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  • Gabegie généralisée

    Gabegie généralisée

    Le mot a été inventé, dirait-on, pour décrire la situation française actuelle :

    Gabegie subst. fém. : Désordre provenant d’une mauvaise gestion financière ou autre dans un pays, une administration ou une entreprise.

    Constat

    Je risque une image. Les politiciens sont comme des boulangers qui feraient un pain dégoutant, avec le monopole sur la ville, et qui trouveraient le moyen d’enguirlander les clients qui rentrent dans la boulangerie sur la couleur de leurs chaussures, ou le choix du journal qu’il tiennent à  la main. Le bon sens conduirait à  rapidement leur expliquer qu’ils pourraient commencer par faire du bon pain, et nous lâcher la grappe. Que les politiciens commencent par faire bien leur boulot, avant de donner des leçons de morale permanentes aux français ! Faire du pain, pour un politicien, c’est assurer de manière impeccables les fonctions régaliennes, centrales de l’Etat.

    • Sécurité : les actes de violences sont au plus haut. 120 attaques au couteau par jour en France. C’est la première des missions régaliennes : assurer la sécurité des citoyens. Et je ne parle pas des zones de non-droit.
    • Immigration : un des sujets majeurs pour l’avenir de la société. Toujours pas d’assimilation obligatoire, toujours pas de politique claire, toujours plus de clandestins, mineurs ou non, en droit d’asile ou non. Source de tension quotidienne, jamais pris en charge par les politiciens qui l’ont abandonné comme un thème maudit au Rassemblement National.
    • Justice : justice à  l’abandon, instrumentalisée par l’idéologie, sans aucun suivi dans le temps des peines. Toujours pas de place de prison construites, malgré le manque souligné 1000 fois.
    • Diplomatie & Défense : toujours moins de moyens pour l’armée, politique internationale illisible (on fait la fine bouche ou les malins avec la Russie et les US, ou encore Israël, qui sont tous nos alliés naturels et historiques, tout en s’acoquinant avec des dictatures sanguinaires, on déploie nos troupes là  où elle ne devraient plus être depuis longtemps)
    • Education : l’école publique est en ruine, avec des professeurs toujours plus mal payés, toujours moins nombreux relativement aux administratifs, et soumis, via l’immigration, à  des populations de moins en moins en capacité, et en volonté, d’assimiler les savoirs transmis.
    • Santé : j’ai déjà  parlé de la gestion de la crise du COVID, désastreuse, et axée sur la peur. Comte-Sponville en parle mieux que moi.

    Pour comprendre le niveau de gabegie, il faut écouter Charles Prats :

    Oui, vous avez bien entendu : des millions de fausses cartes vitales en circulation, la moitié des pensions de retraites versées à  des gens nés à  l’étranger, un des fondateurs de l’Etat islamique inscrit à  la Sécu Française avec des faux documents belges. Scandaleuse Gabegie.
    Il est temps de dire aux politiciens : « Faites votre boulot, et nous ferons le nôtre. »
    Où va l’énorme quantité d’argent prélevée aux français ?
    Si les membres du gouvernement se considèrent comme les représentants non plus des contribuables, mais des bénéficiaires de traitements, appointements, subventions, allocations et autres avantages tirés des ressources publiques, c’en est fait de la démocratie. Von Mises

    Diagnostic

    Comment tout cela est possible ? Je vois deux raisons majeures à  cette état de fait : le refus du réel, et le choix permanent du présent. Une logique d’enfant, en fait.

    Idéologie

    Le fond idéologique qui rend ces dérives possibles, c’est à  mon sens le refus du réel, et la crainte maladive de toute discrimination. Discriminer, c’est distinguer ce qui est différent. Par crainte d’être taxés de racisme, la classe politique et médiatique n’ose plus montrer les aspects négatifs de l’immigration et du multiculturalisme. Tout se vaut, tout devient interchangeable. Les idées sont molles, et ne se confrontent plus au réel. C’est l’idéologie dans toute sa splendeur. Posture, affichage. L’important est d’avoir l’air bien comme il faut. J’invite ceux que ça intéresse à  regarder l’excellent débat entre Zemmour et Bauer chez Christine Kelly. Ils reviennent sur cette lente dérive vers l’acceptation du multiculturalisme et la négation de nos racines. Si tout se vaut, notre culture ne vaut pas mieux ou pas moins bien que celle des algériens, ou des sénégalais.
    Refuser le réel, c’est aussi refuser la mesure du réel. Il n’y a pas d’évaluation des politiques publiques, ou alors elles sont mises au placard (celle de la Cour des comptes, notamment). Sans discrimination, discernement, et sans accroche avec le réel, la pensée est folle.

    Imprévoyance

    Le deuxième pilier de cette folie est un incroyable égoïsme. La rhétorique des politiciens trouve toujours une crise (financières, militaire, sanitaire, etc…) pour expliquer que la dette continue d’augmenter. C’est une savante (?) manière de cacher la triste réalité : nous faisons collectivement le choix du présent contre l’avenir. Nous voulons tout tout de suite, les suivants payeront. Cette rhétorique de la crise permanente, en plus de nous endetter, met également toujours au centre des discussions des maux, plus ou moins réels, et contribuent donc à  une ambiance délétère pessimiste au possible, centrée sur les problèmes et jamais sur ce qui fonctionne. En misant systématiquement sur ce qu’on peut faire tout de suite, même si on n’en a pas les moyens, on maintient le pays dans un état d’imprévoyance coupable, qui repousse sans cesse la résolution des problèmes.

    Traitement ?

    Le problème le plus urgent de notre temps, pour ceux qui mettent en première urgence la préservation des institutions démocratiques, consiste à  restreindre le champ du processus d’achat des votes.
    W.H. Hutt (1899 – 1988) Economiste anglais

    La solution, simple sur le papier, est donc de faire revenir l’Etat sur ses missions régaliennes et limiter fortement son intervention dans tous les autres domaines. Il faut donc remettre sur la table les sujets suivants :

    • Où est la limite à  l’action de l’Etat ? J’attends de l’Etat qu’il assure ma sécurité (physique et au sens de défense de mes droits), mais pas qu’il me dise quoi consommer, ou avec qui et comment je dois vivre, ou comment je dois me protéger contre un virus.
    • Comment évaluer l’action de l’Etat, et responsabiliser ceux qui mettent cette action en oeuvre ? Un politicien peut endetter le pays, sans jamais en subir les conséquences…l’irresponsabilité ne peut plus être la règle.
    • Comment opérer la transition vers moins et mieux d’Etat ? Choc fiscal, ré-allocation des moyens entre les ministères, suppression des ministères inutiles, etc…

    L’ampleur du chantier semble incommensurable. Le premier pas, c’est de commencer à  dire les choses telles qu’elles sont, à  exiger des comptes de nos politiciens. La vérité avant tout. Pour sortir de la gabegie généralisée.

    A une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire.

    George Orwell (1903-1950)
    Ecrivain, essayiste et journaliste britannique.

  • Citation #121

    Un homme qui tient dans une assemblée des propos qu’il ne peut pas tenir dans une autre où il fréquente n’est pas un honnête homme.

    Charles Péguy (1873-1914)
    Ecrivain, poète, essayiste et officier de réserve français.

  • L’épidémie est terminée

    L’épidémie est terminée

    Depuis presque 2 mois, l’épidémie est terminée. Pourquoi continuons-nous donc à  porter des masques, et à  compter anxieusement le nombre de cas ? Le plus simple pour le comprendre est de regarder la réalité, et les données disponibles : une remarquable vidéo d’Ivor Cummins donne beaucoup d’éléments factuels et d’arguments.

    Folie sanitaire ?

    Depuis le début de l’épidémie, j’avoue que je regarde régulièrement (j’avais arrêté, et j’ai repris) le nombre de morts en France lié à  la COVID. Depuis fin mai, il est tombé presque à  zéro. Tout l’été, j’ai entendu des gens dans les médias prédire une « seconde vague », sans que jamais cela soit confirmé. L’augmentation du nombre de cas actuelle ne m’a pas inquiété : il parait logique lorsque l’on teste beaucoup, et que la population s’est « déconfinée », que le nombre de cas explose. Cela ne fait pas plus de morts pour autant, et c’est tant mieux ! Mais l’hystérie collective est très fatiguante, pesante même. Je me sens comme isolé de ne pas céder à  la folie. Je suis persuadé que les masques ne servent à  rien, et je trouve excessive les mesures sanitaires actuelles. Cela peut même devenir un sujet de conflit avec des proches, ou des collègues, en tout cas de désaccord. J’ai eu sur Twitter des désaccords avec des gens que j’apprécie par ailleurs, et dont je ne mets absolument pas en cause l’honnêteté intellectuelle. J’ai donc cherché un peu, et je suis vite tombé sur une vidéo qui regroupe plein de données, d’arguments, et qui les expose de manière simple et directe. Comme elle est en anglais, j’ai repris ici quelques éléments clés.

    Des faits, des faits, des faits !

    Vous le savez si vous lisez ce blog, je préfère réfléchir à  partir d’énoncés sur le réel, en tout cas en acceptant que mes idées et théories puissent être contredites par le réel.

    Voilà  une liste non-exhaustive de constats et d’arguments, basé sur des chiffres. Je suis prêt à  remettre en cause telle ou telle affirmation, mais c’est une bonne base pour échanger de manière rationnelle. Les chiffres entre parenthèses renvoient à  l’endroit de la vidéo concerné.

    • Dans les pays européens, l’épidémie est terminée depuis juin. Le nombre de morts liés à  la COVID est tombé presque à  zéro (2:03)
    • Il est très important de ne pas regarder uniquement le nombre de morts liés à  la COVID, mais également le nombre de morts total par rapport au nombre de morts « habituels ». Il apparait que pour pas mal de pays, l’hiver avait été plutôt clément en termes de victimes de la grippe saisonnière, et la COVID a donc eu un impact « de rattrapage » : les populations les plus faibles qui n’étaient pas mortes en hiver ont été les premières emportées par l’épidémie. (4:31 et 8:44)
    • Toutes les prévisions faites par les « experts » sur la base de modèles au début de la pandémie étaient outrageusement exagérées (au moins un facteur par rapport à  ce qui s’est passé) (5:45)
    • Il faut remettre en perspective l’épidémie de COVID par rapport aux nombres de morts des autres épidémies, ou des fluctuations habituelles saisonnières. Le pic de la COVID est à  peine distinguable sur la courbe de temps long : oui, on peut maintenant dire qu’il s’agit d’une épidémie de type « grippe sévère » (je ne prétends que l’on pouvait le dire en mars) (8:03)
    • Il est fort peu probable que les mesures de confinement et de port de masque dans l’espace public aient un quelconque impact sur la COVID (13:21, 15:35 pour le tableau récap des arguments, 19:50 pour la comparaison de pays qui ont confiné et d’autres non)
    • Il y a des différences d’allure des courbes d’épidémie en fonction de la latitude. La courbe pour les régions tropicales est plus étalée. Cela permet de très bien décrire les courbes des pays d’Amérique du sud, et même d’analyser la courbe des USA, qui comporte deux bosses : c’est la superposition de la courbe habituelle (nord des USA) et celle plus étalée typique du sud (Sud des USA) (21:00)
    • Dans tous les pays, nous assistons maintenant à  une « épidémie de cas » (casedemic) : le nombre de cas explose, mais sans aucune mortalité associée. L’épidémie est finie, et le virus continue de circuler, sans faire de victimes (France : 28:00)
    • Sur un exemple, l’auteur montre comment la seconde vague tant « attendue » est probablement le fait de revenir sur les nombres normaux de morts à  cette époque de l’année (31:52). Il est possible que ces mesures jamais vues auparavant (confinement, masque, etc.) aient également, une fois l’hiver arrivé, des effets négatifs : en empêchant la circulation habituelle des virus dans la population, nous avons peut-être aussi diminué la production de défense immunitaire habituelle par brassage. Si cette hypothèse est vraie, les pays les moins observants devraient être moins touchés cet hiver…

    Tous ces éléments conduisent à  penser qu’il faut garder la tête froide, et revenir à  une vie normale. Pourtant, ce n’est pas le cas, et il semble même, au vu des mesures sanitaires actuelles, que c’est l’inverse.

    Pourquoi ?

    J’ai regardé pas mal de choses à  droite à  gauche. Je dois reconnaître que les médias ont plutôt fait leur job. Les contradicteurs ont eu la parole, et on trouve beaucoup de propos de bon sens sur les réseaux sociaux, repris des médias main-stream. Je crois que nous sommes plutôt en face d’une forme de prophétie auto-réalisatrice : j’oblige le port du masque pour une supposée épidémie en train de repartir, et comme il y a des masques partout il parait évident à  tous que l’épidémie n’est pas terminée. Pourquoi porter des masques sinon ? Voici quelques causes possibles à  cette manière de fonctionner :

    • Le principe de précaution n’a pas de limite : on peut toujours faire plus pour se protéger. Ce qui compte, c’est la balance bénéfice/risque. La vertu de prudence, je le rappelais ici, devrait pourtant nous inciter à  agir de manière raisonnée
    • La peur est un puissant levier ; personne n’a envie de mourir, ou de mettre en danger ses proches, ou les plus fragiles. Il est donc facile d’adopter des comportements peu contraignants dans cet objectif louable (ce n’est pas si grave de porter un masque). Il me semble que c’est, à  nouveau, oublier de prendre en compte les impacts négatifs sur l’économie et le moral de toutes ces mesures de confinement, port de masques, interdiction de ceci et de cela, qui n’ont aucune assise rationnelle…Elles avaient un sens en mars, car nous ne savions pas à  quoi nous avions affaire, elles n’en ont plus aucun désormais.
    • Je me rends compte, en discutant à  droite à  gauche, que la plupart des gens ne prennent pas la peine de s’informer, de lire, de comprendre, de douter. Il y a pourtant pleins de gens qui déploient des trésors d’intelligence, et d’esprit critique, dans leur travail quotidien, et qui pour la marche du monde prennent sans discuter ce que leur sert le 20h.
    • Le noeud du problème réside à  mon sens dans une forme de soumission du politique à  des experts politisés. Ce qui est vrai pour l’environnement l’est tout autant pour la santé : il suffit pour s’en convaincre de lire la tribune de 35 chercheurs, médecins, universitaires qui demandent la dissolution du fameux Conseil Scientifique COVID Nous appelons également le gouvernement à  ne pas instrumentaliser la science. La science a pour condition sine qua non la transparence, le pluralisme, le débat contradictoire, la connaissance précise des données et l’absence de conflits d’intérêts. Le Conseil scientifique du Covid-19 ne respectant pas l’ensemble de ces critères, il devrait être refondé ou supprimé.

    J’espère que ces réflexions vous donneront matière à  relativiser ce qui nous arrive. Une épidémie de COVID nous est tombé sur la tronche en mars. Depuis juin-juillet cette épidémie, en France, est terminée. Les faits le montrent. Si vous avez des faits montrant le contraire, je suis preneur.

  • Le fil du mensonge

    Le fil du mensonge

    Une fois n’est pas coutume : j’utilise une version raccourcie du titre de l’ouvrage dont je fais la recension. En effet, le vrai titre est vraiment trop long : « J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu ». Cet ouvrage de Philippe De Villiers revient en détail sur la construction européenne, son contexte historique, et les acteurs clefs de sa mise en place. C’est un livre qui se lit très bien, et qui apporte beaucoup d’éclairages intéressants (j’ai trouvé passionnante la partie sur la vie des « pères fondateurs » Monnet, Schuman et Hallstein). Les limites du livre sont très bien soulignées par Edouard Husson dans cette interview au site Atlantico.
    J’avoue que je n’avais pas vraiment besoin de ce livre pour avoir de sérieux doutes sur la capacité des institutions actuelles de l’Europe à  fédérer cette Grande Europe souvent vantée. Pour deux raisons :

    • j’avais gardé, vaguement, un doute sur l’idée que l’Europe évitait les guerres au moment de la guerre dans l’ex-Yougoslavie.
    • j’ai compris, trop tard, que nous avions perdu notre souveraineté juridique au moment de la construction européenne, ce qui a été, de plus, validé par un holdup démocratique. Pas d’Europe sérieuse sans les Nations, et sans les Peuples

    Bref, c’est un livre à  lire, paradoxalement, par les plus fervents supporters des institutions actuelles, pour apporter un peu de contradiction et de doute dans leur réflexion. Je laisse le mot de la fin à  l’auteur, car j’y souscrit totalement :
    Il faudrait donc plutôt dire : « L’idéologie, c’est la guerre! » Entre idéologies, on ne peut pas négocier. Les idéologies mènent nécessairement à  l’affrontement et à  la radicalisation. Elles font la guerre au réel, la guerre à  l’Homme et la guerre entre elles. Le seul ciment possible d’un ordre international d’apaisement et de coopération, ce sont les intérêts nationaux en dialogue, à  partir du réel. (…) Ce que la France, aujourd’hui, peut faire de plus utile, et même vital, c’est un exercice de vérité sur elle-même. Ma seule pensée, en écrivant ce livre, fut d’y contribuer. En politique, la vérité ne triomphe jamais, mais ses ennemis finissent toujours par mourir. Soljénitsyne a eu tellement raison de s’écrier un jour, à  l’adresse de l’Occident en perdition : « Ne mentez plus! »

  • Modernité et morale

    Modernité et morale

    Le recueil d’essais de Charles Larmore, « Modernité et morale » (aux Editions PUF), est un livre essentiel dans tous les sens du terme : les sujets traités me paraissent être importants, centraux, et la manière de les aborder est dense, précise, humble et ambitieuse à  la fois. Je vais ici faire une brève recension des thèmes abordés, et je m’appuierai dessus pour d’autres billets. Le livre est trop dense pour être « résumé » dans un billet de blog. J’ai corné les pages, et noirci le livre de notes. Un excellent bouquin qui m’a accompagné cet été, et dont je relirai à  coup sûr certains passages. C’est un livre d’une grande clarté, et d’une complexité assez élevée : les raisonnements, solides, vont vite à  l’essentiel. Il faut s’accrocher un peu. La clarté, pour Larmore et la philosophie analytique, est une approche rationnelle, et logique, de l’argumentation :

    Une position philosophique est claire dans la mesure où l’on spécifie les conditions dans lesquelles on l’abandonnerait.

    Cette phrase résume bien l’éthique de la pensée chère à  Larmore. L’introduction de son livre vise à  expliquer que selon lui la philosophie n’a pas besoin de se prendre elle-même pour objet, et que les a priori des deux grandes écoles de philosophie (analytique et phénoménologique) sont à  rejeter. Il reste, et c’est un des succès de la philosophie analytique, une éthique de la pensée, visant clarté et adéquation au réel.
    Car il y a non seulement des normes pratiques concernant comment il faut agir, mais aussi des normes cognitives concernant comment il faut penser. En conséquence, il y a des vertus intellectuelles aussi bien que des vertus morales. (…) Au coeur de ce que je conçois comme l’éthique de la pensée, en philosophie comme dans tout domaine, est l’honnêteté intellectuelle qui reconnait la probabilité de l’erreur et l’assume par la recherche de la clarté.

    Connaissance morale

    La première partie vise à  établir dans quel sens une connaissance morale est possible. C’était la raison de l’achat de ce livre : en lisant Popper, je m’étais posé cette question. Larmore y répond de manière magistrale et simple, il me semble. Et en s’appuyant sur des raisonnements, et une vision de la réalité proche de celle de Popper : un réalisme critique, faisant de la place, dans le réel, à  côté des objets tangibles, et des ressentis psychologiques, aux normes et aux idées. Pour plus de détails, voir mon article résumant la description du réel par Karl Popper.
    Larmore amène des éléments très intéressants dans la manière dont nous devons concevoir les faits moraux, en les situant explicitement dans le monde 3 de Popper :
    Il suppose (…) que s’il existait des faits moraux, ils devraient ressembler aux faits physiques et psychologiques en étant accessibles à  la perception ou à  l’observation ; étant donné cette supposition, la manière dont de tels faits peuvent jouer un rôle dans la causalité psycho-physique doit certainement paraitre mystérieuse. Mais on n’a pas besoin de concevoir ainsi les faits moraux. Au lieu d’être un élément supplémentaire du monde perceptible, les faits moraux peuvent se concevoir comme des raisons, donc comme faisant partie de l’ensemble des raisons de croire et d’agir que nous pouvons reconnaître, non par la perception, mais par la réflexion.
    Larmore, in fine, pense – et je suis en accord avec lui – que « le naturalisme est un des grands préjugés de notre époque ».
    Or nous devons admettre que le monde (…) englobe non seulement la réalité physique et psychologique, mais également une réalité normative. Ou, comme les sophistes, nous devons renoncer à  la raison pour nous abandonner à  la persuasion. Loin d’être légitimé par les succès de la science moderne, le naturalisme, comme le non-cognitivisme moral qu’il inspire, s’avère l’ennemi mortel de la raison.

    Coïncidence ? Un des blogs que je suis vient de publier une copieuse note de méta-éthique sur la « naturalité du Bien, et je pense que je vais commencer par là .

    Morale des anciens et des modernes

    A la suite de Henry Sidqwick, Larmore explique que l’approche de la morale est radicalement différente selon que l’on considère la notion de juste ou la notion de bien comme fondamentale. Ces deux conceptions par ailleurs, sont un marqueurs de ce qu’est la modernité :
    La priorité du bien est au centre de l’éthique grecque, tandis que l’éthique moderne accorde la priorité à  la notion de juste.
    Kant, et d’autres, on fait émerger cette conception centrée sur le juste de la morale. Le coeur du débat est que le bien n’est plus un terrain d’entente.
    C’est un acquis irrévocable du libéralisme politique que le sens de la vie est un sujet sur lequel on a une tendance naturelle et raisonnable, non pas à  s’accorder, mais à  différer et à  s’opposer les unes aux autres. De là , l’effort libéral pour déterminer une morale universelle, mais forcément minimale, que l’on puisse partager aussi largement que possible en dépit de ses désaccords.
    Larmore détaille ensuite notre rapport aux croyances, central dans la réflexion morale (on pense toujours dans un ensemble de croyances), et à  la connaissance morale.
    J’ai déjà  fait remarquer qu’il est fort possible de justifier la validité de certaines obligations morales, si au lieu de s’élever à  un point de vue absolument détaché, on s’appuie sur la validité d’autres obligtations que l’on accepte déjà . (…) Cette épistémologie repose sur un fait évident et sur deux normes cognitives qui sont aussi importantes qu’elles ont été négligées. Le fait, est que nous nous trouvons toujours en possession d’une multitude de croyances. A ce fait, s’ajoutent les principes suivants : 1/ Il nous faut une bonne raison pour douter comme il nous en faut une pour conclure (…) 2/ Justifier une proposition n’est pas simplement donner des prémisses vraies d’où elle découle, c’est donner des raisons qui dissipent des doutes sur sa vérité. (…) Pris ensemble, ces deux principes ont pour conséquence qu’il ne nous faut justifier une croyance que nous avons déjà  que si nous avons d’abord trouvé des raisons de croire qu’elle est douteuse. C’est en cette conséquence qu’apparaît la nouveauté de ces deux principes. D’habitude, on suppose que la raison exige que chacune de nos croyances soit soumise à  la justification. (Souvent cette supposition prend la forme de l’exigence que des croyances servant à  justifier d’autres croyances doivent elles-mêmes se justifier.) Cette supposition est devenue si habituelle, si irréfléchie que l’on a oublié ses intentions originelles. Elle ne provient pas tant de la raison que de l’aspiration métaphysique à  regarder le monde sub specie aeternitatis. (…) La question décisive est donc de savoir si nous voulons d’une épistémologie qu’elle soit un guide à  l’éternité ou qu’elle soit un code pour la solution de problèmes. Si nous abandonnons cette aspiration métaphysique et prenons comme règle qu’il faut avoir des raisons positives de croire qu’une croyance existante peut être fausse pour la mettre en doute et donc pour en exiger la justification, la notion que toutes les croyances devraient être justifiées disparaîtra. Le seul fait que nous ayons déjà  une croyance, et que nous l’ayons à  cause de notre contexte historique, n’est pas une bonne raison de croire qu’elle puisse être fausse ni donc d’exiger qu’elle soit justifiée. De plus, si nous trouvons en effet des raisons positives de la mettre en doute, nous devons continuer à  nous appuyer sur nos autres croyances existantes, non seulement pour chercher une solution à  ce doute, mais aussi préalablement pour découvrir les raisons positives qui sont à  la source de notre doute. Selon cette conception, il n’existe aucune opposition entre enracinement historique et rationalité.

    Hétérogénéité de la morale

    J’en avais parlé récemment (et Silberzahn aussi dans un très bon billet): un débat existe entre deux approche de la morale : éthique de responsabilité (conséquentialisme) et éthique de conviction (déontologie). Larmore propose une vision plus large, et explique la morale est hétérogène. A nous de nous dépatouiller avec les exigences parfois contradictoires de 3 principes généraux.
    J’appelerais ces trois principes : principe de partialité, principe conséquentialiste et principe déontologique. Ils se situent tous trois à  un niveau élevé de généralité. Le principe de partialité sous-tend les obligations « particularistes » qui ne s’imposent à  nous qu’en vertu d’un certain désir ou intérêt que nous nous trouvons avoir. (…) Le principe de partialité exprime donc une priorité du bien sur le juste. (…) Les deux autres principes pratiques – les principes conséquentialiste et déontologique – sont universalistes et représentent des obligations catégoriques. Le principe conséquentialiste exige que l’on fasse ce qui produira globalement le plus grand bien (la plus grande somme algébrique de bien et de mal), eu égard à  tous ceux qui sont affectés par notre action. (…) Le principe déontologique exige que l’on ne fasse jamais certaines choses (ne pas respecter une promesse, dire des mensonges, tuer un innocent) à  autrui, même s’il doit en résulter globalement un moindre bien ou un plus grand mal. (…) Contrairement au principe de partialité, ces deux principes impliquent des devoirs qui sont catégoriques et s’imposent à  l’agent, quels que puissent être ses désirs ou ses intérêts. Ils expriment, par conséquent, une priorité du juste sur le bien. Il me semble que toute personne réfléchie reconnaît, dans une certaine mesure, les exigences de ces trois principes.

    Philosophie politique : libéralisme et romantisme

    Je vais devoir sur ce sujet comprendre pourquoi Larmore met sous le terme de « romantisme » ce que j’appelle habituellement « conservatisme » (des courants de pensée valorisant, en opposition à  l’individualisme, l’appartenance et les coutumes, la tradition). Au-delà  de ce problème sémantique, il me semble qu’il offre une belle piste pour marier les deux, du moins en Occident. Le libéralisme n’est pas un idéal de plus, parmi d’autres ; le libéralisme prend acte de l’impossibilité de mettre tout le monde d’accord et propose un socle minimal de règles éthiques pour rendre possible la vie ensemble.
    Il est dangereux de faire du libéralisme une conception de plus parmi toutes les visions partisanes et controversées de la vie bonne, car il ne représentera plus alors la solution crédible à  l’un des problèmes moraux et politiques les plus pressants des Temps modernes. Il ne sera plus qu’un autre élément du problème. La conviction que la nature de la vie bonne ne peut vraisemblablement pas faire l’objet d’un accord raisonnable est un trait distinctif de la pensée moderne. Quand il s’agit du sens de la vie, toute discussion entre personnes raisonnables ne tend pas naturellement vers le consensus, comme le pensait Aristote, mais vers la controverse. Plus on parle d’un tel sujet, plus le désaccord croît, même en nous-mêmes, comme le fit observer Montaigne. Le libéralisme a représenté l’espoir que, malgré cette tendance au désaccord sur des questions d’une importance suprême, nous pourrions trouver le moyen de vivre ensemble sans recourir à  la force. Dans le libéralisme s’exprime la conviction que l’on peut s’accorder sur une morale élémentaire tout en continuant de se trouver en désaccord sur ce qui donne sens à  la vie.
    Au bout du compte, cette conviction se révèlera peut-être sans fondement. Il est possible que le libéralisme ne soit qu’un idéal partisan de plus. Mais s’il en est ainsi, alors à  moins de se dissoudre dans la lumière d’un Bien compréhensif et irrésistible, l’expérience moderne ne connaîtra qu’un avenir politique où « des armées ignorantes s’affronteront dans la nuit. »

    Ce passage m’a fait penser à  Von Mises (bizarrement, Larmore ne cite jamais ni Von Mises, ni Hayek, ce qui ne manque pas de me surprendre) :
    Le libéralisme est rationaliste. Il soutient qu’il est possible de convaincre l’immense majorité que la coopération paisible dans le cadre de la société sert mieux les intérêts justement compris que les batailles mutuelles et la désintégration sociale. Il a pleine confiance dans la raison de l’homme. Il se peut que cet optimisme ne soit pas fondé et que les libéraux se trompent. Mais alors il ne reste plus aucun espoir pour l’avenir de l’humanité.
    Par ailleurs, et c’est autre sujet que Larmore n’aborde pas directement, bien que central, je pense qu’à  force d’ouvrir nos sociétés, via l’immigration, à  des cultures trop différentes, nous avons sapé cette approche du libéralisme ; il n’est pas possible de faire coexister des cultures trop différentes au même endroit. Le socle commun pour cette approche libérale devient trop restreint.
    La question centrale de la philosophie politique : quels sont les principes d’association politique qu’il est juste d’établir ?, est une question morale. Mais c’est une question autrement difficile dans les conditions modernes, où l’on s’est progressivement rendu compte que la vraie religion, le sens de la vie, la nature de la vie réussie sont des sujets sur lesquels les individus raisonnables ont une tendance naturelle, non pas à  s’accorder, mais différer et à  s’opposer les uns aux autres. Il nous faut alors chercher une morale universelle, mais minimale, que l’on puisse partager aussi largement que possible, en dépit de ces désaccords. C’est la conception du libéralisme politique que je développe et défends dans les essais de cette partie. Tout en me situant dans le camp libéral, je veux pourtant séparer la pensée libérale des idéeaux d’individualisme et d’autonomie que certains de ses grands théoriciens (Kant et Mill, par exemple) y ont associés. En tant qu’effort pour repérer une morale commune en dépit des controverses sur la nature du bien, le libéralisme devrait aussi éviter de prendre parti dans une des principales controverses culturelles des deux derniers siècles, celle qui à  partir du Romantisme oppose les partisans de l’individualisme et les champions de l’appartenance à  des traditions. C’est en ce sens que j’essai de reformuler la pensée libérale.
    J’ai trouvé cette volonté très intéressante, et elle rejoint certaines de mes envies naïves. J’ai donc noté avec attention les auteurs français mentionnés par Larmore (qui a écrit ce livre en français directement, à  la demande de Monique Canto-Sperber), dont la pensée lui est proche, et qu’il va falloir que je lise : Luc Ferry (que je connais un peu), Marcel Gauchet et Alain Renaut. Le programme est tracé.

  • Citation #120

    L’utopie n’est astreinte à  aucune obligation de résultats. Sa seule fonction est de permettre à  ses adeptes de condamner ce qui existe au nom de ce qui n’existe pas.

    Jean-François Revel (1924-2006)
    Philosophe, écrivain et journaliste français.