Étiquette : Etatisme

  • L’étalon Bitcoin

    L’étalon Bitcoin

    Qu’est-ce qu’une monnaie ? A quoi ça sert ? Quelles sont les caractéristiques d’une bonne ou d’une mauvaise monnaie ? C’est à ces questions que Saifedean Ammous répond dans « L’étalon Bitcoin », avant de présenter le Bitcoin qui est probablement une monnaie presque parfaite.


    Le titre de l’excellent livre de Saifedean Ammous, économiste de l’Ecole Autrichienne (dont je me revendique philosophiquement), est un peu trompeur : J’utilise dans mes articles des liens vers des pages Wikipedia : faites attention à la qualité des informations que vous pouvez y trouver, notamment celles ayant des résonnances politiques.c’est d’abord et avant tout un ouvrage passionnant sur la monnaie, et l’histoire des monnaies. Bien sûr, en filigrane, il y a le Bitcoin, mais c’est seulement dans les tous derniers chapitres que l’auteur le traite à part entière, et pour montrer sur quels points spécifiques le Bitcoin est une réponse à des problématiques concrètes des monnaies à l’ère du numérique et des Banques centrales. Ce livre, je le précise, sorti en 2018, est devenu un classique sur la monnaie et Bitcoin. Il était recommandé par Philippe Herlin dans son excellent « Bitcoin : comprendre et investir« , et également par Jon Black dont je suis l’excellente chaîne Youtube. Sauf mention contraire, les citations dans cet article sont tirées du livre.

    Qu’est-ce qu’une monnaie ?

    J’avais beaucoup apprécié la lecture de l’ouvrage de Pascal Salin « La vérité sur la monnaie », dont j’ai pu réviser, grâce à « L’étalon Bitcoin » un certain nombre d’éléments. Je trouve extrêmement important de comprendre ce qu’est une monnaie, et je synthétise ici les points clefs pour en garder trace, et les partager avec vous, chers lecteurs.

    Moyen d’échange

    Les échanges directs ne sont pas toujours simples entre humains : il faut pour qu’ils soient possible une quadruple coïncidence difficile à réaliser dans la pratique (de besoins, de temps, d’échelle, de lieux). Si j’ai des carottes à échanger contre du bois, il faut qu’au moment (temps) où j’ai besoin de bois, j’ai en au même endroit que moi (lieux), quelqu’un qui a du bois et besoin de carottes (besoins), et que j’ai suffisamment de carottes pour avoir du bois (échelle). Une monnaie est d’abord et avant tout un bien qui résous ce problème : un intermédiaire qui sert de moyen d’échanges. Un tel bien, s’il est suffisamment accepté comme moyen d’échanges, permet à chacun de ne plus se préoccuper de trouver ceux qui ont, au bon moment, les bons biens à échanger contre le sien. Ce premier aspect de la monnaie est essentiel, car il est consubstantiel à la possibilité de la division du travail. Sans monnaie, je suis presque obligé de moi-même disposer d’un peu de bois, sous peine de ne jamais rencontrer cette quadruple coïncidence. Avec une monnaie, je sais que je peux me concentrer sur mes carottes, les échanger contre le bien qui sert de monnaie, et que grâce à cette monnaie je pourrais facilement me procurer du bois (et toutes les autres choses dont je pourrais avoir besoin).
    C’est la fonction par excellence de la monnaie que d’être un médium d’échange – en d’autres termes, c’est un bien acquis non pour être consommé (un bien de consommation), non pour être employé pour la production d’autres biens (un investissement ou un capital), mais en priorité pour être échangé contre d’autres biens.

    Réserve de valeur

    Tous types d’objets ou de bien peuvent servir de monnaie : il y a eu dans l’histoire de l’humanité des monnaies en coquillage, en pierre, en sel, en animaux, en métaux précieux, en papier monnaie, etc… Il est important que cette monnaie soit facilement échangeable ou vendable (liquide), et qu’elle le soit de manière durable dans le temps. Il faut donc éviter des monnaies qui pourraient pourrir dans le temps (soit parce qu’elles sont organiques, soit parce qu’elles seraient soumises à différentes formes de détérioration – corrosion, érosion, etc..). Mais cette intégrité physique ne suffit pas.
    Pour qu’un bien garde sa valeur, il est aussi nécessaire que la disponibilité de ce bien ne s’accroisse pas considérablement pendant la période où il est détenu par son propriétaire. Il y a une caractéristique commune aux différentes formes de monnaie à travers l’histoire qui est l’existence d’une mécanisme restreignant la production de nouvelles unités du bien servant de monnaie afin de maintenir la valeur des unités existantes. La difficulté relative de production de nouvelles unités monétaires détermine la dureté d’une monnaie. Une monnaie dont la production est difficile à accroitre est qualifiée de monnaie dure alors que la monnaie facile est celle dont la production en grande quantité est élastique.
    Cette dureté peut se mesurer assez facilement en faisant le rapport de deux choses : le stock (quantité totale existante de cette monnaie) et le flux (la production supplémentaire qui sera faite au cours de la prochaine période). Plus ce ratio stock/flux est élevé, plus nous avons affaire une monnaie dure. Saifedean Ammous insiste sur le fait que dans l’histoire des monnaies, les biens qui ont duré le plus comme monnaie, sont les plus durs, c’est-à-dire les monnaies dotées de mécanismes de protection contre la production facile. Un autre aspect : tout changement dans les conditions de production d’une monnaie particulière peut complètement renverser sa valeur. L’exemple historique des monnaies de pierre des îles Yap vaut le coup d’être découvert (l’auteur le décrit de manière détaillée sous l’angle purement monétaire).

    Unité de compte

    Un autre aspect fondamental de la monnaie est le fait de pouvoir servir d’unité de compte. Le fait qu’un bien soit diffusé largement et utilisé comme moyen d’échange rend possible d’exprimer les prix de tous les autres biens dans cette unité de compte. Cet élément est fondamental parce qu’il permet l’existence d’un système de prix, facilitant énormément les calculs économiques variés, et la circulation de l’information. L’existence de prix, en effet, permet à de nombreux acteurs économiques de se coordonner sans avoir besoin de communiquer entre eux. La variation d’un prix d’une matière première permet à ceux qui l’utilisent d’ajuster en conséquence leur activité sans avoir besoin d’aller se renseigner sur le détail des variations des conditions de production de cette matière première. C’est un des fondamentaux de l’efficacité d’un marché libre avec un système de prix : il permet une coordination spontanée, décentralisée, de nombreux acteurs de manière particulièrement efficace, en permettant la circulation de l’information, et l’auto-régulation des activités des acteurs entre eux sur la base de ces informations. C’est pour cette raison que la fixation arbitraire des prix, toujours, détruit la liberté et nuit à l’efficacité collective des échanges. Hayek avait expliqué tout cela dans un article fameux de 1945 « The use of knowledge in Society« .

    Voilà des élément importants de connaissances sur ce qu’est une monnaie, c’est-à-dire ces billets de banques, ces euros, que nous utilisons tous les jours de multiples fois. Moyen d’échange, réserve de valeur, unité de compte, voilà les 3 caractéristiques majeures d’une monnaie, qui peut être plus ou moins dure (solide).

    La place des Etats dans l’appauvrissement du monde

    L’histoire des monnaies que dresse ensuite l’auteur pourrait tenir en quelques principes, illustrés par nombreux exemples concrets historiques, documentés et vérifiables :

    • Toute personne qui a la capacité à créer de la monnaie ne pourra pas résister longtemps à le faire. Quand il le fait, il s’enrichit au détriment de tous ceux qui en détenaient avant (il créé de toute pièce une richesse pour lui, en faisant perdre de la valeur à la monnaie que tous les autres utilisent)
    • Toutes les périodes fastes de développement économique ont coïncidée avec des monnaies dures (le Florin, le Ducat, l’étalon-or)
    • La main mise par les Etats sur les monnaies, et l’uniformisation de leur gestion de l’inflation, conduit à des monnaies de mauvaise qualité, qui appauvrissent les gens à chaque nouvelle inflation de la masse monétaire, et encourage ainsi des comportements orientés sur la consommation immédiate et d’endettement plutôt que sur l’épargne et le pari sur le futur. Si je n’ai pas d’assurance que mon épargne en euro vaudra encore quelque chose dans 5 ou 10 ans, j’ai intérêt à emprunter ou à dépenser cette monnaie de mauvaise qualité rapidement. Ces emprunts et ces dépenses, contrairement à l’épargne et à l’investissement, limitent l’énergie que nous mettons à améliorer les moyens de production.
    • L’utilisation d’une mauvaise monnaie permet aux politiciens d’emprunter pour financer tout un tas de projets fumeux, sans avoir à faire peser ces choix sur les citoyens directement (ce qui serait le cas s’ils passaient par l’impôt). Mais ce n’est qu’une manière de différer le poids : la dette s’accumule, les projets destructeurs de valeur aussi, les bulles d’investissements qui existent uniquement parce que de grandes quantité d’argent sont régulièrement créés de toute pièce et injectées dans l’économie. Dans tous les secteurs, on trouve des activités dont la seule raison d’être est qu’elles ont pu être créées avec cet argent facile.

    Je ne reviens pas trop en détail sur les exemples historiques que cite l’auteur. Il y a en de nombreux. Selon lui, l’abandon de l’étalon or à peu près au moment de la première guerre mondiale a été une des causes des problèmes rencontrés par l’Occident depuis cette époque. Et toujours pas résolu, car l’inflation de la masse monétaire est devenue une sorte de règle de fonctionnement des monnaies étatiques, que nous sommes obligés d’utiliser. Von Mises avait résumé cela (cité dans le livre) :
    Les gouvernements pensent que … quand il y a le choix entre un impôt impopulaire et une dépense très populaire, ils ont une solution – la voie vers l’inflation. Ceci illustre le problème né de l’abandon de l’étalon-or.
    Ludwig Von Mises, extrait d’une conférence

    Le cas de Keynes

    On peut se demander pourquoi, sachant tout cela, nous continuons à accepter ce genre de politique. Un des éléments de réponse, passionnant, est qu’une partie des économistes, politiciens, élites, sont biberonné avec la pensée de Keynes, chantre de l’intervention étatique dans l’économie, enseigné dans toutes les universités. Cette pensée économique, Saifedean Ammour le montre citations et raisonnements à l’appui, est complètement fausse sur pleins de points (mais continue pourtant à être enseignée). Elle repose sur l’idée, jamais démontrée ou argumentée par Keynes, que l’activité économique est d’autant meilleure que les Etats s’endettent. Et donc, il est légitime qu’ils aient la main sur la monnaie et en créent beaucoup pour s’endetter. C’est bien sûr le contraire que l’on constate. Mais, c’est ce qu’une partie des gens apprennent en cours. Par ailleurs, l’auteur montre qui était Keynes, fils d’une famille richissime famille, né avec une cuillère en or dans la bouche, pédophile, partisan d’un eugénisme et d’un totalitarisme soft assumé.

    Le Bitcoin comme monnaie parfaite ?

    Le Bitcoin s’inscrit très exactement dans cette histoire des monnaies, à l’ère du numérique. C’était la question de son génial inventeur dont seul le pseudonyme est connu (Satoshi Nakamoto) : « comment créer une monnaie numérique liquide pair-à-pair ? ». Il a construit, avec d’autres, et depuis avec une armée de développeurs, une réponse aux vœux exprimés par Hayek en 1984 (cité dans le livre):
    Je ne crois pas que nous aurons à nouveau une bonne monnaie avant que nous ne reprenions la chose des mains du gouvernement. Autrement dit, nous ne pouvons pas le reprendre d’une manière violente des mains du gouvernement, tout ce que nous pouvons faire, c’est introduire d’une façon rusée et par un moyen détourné quelque chose qu’ils ne peuvent pas arrêter.
    J’ai passé déjà quelques dizaines d’heures à étudier le Bitcoin, et il faut reconnaître que c’est une invention géniale. En voici quelques éléments clefs, bien sûr beaucoup plus approfondis dans le livre, dont je ne peux que recommander chaudement la lecture (que vous ayez envie ou non d’investir dans du Bitcoin, car c’est un excellent ouvrage d’économie monétaire et d’histoire de la monnaie).

    • Stock limité : le code mis en place pour le bitcoin a posé cela dès le début : il n’y aura jamais plus de 21 millions de Bitcoin (chaque bitcoin est divisé en 100 millions de satoshis). Depuis l’apparition du bitcoin, en 2009, le nombre de bitcoin en circulation augmente, de moins en moins vite, et se terminera vers 2140. Cela fait du bitcoin la monnaie la plus dure qui soit : un accroissement de sa valeur ne peut pas entraîner un accroissement de son offre.
    • Sans intermédiaire : le fonctionnement du Bitcoin est basé sur un réseau de nœuds (logiciel installé sur un ordinateur pour faire vite) qui détiennent tous une copie, mise à jour en temps réel, de toutes les transactions bitcoin depuis le début. Ce registre particulier, crypté (reposant sur une blockchain, dont c’est selon l’auteur la seule application concrète), sert à vérifier à chaque transaction la possibilité de celle ci. Celui qui envoie des bitcoins à un autre a-t-il réellement en sa possession ces bitcoins ? Le fonctionnement du bitcoin est génial sur ce point : il est très coûteux pour les mineurs (des nœuds particuliers du réseau) de générer de nouveaux bitcoins, ou de générer une transaction dans le registre, et il est très facile pour le réseau de vérifier la validité des transactions et des nouveaux bitcoins. Du coup, il y a un mécanisme économique génial qui rend très difficile – impossible – la fraude. Pas besoin d’une autorité centrale, ou d’un tiers, pour valider les opérations : le réseau de nœuds sert à cela.
    • Premier vrai transfert numérique : comme l’explique très bien l’auteur, « Bitcoin est le premier exemple d’objet numérique dont le transfert met fin à sa détention par l’expéditeur. Nakamoto a inventé la rareté numérique
    • Ultra-robuste : depuis son apparition, il y a eu pas mal de tentatives de hackers, ou simplement de gens qui pensaient pouvoir améliorer le bitcoin, pour modifier le code bitcoin. Toutes ces tentatives, décrites dans le livre, ont échouées car le fonctionnement en réseau rend quasi-impossible le fait de faire évoluer le code, et par ailleurs très peu rentable économiquement. Il faudrait des moyens colossaux pour réussir à contrôler la moitié des nœuds du réseau, et l’opération, si elle réussissait, conduirait à une perte importante de la valeur du Bitcoin, donc rendrait cette opération encore moins rentable.

    Le bitcoin, pour finir, est tout à fait fascinant. C’est le fruit d’une idée de génie, puis d’une communauté de développeurs qui ont amélioré le code, patiemment, de manière très conservative (c’est très bien décrit dans l’ouvrage). La valeur du bitcoin, qui n’est plus à prouver, repose sur ses caractéristiques de conception, et sur ces nombreuses petites évolutions faites par la suite. Il évolue selon des règles catallactiques désormais. C’est un exemple de ce que le philosophe Ferguson appelle « le produit de l’action humaine et non une conception humaine ».
    Un dernier point qui est surprenant, pour illustrer les propos précédents, est la Loi de puissance que semble suivre le cours du bitcoin. Sur six ou sept ordres de grandeur de prix, l’évolution temporelle du bitcoin suit (avec bien sûr beaucoup de fluctuations et de volatilité) une loi de progression simple qui semble traduire, de mon point de vue, la dureté de cette monnaie. A date 25 juillet 2024, voici la photo du bitcoin :

    • Nombre de bitcoins en circulation : 19 730 450
    • Valeur d’un bitcoin en Euros : 59 000

    Je ferai prochainement un billet pratico-pratique sur la manière d’acheter et sécuriser des bitcoins.

  • Citation #128

    Après avoir pris ainsi tour à  tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à  sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à  travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à  ce qu’on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à  n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.

    Alexis de Tocqueville (1805 – 1859) philosophe politique, précurseur de la sociologie et homme politique français.

  • Ce que la crise révèle

    Ce que la crise révèle

    Il est bien connu qu’une manière de tester un système, c’est de le mettre « sous stress » : cela révèle les failles, les problèmes – structurels ou non. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la crise sanitaire liée au Corona Virus (COVID-19) a bien révélé les failles du système de soin et de la société française. Voici quelques problèmes, quelques choses positives aussi, et quelques enseignements.

    Les problèmes (re)révélés

    Crise des élites

    La crise des élites françaises, d’abord, si bien décrite par Pierre Mari, a été flagrante : gesticulation médiatique du pouvoir, navigation à  vue, discours plats du président. Chacun a pu observer cela. J’en reparlerai en conclusion.

    Territoires pas perdus pour tout le monde

    Il n’y avait pas de raisons que pour que cela change, mais dès le début du confinement on a pu vérifier qu’il y a désormais plusieurs sortes de territoires en France, séparés, et n’obéissant pas aux mêmes règles (qui ne sont pas imposés par l’Etat). Cette réalité, montrée timidement, a vite été oubliée (heureusement certains médias continuent à  parler du réel et il y a des sources alternatives partout sur Twitter).

    Politisation de la société

    La politisation de la justice, manipulée par des lobbys anticapitalistes et multiculturalistes a également été bien visible (affaire Amazon, qui n’a fait que confirmer ce que l’on avait pu voir au moment de l’affaire du mur des cons, des cabales contre Zemmour, ou de l’affaire Fillon. Cette politisation est également perceptible dans le domaine scientifique avec l’affaire Raoult : mélanger science et politique est monnaie courante et devrait toujours alerter les esprits critiques. Raoult n’est pas certainement pas le sauveur que certains ont voulu voir, mais ses arguments tiennent la route, et la mise en place de tests massifs dans son IHU devraient à  minima imposer une forme de respect de la personne.

    Inflation administrative et bureaucratique

    Les deux problèmes mentionnés ci-dessus, ressortant d’une extension de la « politisation » de tous le sujets, me semble avoir une cause commune : l’inflation permanente du champ d’action de l’Etat. Cette inflation administrative, normative, bureaucratique, conduit à  une « soviétisation » de l’économie française, et à  beaucoup d’inepties.
    Notamment, visible en ces temps de crises, des éléments de manque de réactivité et de compréhension des priorités. Scandaleux. Et comme les couches du mille-feuille sont multiples, on aboutit forcément à  des décisions arbitraires, sans vision d’ensemble : pourquoi les hyper-marchés peuvent être ouvert, et pas les petits commerces ?

    Classe politique globalement indigente

    Les membres de la classe politique ont montré, dans leur grand majorité, qu’ils n’incarnaient plus aucune forme de « stratégie », ou de hauteur de vue. Globalement incapables de s’inspirer de ce qui marche dans les autres pays, ou d’appeler au refus des actions idiotes (élections régionales, avec confinement le lendemain). Je ne parle même pas des réactions du monde syndical, tant il nous avait déjà  montré à  quel point ils étaient hors de la réalité vécue par les français.

    Idéologisation des esprits et utopie

    La difficulté à  être dans le réel, justement, et à  résoudre les problèmes qui se posent à  nous, ici et maintenant, fait partie de ce qui est ressorti de plus pénible. Obsession de l’idéal, et de l’après, très bien décrite et analysée par Philippe Silberzahn. Cette forme d’obsession utopique, et de préférence pour les idéaux, me semble être dans le même registre passif que la « vénération/détestation » des dirigeants : on a passé plus de temps à  commenter les discours de Macron, dans la sphère médiatique, qu’à  réfléchir aux moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour pallier à  nos manques.
    Dans ce monde hors-sol, il est logique que les constructivistes aux manettes continuent à  utiliser les mêmes leviers, addictifs, que d’habitude : l’argent sort de terre (ou plutôt de la planche à  billet), pourquoi ne pas en distribuer à  tout le monde ? Nous continuons de préparer la prochaine crise financière.

    Quelques sources d’espoir

    Solidarité et entraide spontanées

    Il y a malgré tout, quelques signes encourageants. La capacité des gens à  spontanément s’organiser a été remarquable. J’applaudis à  ma fenêtre, et je suis content de voir mes voisins et les saluer. Je n’applaudis pas les soignants, mais l’ensemble des gens qui sont en première ligne, sans masques, depuis plusieurs semaines (livreurs, policiers, vendeurs, etc.). J’ai également trouvé salutaire l’effervescence de production et de partage de blagues sur le confinement, extraordinaire soupape, et moyen de prise de recul par rapport à  des nouvelles très anxiogènes. Les forces d’entraide et de solidarités ont joué à  tous les niveaux (y compris au niveau des si décriées et honnies entreprises).

    Emergence de nouvelles figures ?

    Il est trop tôt pour le dire, mais j’aime à  penser que certaines voix qui se sont confirmées ou qui ont émergées dans ces temps de crises comme étant porteuses de vision structurées pour la France, prendront de l’importance dans l’après.

    Enseignements : retour aux principes de base

    Deux principes me paraissent essentiels à  mettre en avant pour garder une forme de lucidité. La responsabilité, et l’esprit critique.

    Et la responsabilité, bordel ?

    Il est grand temps de redonner sa place à  la responsabilité, indispensable composante de la liberté. Seuls des individus peuvent être responsable. On est responsable de quelque chose, devant quelqu’un. Il me semble qu’un certain nombre des maux décrits ci-dessus sont en partie causé par un manque généralisé d’esprit de responsabilité. Il ne s’agit pas de chercher des coupables, simplement de remettre cette logique d’action au coeur de l’organisation sociale. Devant qui sont responsables les juges ? Devant qui le gouvernement est-il responsable ? Devant qui l’obscur fonctionnaire qui interdit à  un entrepreneur de vendre des masques est-il responsable ? Devant qui sont responsables ceux qui n’envoient pas les malades en surnombre vers les cliniques privées ? Tous ces fonctionnaires, ou membres de l’appareil d’Etat, ou de la sphère publique, devraient être responsables devant les contribuables, et devant le peuple. L’Etat doit être au service du peuple, et pas l’inverse. Quelles procédures allons-nous mettre en place pour éviter les dysfonctionnement et les décisions absurdes ? Les élites ne pourront être réhabilités dans l’esprit des français que s’ils endossent, en même temps que le pouvoir, des responsabilités.

    Esprit critique

    A titre personnel, je traverse cette crise étant plus convaincu que jamais qu’il est indispensable d’apprendre à  penser par soi-même. Les experts de l’OMS ont donné, sur le port des masques, des avis contradictoires à  une semaine d’intervalle. Personne ne peut penser, ou évaluer à  notre place. Si les français apprennent à  nouveau à  penser par eux mêmes, à  sortir des carcans idéologiques qui empêchent de voir le réel, alors cette crise aura peut-être apporté une bonne chose. Espérons que peu à  peu cela permette de sortir de la double impasse dans laquelle nous sommes : socialiste, et multiculturaliste.

    Quelques règles d’hygiène de pensée, pour compléter l’hygiène du langage, sont toujours utiles à  rappeler ou à  intégrer dans nos habitudes.

    • Ne pas accepter les arguments d’autorité, tout en écoutant les experts
    • Laisser une place au doute, et comparer plusieurs points de vue avant de se faire une opinion
    • Distinguer ce qui est de l’ordre des faits / énoncés sur la réalité, et ce qui est de l’ordre des représentations / interprétations de cette réalité
    • Se méfier de ceux qui cherchent à  éviter le réel

    Il y en certainement plein d’autres : vous les partagez en commentaire ?

  • Plaidoyer pour un libéral-conservatisme

    Plaidoyer pour un libéral-conservatisme

    J’avais proposé cet article pour le numéro spécial de l’Incorrect consacré au libéralisme, mais il a été refusé. Ce n’est pas grave, je le publie ici quand même. Je vous invite à  lire leurs articles, je pense que j’y réagirai ici même. Mon article tentait une synthèse entre libéralisme et conservatisme.

    Libéralisme

    Le libéralisme est une philosophie qui place, comme son nom l’indique, la liberté comme une fin en soi. Pas n’importe quelle liberté : la liberté individuelle, avec des limites, et érigée en principe d’organisation de la société. Ce courant de pensée a émergé aux XVIIème et XVIIIème siècles en Occident, et a accompagné les « révolutions démocratiques »..

    C’est une philosophie du droit naturel, c’est-à -dire reconnaissant à  tout être humain, par sa nature même, des droits inaliénables : la liberté, la propriété de soi et du fruit de son travail, le droit à  la vie, le droit de propriété et de jouir librement de ses biens, le droit d’échanger. Le droit naturel consiste en une universalité des droits (valables pour tout être humain), et une égalité devant la Loi (pour être juste, la Loi doit traiter chaque individu identiquement). Ce sont les principes, non discutables, des sociétés ouvertes. La société ouverte suppose la stricte observation de règles abstraites de juste conduite (formelles, universelles, évolutives) respectant ces droits naturels. Elle s’oppose à  la société tribale. La garantie de ces droits inaliénables a permis l’extraordinaire développement du monde occidental : émergence d’institutions démocratiques et pluralistes, explosion des capacités d’échanges, de partage du savoir et de la technique.

    Le libéralisme n’est pas apparu soudainement : il est le fruit, le prolongement et la synthèse de l’histoire occidentale : à  la fois du passé gréco-romain, comme de la Révolution papale des XIème-XIIIème siècles, mettant la raison et le droit au service de l’éthique biblique. Le libéralisme est un humanisme chrétien.

    Contre le progressisme hors-sol

    Chacun des grands courants de pensée en politique – conservateurs, libéraux, progressistes – porte des idéaux et des travers. Le dialogue entre les trois courants est fécond s’il se base sur une éthique commune du débat critique et ouvert, placé sous le signe de la raison.

    Les conservateurs, héritiers de ce qu’il y a de noble dans notre civilisation et nos traditions, contre la barbarie, soumettent parfois leur raison à  des vérités révélées. Les libéraux, protecteurs de la liberté individuelle contre l’arbitraire et la coercition des pouvoirs, développent parfois une pensée trop abstraite, niant la réalité et l’influence des enracinements. Censés être les promoteurs de la belle idée de progrès, les progressistes nagent malheureusement depuis 30 ans en plein délire socialiste. Et comme ils ont pris l’ascendant philosophique, politique, et culturel, cela nuit à  notre société. Trois dérives doivent être combattues, chacune portant atteinte au principe d’égalité devant la loi :

    • Un égalitarisme forcené d’abord, qui confond égalité devant la Loi, et égalité de fait. La Loi n’est pas là  pour corriger les inégalités, mais pour garantir les droits de chacun. ”Il y a toute les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n’est qu’une nouvelle forme de servitude. » (Hayek)
    • Un étatisme inexorable, ensuite, qui est le rejet de l’ordre spontané libre. L’état de Droit implique un Etat fort, intransigeant, avec des missions restreintes à  la sécurité (extérieure et intérieure), et à  l’application du Droit. L’État omniprésent provoque une inflation juridique, des réglementations et une fiscalité liberticides, une infantilisation des citoyens. L’omniprésence nécessite des moyens, trouvés par des prélèvements et un endettement massifs.
    • Enfin, une politique d’immigration inconséquente, aveugle à  la réalité des différences civilisationnelles, a conduit au communautarisme. Des zones entières du territoire ne sont plus, au sens propre, juridique, comme au sens symbolique, culturel, la France. Les civilisations non-occidentales ont vocation à  rester minoritaires en France : on ne peut bâtir une société, et des règles justes, en faisant coexister des principes qui sont contradictoires. Tout citoyen français devrait vivre selon les coutumes et les Lois françaises, quelque soit sa condition, et son lieu d’habitation.

    Au-delà  de leurs différences, les conservateurs et les libéraux doivent donc s’allier contre la « folie » des progressistes porteurs de ces travers égalitaristes, étatistes et communautaristes.

    L’âme de l’occident

    Le joyau qui pourrait être au coeur de cette alliance, c’est le fait de penser chaque être humain à  la fois comme une personne, et un individu :

    • Une personne, avec sa singularité, ses aspirations, ses enracinements, sa spiritualité, ses choix,
    • un individu ”gommé » de ces particularités, mais doté de droits inaliénables, assumant la responsabilité de ses actes, et traité comme les autres devant la Loi.

    Cette distinction est à  conserver à  tout prix, car elle est la condition pour pouvoir imaginer « une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes » (Ricoeur).

    C’est l’esprit du libéralisme, et c’est l’âme de l’Occident.

  • Interview de Pascal Salin 1/3

    Interview de Pascal Salin 1/3

    Voici la première partie de l’interview de Pascal Salin. Au programme : crise financière, réglementation étatique, système bancaire et monétaire, responsabilité. Le point de vue d’un économiste de l’école autrichienne sur la crise : décapant, puissant parce que basé sur une vraie connaissance, stimulant. Réjouissant ! Enfin un peu de raison dans le bruit médiatico-politique.

    (suite…)

  • Etes-vous de droite ou de gauche ?

    LHC est un réseau de blogs politiques, que j’ai créé avec Criticus. Nous l’animons à  5 désormais : Lolik, René, Rubin, Criticus et moi. Nous avons lancé une opération pour évaluer notre positionnement politique au sein de LHC. Les résultats me paraissent intéressants, et je voulais les partager avec vous, chers lecteurs : au passage vous pourriez me dire comment VOUS vous positionnez sur l’échiquier politique…
    (suite…)