Demandez-vous d’abord, Messieurs, ce que, de nos jours, un Anglais, un Français, un habitant des Etats-Unis d’AmĂ©rique, entendent par le mot de libertĂ©.
C’est pour chacun le droit de n’ĂȘtre soumis qu’aux lois, de ne pouvoir ĂȘtre ni arrĂȘtĂ©, ni dĂ©tenu, ni mis Ă Â mort, ni maltraitĂ© d’aucune maniĂšre, par l’effet de la volontĂ© arbitraire d’un ou de plusieurs individus. C’est pour chacun le droit de dire son opinion, de choisir son industrie, et de l’exercer, de disposer de sa propriĂ©tĂ©, d’en abuser mĂȘme ; d’aller, de venir sans en obtenir la permission, et sans rendre compte de ses motifs ou de ses dĂ©marches. C’est, pour chacun, le droit de se rĂ©unir Ă Â d’autres individus, soit pour confĂ©rer sur ses intĂ©rĂȘts, soit pour professer le culte que lui et ses associĂ©s prĂ©fĂšrent, soit simplement pour remplir ses jours ou ses heures d’une maniĂšre plus conforme Ă Â ses inclinations, Ă Â ses fantaisies. Enfin, c’est le droit, pour chacun, d’influer sur l’administration par la nomination de tous ou de certains fonctionnaires, soit par des reprĂ©sentations, des pĂ©titions, des demandes, que l’autoritĂ© est plus ou moins obligĂ©e de prendre en considĂ©ration.
Benjamin Constant (1767-1830)
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Citation #100
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Citation #99
Eloge de la concurrence
Dans un monde oĂč la libĂ©ralisation des Ă©changes est devenue une rĂ©alitĂ©, la rĂ©flexion sur le rĂŽle de la concurrence s’est imposĂ©e comme une prĂ©occupation majeure de notre Ă©poque. Ses avantages sont certes gĂ©nĂ©ralement reconnus, mais elle est Ă©galement souvent critiquĂ©e. Devant les craintes que ferait naĂźtre une concurrence « excessive », on demande alors de la limiter, de la « rĂ©guler » (c’est-Ă Â -dire en fait de la rĂ©glementer). Certes, on peut comprendre certaines de ces craintes, car la concurrence n’est pas toujours facile Ă Â vivre et, tout au moins si on en est le bĂ©nĂ©ficiaire, on prĂ©fĂ©rerait parfois pouvoir dĂ©velopper ses activitĂ©s Ă Â l’abri de toute concurrence. Mais il faut bien Ă©valuer la portĂ©e de ces appels Ă Â la modĂ©ration de la compĂ©tition. En effet, la concurrence prĂ©vaut sur un marchĂ© dans la mesure oĂč tous les producteurs sont libres de proposer leurs produits et oĂč, par ailleurs, tous les consommateurs sont libres de les acheter (ou de les refuser). Accepter la concurrence, c’est donc accepter la libertĂ© d’agir ; limiter la concurrence, c’est limiter la libertĂ©. C’est la raison pour laquelle, je pense que, par principe, « la concurrence est toujours bonne » : elle consiste, pour chacun, Ă Â exercer sa libertĂ© dans le respect de la libertĂ© d’autrui.
Dans un article rĂ©cent des « Echos » (22 avril 2008), Angus Sibley me reproche cette position, qu’il trouve excessive, et il va mĂȘme jusqu’Ă Â dire que « la pagaille bancaire est une consĂ©quence de la mĂ©chante philosophie des ultralibĂ©raux » qui « prĂŽne la concurrence dĂ©sentravĂ©e et fĂ©roce ». Il affirme que « les bonnes choses de ce monde deviennent nocives en excĂšs », ce qui le conduit Ă Â faire un parallĂšle entre la concurrence et les hormones thyroĂŻdes dans le corps humain. Mais comparaison n’est pas raison. Ce parallĂšle ne nous apprend rien sur ce qu’est la concurrence et sur son rĂŽle. [âŠ]
Le respect de la libertĂ© d’entrer sur un marchĂ©, pour un producteur comme pour un consommateur, est un principe absolu de nature morale. Le respect de la libertĂ© d’entrer sur un marchĂ©, pour un producteur comme pour un consommateur, est un principe absolu de nature morale.Or un principe n’admet pas de compromis, il ne peut pas ĂȘtre plus ou moins valable. S’il est Ă©vident que la consommation de nourriture ou d’hormones thyroĂŻdes ne doit pas ĂȘtre excessive, cela n’implique en rien qu’il faille imposer des limites Ă Â un principe tel que celui de la libertĂ© d’agir. Encore faut-il bien comprendre de quoi l’on parle. Lorsqu’on dit que la libertĂ© d’agir ne doit pas rencontrer de limites, cela signifie qu’on ne doit pas limiter par la contrainte l’exercice de cette libertĂ©. Mais il est par ailleurs Ă©vident que ce dernier rencontre une limite naturelle : la libertĂ© d’agir d’un individu ne doit pas porter atteinte Ă Â la libertĂ© d’agir des autres.
Il est aujourd’hui Ă Â la mode de rĂ©clamer une « rĂ©gulation » de la concurrence, Ă Â cause de ses excĂšs supposĂ©s et de la responsabilitĂ© qu’on lui attribue, Ă Â tort, dans l’instabilitĂ© Ă©conomique et financiĂšre. Or il serait tout d’abord plus correct de parler de « rĂ©glementation » que de « rĂ©gulation », car c’est bien cela que l’on invoque en fait. Mais c’est oublier que la meilleure rĂ©gulation est assurĂ©e, prĂ©cisĂ©ment, par la libertĂ© et la concurrence, c’est-Ă Â -dire un systĂšme oĂč les individus adaptent continuellement leurs dĂ©cisions Ă Â celles des autres. Bien sĂ»r, le rĂ©sultat de ces processus d’interdĂ©pendance n’est jamais parfait, car les ĂȘtres humains ne sont pas parfaits et ils ne possĂšdent pas la connaissance absolue. C’est pourquoi il ne faut pas comparer les rĂ©sultats du fonctionnement d’un systĂšme Il est absurde de vouloir confier Ă Â quelques personnes la tĂąche d’imposer aux autres de maniĂšre arbitraire des limites Ă Â l’exercice de leur libertĂ©de libre concurrence Ă Â ceux, supposĂ©s, d’un systĂšme idĂ©al qui ne peut pas exister, oĂč l’instabilitĂ© n’existerait pas et oĂč l’information serait Ă©ternellement parfaite.
Mais, de maniĂšre similaire, les « rĂ©glementeurs » – et non les « rĂ©gulateurs » – auxquels on fait appel n’ont pas non plus la connaissance absolue. Il est mĂȘme certain que les dĂ©tenteurs du pouvoir de contrainte lĂ©gale et rĂ©glementaire n’ont qu’une information infiniment petite par rapport Ă Â celle qui est continuellement créée par des millions d’individus. Comment peut-on manquer de logique au point de prĂ©tendre que des hommes libres risquent d’abuser de leur libertĂ© et de supposer par ailleurs que ces autres hommes chargĂ©s de les contrĂŽler ne risquent absolument pas d’abuser de leur propre libertĂ© ? Pourtant, cette derniĂšre ne comporte aucune limite naturelle, puisqu’elle est en fait une libertĂ© sans principe, sans rĂ©gulation, la libertĂ© de contraindre autrui ! Il est donc absurde – mais aussi immoral – de vouloir confier Ă Â quelques personnes la tĂąche d’imposer aux autres de maniĂšre arbitraire des limites Ă Â l’exercice de leur libertĂ©. Oui, cela est certain, il n’y a rien de mieux que la concurrence et la libertĂ© d’agir.
Pascal Salin, Eloge la concurrence, Les Echos (30/04/2008) -
Citation #98
Toute philosophie politique qui n’est pas construite comme une thĂ©orie des droits de propriĂ©tĂ© passe complĂštement Ă Â cĂŽtĂ© de son objet et doit par consĂ©quent ĂȘtre rejetĂ©e d’emblĂ©e comme un verbiage dĂ©pourvu de sens pour une thĂ©orie de l’action.
Hans Hermann Hoppe(1949 – ) Philosophe et Ă©conomiste amĂ©ricain
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Citation #97
Il existe une fausse vision du libĂ©ralisme selon laquelle la seule chose qui intĂ©resserait un libĂ©ral est la richesse matĂ©rielle, autrement dit lâargent. Lâerreur est sans doute entretenue Ă Â dessein par les non-libĂ©raux. Je leur retourne le compliment : ce sont les marxistes et socialistes qui sâintĂ©ressent aux richesses matĂ©rielles en prĂ©levant des impĂŽts, rĂ©partissant la richesse, etc. Ils oublient la dimension humaine des choses. Pour un libĂ©ral vĂ©ritable, ce qui est important, câest lâesprit humain et ce quâil est capable de crĂ©er. La richesse matĂ©rielle nâen est quâune consĂ©quence Ă©ventuelle. Un des ouvrages essentiels de Ludwig von Mises, figure de proue de lâĂ©cole libĂ©rale autrichienne avec Friedrich von Hayek, a pour titre Lâaction humaine. Son raisonnement de base : ĂȘtre libre â ne pas ĂȘtre esclave â câest ĂȘtre propriĂ©taire de son corps et de son esprit. Or, si lâon est propriĂ©taire de son esprit, on lâest automatiquement de ce que son esprit a créé. VoilĂ Â ce que veut dire « ĂȘtre propriĂ©taire des fruits de son activité », et câest pour moi le fondement du libĂ©ralisme.
Pascal Salin -
Citation #96
La vĂ©ritĂ© ne se dĂ©cide pas Ă Â la majoritĂ© des voix. La vĂ©ritĂ© est la vĂ©ritĂ©, elle se reconnaĂźt. Mais cette vĂ©ritĂ©-lĂ Â ne peut pas elle-mĂȘme ĂȘtre reconnue dans le monde hyperpolitisĂ© et hypermĂ©diatisĂ© oĂč nous vivons et oĂč toute valeur disparaĂźt au profit du nombre. C’est le nombre de ses fans qui fait de Loana une star plus que ses qualitĂ©s intrinsĂšques. Et c’est le nombre de participants au sommet antilibĂ©ral de Porto Alegre ou au Forum des puissants de Davos qui permettent de focaliser l’attention des mĂ©dias et des hommes politiques.
[âŠ] Non, le Forum de Davos, les grandes entreprises multinationales, le FMI et la Banque mondiale ne sont pas l’expression ni mĂȘme le symbole du capitalisme!
N’est-il pas paradoxal, en effet, de faire du FMI ou de la Banque mondiale des symboles du capitalisme, alors qu’il s’agit lĂ Â d’organisations interĂ©tatiques ? Les ressources qu’ils distribuent ont nĂ©cessairement Ă©tĂ© produites par les efforts de personnes privĂ©es auprĂšs desquelles elles ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©es. Et elles sont essentiellement redistribuĂ©es Ă Â des Ătats et Ă Â des organisations publiques, c’est-Ă Â -dire Ă Â des personnes irresponsables, puisqu’elles n’engagent pas leurs propres ressources et qu’elles ne subissent pas la sanction de leurs erreurs. Car les habitants des pays pauvres ne sont pas les victimes du capitalisme mondial, ils sont bien au contraire les victimes dâun manque de capitalismeC’est ainsi que le FMI et la Banque mondiale ont gaspillĂ© des ressources considĂ©rables, qu’ils ont incitĂ© une myriade d’autres organisations et Ătats Ă Â faire de mĂȘme et qu’ils ont aidĂ© Ă Â se maintenir en place des rĂ©gimes aussi nuisibles que corrompus. Car les habitants des pays pauvres ne sont pas les victimes du capitalisme mondial, ils sont bien au contraire les victimes d’un manque de capitalisme. Ce n’est pas sur les marchĂ©s mondiaux qu’il faut trouver la source de leurs maux, mais chez eux-mĂȘmes: ce sont les Ătats des pays pauvres qui les maintiennent dans la pauvretĂ© en empĂȘchant les initiatives privĂ©es, en spoliant les plus actifs, les plus courageux, les plus innovateurs, en dĂ©truisant la morale naturelle â si indispensable au dĂ©veloppement â par le dĂ©veloppement de la corruption.
Qu’est-ce que le capitalisme en rĂ©alitĂ©?
On fait Ă©galement fausse route en ramenant le capitalisme Ă Â la seule existence de quelques grandes firmes. Comme l’a si bien soulignĂ© l’auteur pĂ©ruvien Hernando de Soto, dans de nombreux pays sous-dĂ©veloppĂ©s on appelle capitalistes les propriĂ©taires de grosses entreprises qui vivent en symbiose avec l’Ătat, qui vivent de subventions, de privilĂšges, de protections douaniĂšres et qui, en retour, soutiennent les hommes politiques en place. Mais ils ne mĂ©ritent pas le beau nom de « capitalistes », ni mĂȘme celui d’entrepreneurs. Ils ne sont que des nomenklaturistes, des parasites sociaux, qui non seulement vivent aux dĂ©pens des autres, mais encore les empĂȘchent de se dĂ©velopper. Les vrais capitalistes, ce sont tous ces hommes et ces femmes â qu’ils soient pauvres ou aisĂ©s, petits entrepreneurs, agriculteurs ou artisans â qui dĂ©veloppent des trĂ©sors d’imagination pour survivre, imaginer, crĂ©er, en dĂ©pit des obstacles fiscaux, lĂ©gislatifs et rĂ©glementaires que leur opposent les dĂ©tenteurs du pouvoir.
Ă Ć tre capitaliste, c’est se voir reconnaĂźtre la propriĂ©tĂ© du fruit de son travail, de ses efforts, de son imagination. Et toute la dignitĂ© de l’homme lui vient donc de sa capacitĂ© Ă Â ĂȘtre capitaliste. Comment se fait-il alors qu’il soit si difficile de se dire favorable au capitalisme, d’en dĂ©fendre les valeurs? On pourra voir un indice inquiĂ©tant des dĂ©rives intellectuelles de notre temps en considĂ©rant l’extraordinaire contraste qui existe entre, d’une part, le « battage mĂ©diatique » mondial qui entoure la rencontre de Porto Alegre â ainsi que, dans une moindre mesure, la rĂ©union du Forum de Davos â, et, d’autre part, cette formidable initiative qu’a Ă©tĂ©, le 2 dĂ©cembre dernier, la « marche pour le capitalisme » qui s’est dĂ©roulĂ©e dans une presque centaine de villes Ă Â travers le monde. Cette « marche » â dont l’initiative revient non pas Ă Â quelque « gros capitaliste », mais Ă Â un chanteur des rues australien â est passĂ©e presque inaperçue, d’une part bien sĂ»r parce que les organisateurs de ces diffĂ©rentes manifestations Ă©taient loin de bĂ©nĂ©ficier des aides financiĂšres disponibles pour les autres, mais aussi parce que le silence mĂ©diatique a Ă©tĂ© presque total. Mais, rĂ©pĂ©tons-le, ce n’est pas le nombre qui fait la vĂ©ritĂ©.
Pascal Salin -
Citation #95
Le seul péché est de ne pas se risquer pour vivre son désir.
Françoise Dolto (1908-1988)