Étiquette : Démocratie

  • Bureaucrature ?

    Bureaucrature ?

    Ce billet est une réaction au dernier Edito de l’excellent Arthur de Watrigant (@WatrigantArthur) pour le magazine L’incorrect. Il se moque, à mon avis à tort, de ceux qui parlent de « dictature douce ».
    Non, nous ne sommes pas en dictature. Von der Leyen a été élue avec les voix des LR, tout comme Macron d’ailleurs et Richard Ferrand a récupéré le trône de Fabius au Conseil constitutionnel avec l’accord du RN. (…) Mais voilà, la dictature n’est pas là. Car les mots ont un sens, s’inscrivent dans une histoire et revêtent une réalité.
    Oui : bien sûr, on peut toujours à peu près dire ce que l’on pense en France et en Europe. Mais l’édito appelle tout de même deux remarques. La définition même de dictature (« Régime politique dans lequel le pouvoir est entre les mains d’un seul homme ou d’un groupe restreint qui en use de manière discrétionnaire ») rend tout à fait possible son utilisation lorsque les élus ne sont plus les représentants du peuple qui les a élus, mais simplement les détenteurs d’un pouvoir arbitraire. Par ailleurs, le terme de dictature, puisque les mots ont un sens, n’est pas le bon, et permet de se moquer à bon compte de ceux qui dénoncent les agissements d’une partie des dirigeants.
    « Démocratie » n’est opposé à dictature, mais à plutôt au « non respect des intentions populaires exprimées par le vote ». On peut très bien ne pas être démocrate (la démocratie n’est pas sacrée), et respecter les droits et l’intérêt du peuple. Tout comme on peut être élu, et se foutre royalement des intentions populaires. L’UE n’est pas une dictature, certes. Mais ses dirigeants, ses institutions, ses juges, empêchent les peuples de s’exprimer, musèlent les opinions, utilisent leur pouvoir pour empêcher la contestation. Elle est donc anti-démocratique : ce n’est plus le peuple qui dirige et est souverain.
    Qui dirige ? Une clique de bureaucrates aux commandes des institutions, dont la liberté est la dernière des préoccupations. Ils se gavent sur notre dos, manipulent les opinions via des médias de propagande (voir l’article Structures de propagande) en nous faisant fermer notre clapet (voir l’article Structures de censure), et en imposant des choix rejetés majoritairement (immigration massive, impôts spoliateurs, wokisme institutionnalisé, etc), en finançant des associations politisées. On pourrait appeler ça « bureaucrature », ou « administrature », ou « Absolutisme juridique », peu importe.
    C’est pour cela que Trump/Vance/Musk sont intéressants. Ils ont renversés la bureaucrature, les petits hommes gris, le deep-state, et remis la volonté du peuple au centre de l’action politique. On peut le déplorer, ou trouver excessif la comparaison de l’UE, en miroir, avec une dictature. Pour ma part, je crois qu’elle dit quelque chose de vrai. Que l’on demande aux roumains ce qu’ils en pensent : élections annulées arbitrairement, obstruction à la présentation aux élections de Călin Georgescu (favori) : si ce n’est pas un comportement anti-démocratique, et, oui dictatorial, alors les mots n’ont plus de sens.

  • Citation #170

    Une société démocratique est celle qui se fonde sur la conviction que l’on abuse souvent du pouvoir et qu’il convient, par conséquent, de ne le confier aux fonctionnaires qu’en quantité limitées et pour des périodes de temps limitées.

    Aldous Huxley (1894 – 1963) écrivain, romancier et philosophe britannique

  • 2 vidéos essentielles

    2 vidéos essentielles

    Je ne résiste pas au plaisir de vous partager deux vidéos que je trouve particulièrement intéressante, et dont les contenus sont essentiels.

    • Charles Gave & Etienne Chouard : La disputatio sur l’excellente chaîne TVLibertés. Débat passionnant que j’avais loupé et dont la discussion est toujours tout à fait pertinente. Il y est question de démocratie, d’Europe, de souveraineté.
    • Une passionnante vidéo de Monsieur Phi (ChatGPT rêve-t-il de cavaliers électriques)qui continue à explorer l’IA (dans le cas présent avec les échecs), et où l’on voit qu’il est possible de montrer que les réseaux de neurones des IA, grâce à des sortes de « sondes », ont bien des sortes de « représentations du monde ». Tout à fait vertigineux.

    Dans des registres très différents, ces deux vidéos sont très riches, et utiles. Bon visionnage.

  • Les 6 blocs, et la honte

    Les 6 blocs, et la honte

    La rhétorique électorale actuelle, facilitée par les « alliances » et adoptée par tous (car permettant de densifier la nature conflictuelle des enjeux), en présentant trois grandes forces en présence (Union de la Gauche, Ensemble, et Rassemblement National & alliés) nous fait encore et toujours manquer une partie de la réalité (sujet déjà abordé dans déni des centres). Il n’y a pas trois blocs, mais bien 6 (dont certains presque vides), qu’il est utile de considérer et de distinguer, malgré les alliances.

    Les 6 blocs

    Commençons par nous entendre : je garde le terme « extrême » pour désigner des mouvances politiques violentes, anti-parlementaristes (ne respectant les urnes que si elles leur sont favorables), et véhiculant des idées intolérantes à l’égard de certaines catégories de citoyens, sur la base non de leurs actes mais de leur appartenance à un groupe social, culturel ou ethnique.

    • L’extrême-gauche : LFI, associés aux islamistes et autres nervis antifas. Ce qu’on pourrait appeler l’islamo-gauchisme. Violence assumée, appel à ne pas suivre les résultats si le RN passe, antisémitisme à peine caché, voire assumé. Le PS, en rejoignant l’Union des gauches, tend donc la main à cette extrême-gauche. Du fait de cette alliance, endroit très hétérogène du champ politique
    • la gauche: La partie du PS qui refuse l’alliance avec les extrémistes de gauche. Ensemble presque vide, puisque visiblement ils vont presque tous soutenir l’UG. Probablement pas au niveau des électeurs.
    • le centre gauche : La Macronie, pour faire vite, et une partie du PS, avec quelques porosités avec le centre-droit. Appelé « extrême-centre » par certains car ils ont démontré (pas plus pas moins que les autres à vrai dire) leur attachement à géométrie variable, tout relatif, au respect des libertés, au respect de la souveraineté française vis-à-vis des institutions UE. Fond culturel socialiste & constructiviste, mondialiste, libéral économiquement par nécessité. Extrême-centre aussi parce que très visiblement plus intéressé par la conservation du pouvoir coûte que coûte (soutien à ceux qu’ils traitaient d’antisémite une semaine plus tôt), que la défense des intérêts des français.
    • le centre droit : les LR compatibles avec Macron, pour faire vite à nouveau. Même fond culturel, avec un nuance plus à droite sur les questions de société (il faut le dire vite, quand on regarde Pécresse ou Dati, ou Bertrand).
    • la droite : le RN & les LR canal RPR (même si le RN est plutôt plus socialiste sur le plan économique). Du fait de ce mélange des genres (LR plus libéral, type Bellamy & Lisnard, et RN plus à gauche), à nouveau pôle très hétérogène. La grande majorité des électeurs.
    • l’extrême-droite : il n’y pas d’extrême-droite en France en 2024. Au sens défini plus haut. Les récits en boucle des journalistes et du pouvoir pour effrayer le bon peuple n’y changent rien : le RN n’appelle pas à la violence (contrairement aux extrémistes de gauche), respecte le choix des électeurs et des urnes, condamne toutes les formes d’antisémitisme ou de racisme.

    Il ne faut pas oublier toute la clique des non-alliés/affiliés de droite et de gauche (souverainistes pro-frexit, divers droites, divers gauches, etc.) : cela représente quand même plus de 12% des votes exprimés au premier tour. Il est possible qu’ils jouent un rôle non-négligeable dans plusieurs triangulaires, mais je n’ai pas le temps d’aller regarder ça en détail.

    La honte

    Nous nous acheminons donc, sauf très grande surprise, vers une « victoire » de la Gauche élargie (de l’extrême jusqu’au centre), réussissant à ne donner au RN qu’une majorité relative. Je mets « victoire » avec des guillements, car c’est une défaite morale impardonnable pour le PS & la Macronie : soutenir l’extrême-gauche pour s’agripper à leur pouvoir, nier l’évidente tendance de la volonté populaire (regarder la carte des votes aux européennes), user de tous les mensonges éculés, rejouer pour la centième fois le « théâtre antifasciste » ; tout cela est proprement honteux. C’est une trahison du peuple, et des actes qui poussent encore un peu plus la population vers la guerre civile. Ils agitent des peurs et des menaces dont ils sont, de fait, les principaux artisans. Honte à la gauche et au centre-gauche. Honte aussi aux LR incapables de suivre Ciotti dans sa démarche courageuse d’union des droites.

  • Retour au Meilleur des Mondes

    Retour au Meilleur des Mondes

    Grâce aux échanges sous la citation #167 (merci Gont!), je suis allé vérifier d’où elle provenait. Cette citation d’Aldous Huxley vient d’un petit essai intitulé « Retour au meilleur des mondes », écrit une trentaine d’années après son célèbre roman dystopique « Le meilleur des mondes ». Je l’ai commandé et je l’ai lu, et j’ai très bien fait : c’est une remarquable petit essai, dont le thème est la liberté et les dictatures. Le livre est passionnant, et j’y ai pioché pleins de citations. Voici quelques grands sujets abordés par Huxley dans cet essai (au passage, vous pouvez aller découvrir sa vie sur Wikipedia11. Lien wikipedia : faites attention à la qualité des informations que vous pouvez y trouver, notamment celles ayant des résonnances politiques., car elle n’est pas banale).

    Moyens de manipulations

    Après une introduction revenant sur les aspects ou non « prophétiques » de son Meilleur des mondes et du 1984 d’Orwell, Aldous Huxley expose sa vision : la surpopulation joue contre la liberté et la démocratie, car plus les populations sont nombreuses et plus il y a un besoin de structures de contrôle, qui entrent en résonance avec la passion des dirigeants (c’est une caractéristique du pouvoir) pour la domination et la main mise sur l’organisation sociale. Tout la grande première moitié du livre est l’analyse par Huxley des différents moyens de manipulations que les dictateurs peuvent utiliser (il revient en détail sur les techniques utilisées par Hitler) : jouer sur les émotions et les sentiments, utiliser la foule qui fait perdre la rationalité aux humains, les moyens techniques ou psychologique (hypnopédie, hypnose, drogues, propagandes variées). On y découvre un auteur très scientifique dans son approche : il a lu les travaux des psychologues, des neuroscientifiques, et il cite ses sources. On sent un homme profondément en recherche d’équilibre, amoureux de la liberté, et inquiet face aux différentes avancées des moyens de contrôle des populations. A la fin de cette partie, Huxley s’interroge sur l’équilibre qu’il faut trouver entre capacité d’autonomie des individus et capacité d’être influencé (suggestibilité) indispensable pour qu’un jeu collectif soit possible.
    La liberté individuelle est-elle compatible avec un degré élevé de suggestibilité ? Les institutions démocratiques peuvent-elles survivre à la subversion exercée du dedans par des spécialistes habiles dans la science et l’art d’exploiter la suggestibilité à la fois des individus et des foules ? Jusqu’à quel point une vulnérabilité excessive à ces sollicitations, mettant en danger la personnalité et la société démocratique, peut-elle être corrigée par l’éducation ? Dans quelle mesure l’exploitation de cette faiblesse par des politiciens, au pouvoir ou non, des hommes d’affaires et des ecclésiastiques peut-elle être contrôlée par la loi ?

    Etre instruits pour être libre

    C’est le titre du remarquable chapitre 11 de l’essai, que j’aimerais pouvoir citer in extenso. Il y est question de faits et de valeurs, et d’éducation à l’esprit critique. En voici un passage concernant le langage et son utilisation.
    Dans le monde où nous vivons, ainsi qu’il a été indiqué dans des chapitres précédents, d’immenses forces impersonnelles tendent vers l’établissement d’un pouvoir centralisé et d’une société enrégimentée. La standardisation génétique est encore impossible, mais les Gros Gouvernements et les Grosses Affaires possèdent déjà, ou posséderont bientôt, tous les procédés pour la manipulation des esprits décrits dans Le Meilleur des Mondes, avec bien d’autres que mon manque d’imagination m’a empêché d’inventer. N’ayant pas la possibilité d’imposer l’uniformité génétique aux embryons, les dirigeants du monde trop peuplé et trop organisé de demain essaieront d’imposer une uniformité sociale et intellectuelle aux adultes et à leurs enfants. Pour y parvenir, ils feront usage (à moins qu’on les en empêche) de tous les procédés de manipulation mentale à leur disposition, et n’hésiteront pas à renforcer ces méthodes de persuasion non rationnelle par la contrainte économique et des menaces de violence physique. Si nous voulons éviter ce genre de tyrannie, il faut que nous commencions sans délai notre éducation et celle de nos enfants pour nous rendre aptes à être libres et à nous gouverner nous-mêmes.
    Cette formation devrait être, ainsi que je l’ai déjà indiqué, avant tout centrée sur les faits et les valeurs les faits qui sont la diversité individuelle et l’unicité biologique, les valeurs de liberté, de tolérance et de charité mutuelle qui sont les corollaires moraux de ces faits. Mais malheureusement des connaissances exactes et des principes justes ne suffisent pas. Une vérité sans éclat peut être éclipsée par un mensonge passionnant. Un appel habile à la passion est souvent plus fort que la meilleure des résolutions. Les effets d’une propagande mensongère et pernicieuse ne peu- vent être neutralisés que par une solide prépara- tion à l’art d’analyser ses méthodes et de percer à jour ses sophismes. Le langage a permis à l’homme de progresser de l’animalité à la civilisation, mais il lui a aussi inspiré cette folie persévérante et cette méchanceté systématique, véritablement diabolique, qui ne caractérisent pas moins le comportement humain que les vertus de prévoyance systématique et de bienveillance persévérante, elles aussi filles de la parole. Elle permet à ceux qui en font usage de prêter attention aux choses, aux personnes et aux événements, même quand les premières sont absentes et que les derniers ne sont pas en train de se passer. Elle donne de la netteté, de la précision à nos souvenirs et, traduisant les expériences en symboles, elle convertit la fugacité immédiate du désir ou de l’horreur, de l’amour ou de la haine, en principes durables réglant les sentiments et la conduite. (…)
    Dans leur propagande antirationnelle, les ennemis de la liberté pervertissent systématiquement les ressources du langage pour amener, par la persuasion insidieuse ou l’abrutissement, leurs victimes à penser, à sentir et à agir comme ils le veulent, eux, les manipulateurs.
    Apprendre la liberté (et l’amour et l’intelligence qui en sont à la fois les conditions et les résultats) c’est, entre autres choses, apprendre à se servir du langage.

    Dans le dernier chapitre, l’auteur s’interroge : nous connaissons des moyens d’instruire pour être libre, mais le voulons-nous vraiment ? Je lui laisse le mot de la fin avec un extrait de la fin de l’essai.
    Arrivés à ce point, nous nous trouvons devant une question très troublante. Désirons-nous vraiment agir? Est-ce que la majorité de la popu- lation estime qu’il vaut bien la peine de faire des efforts assez considérables pour arrêter et si pos- sible renverser la tendance actuelle vers le contrôle totalitaire intégral? Aux U.S.A. et l’Amérique est l’image prophétique de ce que sera le reste du monde urbano-industriel dans quelques années d’ici des sondages récents de l’opinion publique ont révélé que la majorité des adolescents au-dessous de vingt ans, les votants de demain, ne croient pas aux institutions démocratiques, ne voient pas d’inconvénient à la censure des idées impopulaires, ne jugent pas possible le gouvernement du peuple par le peuple et s’estimeraient parfaitement satisfaits d’être gouvernés d’en haut par une oligarchie d’experts assortis, s’ils pouvaient continuer à vivre dans les conditions auxquelles une période de grande prospérité les a habitués. Que tant de jeunes spectateurs bien nourris de la télévision, dans la plus puissante démocratie du monde, soient si totalement indifférent à l’idée de se gouverner eux-mêmes, s’intéressent si peu à la liberté d’esprit et au droit d’opposition est navrant, mais assez peu surprenant. (…)
    En attendant, il reste encore quelque liberté dans le monde. Il est vrai que beaucoup de jeunes n’ont pas l’air de l’apprécier, mais un certain nombre d’entre nous croient encore que sans elle les humains ne peuvent pas devenir pleinement humains et qu’elle a donc une irremplaçable valeur. Peut-être les forces qui la menacent sont-elles trop puissantes pour que l’on puisse leur résister très longtemps. C’est encore et toujours notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous opposer à elles.

  • Citation #167

    Grâce à des méthodes de manipulation mentale toujours plus efficaces, les démocraties changeront de nature ; les anciennes formes désuètes – élections, parlements, cours suprêmes et tout le reste – resteront. La substance sous-jacente sera un nouveau type de totalitarisme non-violent. Tous les noms traditionnels, tous les slogans sacrés resteront exactement ce qu’ils étaient au bon vieux temps. La démocratie et la liberté seront le thème de chaque émission et éditorial […]. Pendant ce temps, l’oligarchie au pouvoir et son élite hautement qualifiée composée de soldats, de policiers, de fabricants de pensées et de manipulateurs d’esprit dirigeront tranquillement le spectacle comme bon leur semble.

    Aldous Huxley (1894 – 1963) écrivain, romancier et philosophe britannique