse du libéralisme intellectuel et de la science moderne ;
    3. l’éthique chrétienne a joué un rôle non moins important dans genèse du libéralisme économique ;
    4. si christianisme et libéralisme semblent, à  certains égards, incompatibles et, à  d’autres égards, intimement liés, cette contradiction apparente est due à  ce qu’il y a plusieurs niveaux de libéralismes dont seuls les plus superficiels sont ou paraissent antichrétiens.

    Nemo distingue en fin de chapitre entre 3 niveaux de libéralisme, qu’il hiérarchise moralement par ordre croissant d’importance : la liberté pour elle-même, la liberté pour le progrès, la liberté pour la charité. C’est passionnant, stimulant, et il termine en citant Benjamin Constant, que je n’ai pas lu, et que je vais devoir lire.

    Questions

    Bref : un livre passionnant, riche et d’une grande densité. A lire sans modération. Le seul point qui m’interroge, c’est que si Nemo définit précisément la charité, ou l’âme, il ne définit jamais le terme « Dieu ». Cela rejoint les propos d’Adin Steinsaltz dans « Mots Simples » : si le mot Dieu n’est qu’une béquille pour l’intelligence humaine, n’est-ce pas aussi un des axes de travail du christianisme que de réformer et repenser, dans sa manière d’apporter son message, l’utilisation de ce terme équivoque qui brouille, je pense, la compréhension que l’on peut en avoir ? Qu’est-ce qu’une éthique qui prend comme point focal la volonté d’un être jamais défini ? Et si l’éthique nécessite un saut philosophique, un acte de foi, ne faudrait-il pas mieux expliciter cette foi, ce qui me semble possible sans passer par Dieu ?

  • Les 15 meilleurs solos de guitare du monde

    Les 15 meilleurs solos de guitare du monde

    C’est un exercice impossible, par définition : il y a tant de magnifiques solos, et de morceaux. Et si on prend n’importe lequel des guitaristes de ce classement, il a écrit et joué des dizaines d’autres excellents solos. Mais j’assume cette liste incomplète, critiquable. Lorsque j’ai trouvé des versions intéressantes en live, j’ai pris celles-là , sinon c’est simplement la version album (ou du disque du live).

    Sultans of Swing, Mark Knofler

    Hotel California, Don Felder & Joe Walsh

    Bold As Love, Jimi Hendrix

    Don’t Stop Me Now, Brian May

    Tin Pan Alley, Stevie Ray Vaughan

    Since I’ve Been Loving You, Jimmy Page

    Double Trouble, Eric Clapton

    Fields of Joy, Slash

    Reelin’ in The Years, Elliot Randall

    Highway to Hell, Angus Young

    Million Miles Away, Rory Gallagher

    Blues For Salvador, Carlos Santana

    Drown in My Own Tears, John Scofield

    Deep River Blues, Tommy Emmanuel

    Sympathy For The Devil, Keith Richard

    Sometimes It Snows In April, Prince

    Et vous ? Quels sont vos morceaux & solos préférés ? Complétez la liste en commentaire !