Kamel DaoudJ’utilise dans mon article des liens vers Wikipedia. Soyez prudents avec les informations que l’on y trouve, surtout sur des sujets ayant un lien avec la politique. est un écrivain et un journaliste courageux. Ses prises de parole contre le fanatisme religieux, sa prise de distance avec la langue et la culture arabe, sa réflexion humaniste sur la Maghreb et le monde arabe, font de lui un « traître » parfait pour les islamistes.
Son roman, « Meursault, contre-enquête », couvert de prix littéraires, est un étrange livre. Il fait référence, bien sûr, à « L’étranger » de Camus, et part de l’idée, intéressante, de se demander qui est l’homme que Meursault tue sur la plage. C’est le frère de la victime qui est le narrateur du livre. Daoud se place au point de rencontre de deux mondes, l’islam et l’occident, incarné par l’Algérie et la France. Dans ce monde, post-colonial, l’auteur raconte sa vie, avec sa mère, et leurs recherches pour comprendre pourquoi son frère a été tué.
J’ai failli lâcher le livre au début, car je trouvais le style assez surfait, un peu ampoulé ou utilisant des expressions, des métaphores un peu grossières, un peu trop visiblement poétiques. Mais j’ai bien fait de m’accrocher : peu à peu, comme un dessinateur dont le trait s’affermit au fur et à mesure des tomes, et converge vers une forme plus sûre, la narration devient plus intéressante, le style plus précis. Et on voit se dessiner le projet littéraire : « Meursault, contre-enquête » est un livre miroir. A ce point précis de rencontre entre ces deux civilisations, Kamel Daoud place comme un plan d’eau, ou un miroir, et son livre est une sorte de reflet algérien et musulman de « L’étranger ». Alors commence le jeu des différences et des ressemblances.
Kamel Daoud livre le récit d’un être déchiré, prisonnier dans une culture oppressante et dans la relation avec une M’ma qui tourne en boucle sur son fils mort, écartelé entre son envie de pouvoir être amoureux de Meriem, et son incapacité à s’en considérer digne. Le rejet d’une vision religieuse de la vie est le point commun philosophique majeur entre Daoud et Camus : l’absurde si bien décrit par Camus dans ses différents ouvrages est au centre de l’attitude philosophique du personnage de « Meursault, contre-enquête ».
C’est un roman étrange, dérangeant, avec un peu de grandiloquence et quelques belles fulgurances. Je comprends que ce premier roman ait fait parler de lui. C’est mérité, même si ce sont, à mon avis, les thèmes qu’il traite, son positionnement, son auteur, et ses qualités littéraires, qui l’ont rendu célèbre plus que son histoire. Un bel exercice de style, très personnel. Il s’agit plutôt d’un essai déguisé en roman. Comme « L’étranger » ? Livre miroir, jusqu’au bout.
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Meursault, contre-enquête
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effort personnel
Je me fais souvent la remarque que les gens n’arrêtent pas de porter un jugement sur la manière de vivre des autres, sur des sujets plus ou moins importants, comme le choix des matières que l’on met chez soi, de sa voiture, de son endroit d’habitation, de ce qu’on mange, des gens pour qui l’on vote, des journaux et médias qu’il est bon de suivre. C’est devenu une sorte de petite manie sociale que d’afficher ses propres préférences et les plaquer sur celles des autres. Une forme de moralisation permanente des modes de vie, une intrusion dans le plus menu détail du quotidien de considérations politiques, ou politiquement correctes. Comme si la respectabilité passait par le fait de tout « bien » faire, et de suggérer aux autres de suivre aussi ces bons préceptes. De petites vertus frelatées affichées en permanence pour cacher le manque de vertu réelle.
Nous avons accepté, peu à peu, de vivre dans une société très pénible à ce titre. Une société de gringalets qui ont peur de leur ombre, de petits ayatollah du CO2 et du bio, de la non-consommation et de l’ouverture à toutes les identités (sauf la nôtre bien sûr). De défense à tout prix de la vie, mais en fermant les yeux sur les avortements systématisés. Des gens beaucoup moins originaux et intéressants qu’ils le sont en vrais. Je trouve ça, à vrai dire, tout à fait consternant, énervant, et ridicule. Il est grand temps de se défaire de cela. Un simple retour au bon sens suffit, généralement, pour ceux dont le cerveau n’a pas été trop lavé. En reste-t-il tant que cela ?
Pour régler un problème, il faut toujours commencer par bien le poser, et par faire une analyse de causes. Je vois deux causes majeures (n’hésitez pas à commenter si vous en voyez d’autres). D’une part, l’omniprésence des « législateurs, organisateurs, instituteurs de sociétés, conducteurs de peuples », qui contraignent, empêchent, taxent, stigmatisent. D’autre part, notre facile acception de ce genre de comportement. Faire une critique des choix des autres, c’est une manière simple et peu coûteuse (surtout si on bêle avec le groupe dans le bon sens, socialement accepté) d’éviter de se poser des questions sur ses propres choix et ses propres comportements.
Je vois donc deux manières de sortir de cette société étriquée, intolérante, empêchée, fade : dégager les socialistes du pouvoir (à voir comment), et de manière personnelle, au quotidien, refuser cette manière de vivre. Débusquer les faux-semblants, le prêt-à-penser, les petits peureux qui ânonnent sur les choix des autres, au lieu de vivre simplement leur vie. Il faudra bien, d’une manière ou d’une autre, revenir individuellement et collectivement à ces notions si précieuses de responsabilité et de liberté. Arrêter de vouloir faire payer aux autres les conséquences de mes choix. Arrêter de reprocher aux autres leurs choix. Nous nous compliquons inutilement la vie. Qu’on nous foute la paix. Nous savons vivre sans qu’on nous dise insidieusement comment il faudrait le faire. Je n’ai que faire de vivre la vie « rêvée » des autres.
Je fais donc le vœu en ce début d’année, de me reprendre quand je me retrouve à faire cela moi-même. La bonne réaction à avoir face à ces petits censeurs du quotidien n’est pas de vouloir leur faire la morale sur leur manière de vivre (dans un effet miroir), ou leur démontrer leur erreur, mais plutôt de leur dire sereinement qu’on se contrefout de leur avis, qu’ils sont bien libres de leurs choix, et nous de même.
On peut vomir les bobos moralisateurs sans vouloir pour autant rouler en Hummer avec un flingue à la taille, une andouillette dans la main gauche, et un verre de vin dans la main droite. En plus, c’est très compliqué de conduire dans ces conditions, vous verrez. Il suffit d’assumer ce qu’on est et de vivre en conséquence.
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Climat : le film
En terminant mon article précédent, je me suis plongé dans les « Community Notes » sur X, et de fil en aiguille je suis tombé sur ce film très bien fait « Climate : the movie » (réalisé par Martin Durkin), à côté duquel j’étais passé. Je ne peux résister au plaisir de le partager ici. C’est un film avec des intervenants scientifiques très intéressants (et courageux). Comme Steven Koonin.
Et, en regardant le film, j’ai eu envie d’en savoir un peu plus sur les auteurs de l’article sur l’impact du soleil sur le climat terrestre, Svensmark & Shaviv (autour de la 58ème minute dans le film).
Et de fil en aiguille, je suis tombé sur cette interview du remarquable Lindzen (dont je vous avais déjà parlé ici). Que je ne résiste pas non plus à partager ici. On y apprend beaucoup de choses, notamment (ce que je n’avais jamais entendu avant) que l’effet de serre détermine le climat seulement dans la partie équatoriale de la Terre et beaucoup moins ailleurs. Désolé, celle-ci est en anglais non sous-titré… -
Pourquoi et comment utiliser X ?
Pourquoi ?
Sauf si vous vivez dans un igloo, ou volontairement coupé des informations, vous devez probablement savoir qu’@elonmusk a racheté la plateforme Twitter, qui est devenue X. Ce rachat a fait couler beaucoup d’encre (comme toutes les actions de Musk), notamment pour une raison assez simple. Dès le rachat, le projet a été replacé sous l’égide de ce qu’il aurait dû être et rester depuis le début : Liberté d’expression, et rigueur de l’information. Une plateforme pour partager et trouver des contenus de qualité, et la possibilité d’y réagir librement avec son avis, mais aussi pour souligner les fausses informations. Une plateforme communautaire plus forte grâce aux différentes contributions et points de vue, et à une visée commune : la défense de la liberté d’expression. Cela s’est traduit par des actions très concrètes : réorganisation importante de l’entreprise, rétablissement de comptes bannis, expulsion des agences gouvernementales de la plateforme, réorientation des « Community Notes », règles en Open-source, intégration progressive de Grok (l’IA de xAI), etc. etc. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, X est (re)devenue en 2024 une des premières plateformes / apps de consommation d’information au niveau mondial (après ou à côté des galaxies Meta – Facebook, Insta, etc -, Google et Tiktok). Au delà des audiences, cela a conduit X a être la plateforme la plus équilibrée en termes de fréquentations : pour les USA, autant d’utilisateurs Républicains que Démocrates.
A mes yeux, le plus important est la volonté de Musk de défendre la liberté d’expression (refuser la censure, qu’elle soit gouvernementale ou idéologique), et les Community Notes dont les règles sont très bien faites et à mon sens acceptables par tous les vrais amoureux de la vérité. On a le droit de ne pas être d’accord, mais on peut essayer de se mettre d’accord pour parler des faits, et accepter la contradiction.Comment ?
Si vous vous demandez comment utiliser X, je dirais qu’il y a deux choses à bien comprendre :
- comme pour toutes les plateformes, il y a trop d’informations dessus pour un cerveau humain : il faut donc accepter que c’est un flux sur lequel on vient se connecter, pour y trouver ce que l’on cherche (pour être exhaustif sur un sujet, cela ne peut être qu’un des outils parmi d’autres
- cela demande un petit temps d’apprentissage et de mise en place
Ensuite, je dirais que la suite d’actions suivantes permet de commencer à utiliser X :
- Aller sur X, et se créer un compte
- chercher un ou deux médias ou influenceurs / intellectuels que l’on apprécie et s’abonner à leurs compte. Une fois cela fait, votre « fil » d’information montrera ce que ces comptes publient. N’hésitez pas à « liker », ou à commenter ces publications (posts), car cela aide l’iA à remplir la section « pour vous » de choses en lien avec vos sujets d’interactions.
- Gérer votre liste d’abonnements : quand vous suivrez de nouveaux comptes, votre flux peut devenir encombré, ou redondant. Il faut donc régulièrement aller repasser en revue ses abonnements et faire le tri.
- Tester l’usage de Grok : c’est une IA qui progresse très vite et qui a récemment intégré de la génération et reconnaissance d’images. On a donc avec Grok une sorte de ChatGPT+Midjourney au même endroit.
- Trouver votre propre manière d’utiliser X : à vous de voir si vous préférez suivre des organismes ou des personnes, si vous préférez les vidéos ou les articles. Si vous voulez contribuer aux Community Notes ou juste en profiter (pour ma part je trouve passionnant d’y contribuer), etc. etc.
Et vous ?
Et vous ? Utilisez-vous X régulièrement ? quel usage en faites-vous ? N’hésitez pas à le dire en commentaires, je suis preneur de discussions à ce sujet.
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L’idolâtrie de la vie
Ce court essai d’Olivier Rey, mathématicien et philosophe, membre de l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et techniques (IHPST), commence par une réaction aux excès (dans tous les sens) de la période Corona Circus. Après ce démarrage un peu de bric et de broc, mêlant passages que l’on dirait écrit à chaud, sans recul, et réflexions plus profondes, l’essai s’ouvre heureusement sur un approfondissement des causes qui font que l’on a d’une part, accepté collectivement de rendre « responsables » de tout et de n’importe quoi les dirigeants politiques (comme s’ils étaient omnipotents et omniscients), et, d’autre part, sacralisé la vie, de manière à la fois biologique et technique, en la dépossédant de tout ce qui en fait le charme.
Ce dernier point est relié par l’auteur à la perte de « transcendance ». J’en suis d’accord avec lui, même si je ne mets pas dans ce terme autant de choses en lien avec la religion que lui. Certainement une question de point de vue. Mais que la transcendance soit une réalité, c’est une évidence : tout, dans l’univers, dépasse par son échelle et sa complexité nos capacités d’entendement. Il faut un singulier manque d’humilité, et une bonne dose d’idéologie aveugle pour ne pas s’en rendre compte11. Cette transcendance sera d’ailleurs l’objet d’un des chapitres de mon essai, dont la première partie sera terminée en 2025..
Cet essai, je l’ai dévoré : il est très bien écrit, et porté par un souffle de quelqu’un qui, visiblement, joue et rejoue, peaufine ses vues et ses arguments comme un musicien travaillerait ses gammes et ses phrases et ainsi, se rendrait capable d’improvisation magistrale sur tout type de thème.
Un auteur de plus à découvrir. Je lui laisse, comme j’essaye souvent de le faire, le mot de la fin.
C’est ce qui est décourageant avec ceux qui nous gouvernent. D’un côté, ils se voient accuser de maux dont ils ne sont pas responsables, et auxquels ils ne sauraient que très partiellement remédier. De l’autre, ils nous accablent de maux de leur fabrique. Au moment où l’on mesure la dose d’infantilisme qu’il y a, à s’exagérer la puissance des gouvernant pour ensuite requérir contre eux à tort et à travers, ils ne cessent, en retour, de prendre à notre endroit des mesures infantilisantes. Triste situation. Pour y échapper, il nous faudrait enfin abandonner notre condition de « dépendants à prétention d’indépendance »22. Marcel Gauchet, La démocratie contre elle-même, Gallimard, Coll « Tel », 2002, p. 21 – la figure dominante de l’époque. Il nous faudrait réapprendre, collectivement et individuellement, à compter sur nous-mêmes. Bien entendu les dirigeants politiques et économiques n’ont pas l’intention d’encourager ce genre de fantaisies, ni même à les autoriser. Cela ne devrait pas empêcher de nous y mettre – alors que les glapissements contre l’incapacité des « grands » dans des crises qui les dépassent est une façon de se maintenir en position de servitude. -
Citation #170
Une société démocratique est celle qui se fonde sur la conviction que l’on abuse souvent du pouvoir et qu’il convient, par conséquent, de ne le confier aux fonctionnaires qu’en quantité limitées et pour des périodes de temps limitées.
Aldous Huxley (1894 – 1963) écrivain, romancier et philosophe britannique