Étiquette : Gouvernement

  • De la liberté de travailler

    Débat douteux…

    La discussion a été lancée chez Le Chafouin : autoriser le travail le dimanche est-il « dangereux » ? Il se trouve que tout le monde semble d’accord là -dessus[1. à  part bien sûr Criticus, qui est venu peser dans la discussion] : les gauchistes vigilants sont du même avis que Le Chafouin, ainsi que Koz, qui au passage m’a traité de naïf. Parce que je défendais le droit, simple pourtant et fondamental, de travailler librement. Je ne sais si c’est le dimanche qui est sensible, ou le travail. Peut-être les deux, d’ailleurs. Beaucoup de conservatisme, en tout cas. Au sens tout à  fait déplaisant du terme, car en l’occurrence simplement synonyme d’immobilisme.
    Le Chafouin récidive aujourd’hui, en donnant d’autres arguments. Arguments que je comprends – faut-il le préciser ? – mais que je trouve bien faibles comparés au respect de la liberté individuelle.
    Deux remarques :

    • le fond de ce débat me semble particulièrement « constructiviste », c’est-à -dire qu’il ressort d’une vision d’un gouvernement qui devrait s’occuper de diriger les moindres menus détails d’organisation de la vie des citoyens. Au mépris de la liberté d’action de ces individus qu’il prétend protéger. N’est-ce pas protéger et garantir la liberté – l’un des droits fondamentaux des individus – que de permettre le travail le dimanche ?
    • un relent assez pénible est sous-jacent à  la discussion : le fait que certains prétendent savoir mieux que les autres ce qui est bon pour eux. En exemple, le fait qu’il y en a « marre de voir des gens se promener en famille dans les centres commerciaux ! Ils seraient aussi bien en forêt à  cueillir des champignons ». Quelle extraordinaire intolérance, et quel extraordinaire complexe de supériorité. Les gens sont des veaux, c’est bien connu, et je vais leur expliquer comment vivre bien. C’est à  dire comme moi. Logique totalitaire. Laissez-donc les gens vivre leur vie comme ils l’entendent !

    La réalité

    Outre le fait que le travail dominical est déjà  une réalité bien installée en France (on se demande donc pourquoi la Loi devrait être différente selon la catégorie sociale à  laquelle on appartient), les intentions exprimées par Xavier Bertrand sont pourtant assez claires :

    « Le dimanche n’est pas un jour comme les autres, c’est vrai. Mais il faut aussi voir comment les choses évoluent. Nous ne pouvons pas refuser à  des personnes qui souhaitent travailler le dimanche de le faire », a-t-il expliqué. Selon lui, la réglementation doit « aussi apporter des garanties », avec un travail le dimanche « mieux payé et surtout le droit au refus pour le salarié ».

    Rétablir la liberté de travailler

    Le gouvernement devrait, par pédagogie, éviter de laisser sous-entendre par ses propos que les salariés n’ont pas le droit de refuser ce que lui impose un employeur. La liberté contractuelle est toujours la règle en France (à  moins que j’ai loupé un épisode) : un contrat peut toujours se rompre, dans des conditions définies a priori, d’un côté comme de l’autre.
    Et il devrait bien plutôt s’occuper de déréglementer, plutôt que d’essayer de faire bouger les choses dans le bon sens en rajoutant une réglementation à  celles – nombreuses – qui existent déjà , et qui bloquent les initiatives privées et l’innovation sociale.


  • RSA : l’enfer pavé de bonnes intentions ?

    RSA : l’enfer pavé de bonnes intentions ?

    Le rSa est-il une bonne ou une mauvaise idée ? s’agit-il d’une nouvelle usine à  gaz injustifiée aux effets incertains, ou d’un plan courageux qui va permettre d’inciter au travail et de sortir de l’assistanat ?
    (suite…)

  • Quelques mots que j'aurais aimé écrire…

    Récapitulons: outre la contribution de 1,1% sur les revenus du capital pour financer le RSA, le gouvernement annonce vouloir, au nom de l’écologie, taxer les assiettes et couverts jetables, les produits gras et salés, les ordures ménagères mises en décharge, mais aussi les automobiles polluantes et tout dernièrement les trop fortes consommations d’électricité. Ce matin, le ministère du développement durable a démenti « catégoriquement » cette dernière éventualité. Matignon aurait cependant donné son feu vert, selon Le Parisien, à  l’extension de la formule du bonus-malus aux télévisions, réfrigérateurs, lave-linge, scooters, etc. « Un concours Lépine », a lâché ce matin Bernand Accoyer (UMP), président de l’Assemblée nationale.

    Tout cela n’est effectivement pas sérieux. D’autant que Nicolas Sarkozy s’est engagé, durant sa campagne présidentielle, à  réduire les prélèvements obligatoires. Que deviennent ses promesses? En fait, si le gouvernement voulait faire la démonstration de son manque d’imagination, il ne s’y prendrait pas autrement que Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie et du développement durable, apparemment satisfait de sa fiscalité écologique. Or, elle n’est qu’un retour aux vieilles recettes de l’économie administrée, qui aurait tort de se croire à  nouveau plébiscitée à  la seule vue de ce qui se passe aux Etats-Unis. Les Français n’ont pas voté pour subir une politique interventionniste, qu’ils ont justement rejetée. Et si le gouvernement cessait enfin de taxer les Français?

    Lu sur le blog d’Ivan Rioufol

  • Citation #89

    L’égalité devant la loi conduit à  la revendication que tous les hommes prennent une part égale à  la détermination de la loi. Tel est le point de rencontre entre le libéralisme traditionnel et le mouvement démocratique. Cependant, ils n’en ont pas moins une autre préoccupation essentielle. Le libéralisme (dans le sens que ce mot avait en Europe au siècle dernier) se soucie surtout de limiter le pouvoir de contrainte que possède n’importe quel gouvernement, qu’il soit démocrate ou non, cependant que le démocrate dogmatique ne connaît qu’une seule limite au gouvernement, l’opinion courante de la majorité. La différence entre ces deux idéaux apparaît en toute clarté si nous désignons le terme auquel chacun s’oppose : la démocratie s’oppose au gouvernement autoritaire ; le libéralisme au totalitarisme. Aucun des deux systèmes n’exclut nécessairement le contraire de l’autre : une démocratie peut détenir des pouvoirs totalitaires et il est concevable qu’un gouvernement autoritaire agisse selon des principes libéraux.

    Friedrich HayekEconomiste et philosophe britannique d’origine autrichienne.

  • DLL – Introduction

    C’est parti ! Voici quelques citations choisies dans le chapitre d’introduction de « Droit, législation et liberté », de Hayek. L’articulation du livre y est décrite : les trois livres regroupés parlant respectivement du droit, de l’économie et des institutions politiques y sont décrits dans les grandes lignes. Mais je préfère revenir sur quelques passages que je trouve beaux, ou importants, ou les deux. Je redis que mon but n’est pas ici de livrer une analyse de cet ouvrage magistral (il se suffit bien à  lui-même), mais de partager avec vous ce que j’y trouve de bien.
    Cette introduction s’ouvre sur une citation de Montesquieu :

    Des êtres intelligents peuvent avoir des lois qu’ils ont faites, mais ils en ont aussi qu’ils n’ont pas faites.

    De l’esprit des lois, I, p. I

    Assurer la liberté individuelle : un combat d’actualité

    Lorsque Monstesquieu et les rédacteurs de la constitution américaine exposèrent la conception, qui s’était développée en Angleterre, d’une constitution limitative, ils proposèrent un modèle qu’a toujours suivi le constitutionalisme libéral. Leur objectif principal était de fournir des sauvegardes institutionnelles à  la liberté individuelle ; et le dispositif dans lequel ils placèrent leur confiance fut la séparation des pouvoirs. Dans la forme où nous la connaissons, cette division du pouvoir, entre la législature, le judiciaire et l’administration, n’a pas atteint le but auquel elle était censée parvenir. Partout les gouvernements ont obtenu, par des moyens constitutionnels, des pouvoirs que ces hommes entendaient leur dénier. La première tentative en vue d’assurer la liberté individuelle par des constitutions a manifestement échoué. […] Pour moi, leurs buts (des rédacteurs de la constitution, ndr) apparaissent aussi valables que jamais. Mais comme leurs moyens se sont avérés inadéquats, quelque nouvelle invention institutionnelle est nécessaire.

    Causes de l’échec

    […] j’en suis venu à  voir clairement pourquoi ces idéaux n’avaient pas su garder l’adhésion des idéalistes, à  qui sont dus tous les grands mouvements politiques, et à  comprendre quelles sont les croyances de notre époque qui se sont montrés inconciliables avec les idéaux en question. Il me semble à  présent que les raisons de cette évolution ont été principalement : la perte de la croyance en une justice indépendante de l’intérêt personnel ; par voie de conséquence, le recours à  la législation pour autoriser la contrainte, non plus simplement pour empêcher l’action injuste, mais pour atteindre des objectifs particuliers concernant des individus ou des groupes spécifiques ; et la fusion, entre les mains des mêmes assemblées représentatives, de la mission d’énoncer les règles de juste conduite, avec la mission de diriger le gouvernement.

    Tôt ou tard, les gens découvriront que non seulement ils sont à  la merci de nouvelles castes privilégiées, mais que la machinerie para-gouvernementale, excroissance nécessaire de l’Etat tutélaire, est en train de créer une impasse en empêchant la société d’effectuer les adaptations qui, dans un monde mouvant, sont indispensables pour maintenir le niveau de vie atteint, sans parler d’en atteindre un plus élevé.

    Je passe sur les idées d’ordre spontané et de justice sociale, qui sont évoquées dans l’introduction : nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin.

    Un but : une nouvelle constitution

    C’est seulement dans ce livre-ci que je me pose la question de savoir quel arrangement constitutionnel, au sens juridique du terme, pourrait le mieux conduire à  préserver la liberté individuelle.

    Une méthode de réflexion : le rationnalisme évolutionniste

    J’ai été effectivement amené à  la conviction que les plus importantes divergences de notre temps, non seulement scientifiques mais aussi politiques (ou « idéologiques »), proviennent initialement de certaines différences entre deux écoles de pensée, dont on peut démontrer que l’une est dans l’erreur. Les deux sont communément appelées rationalisme, mais je devrais les distinguer en rationalisme évolutionniste (ou comme l’appelle Sir Karl Popper, « critique »), et rationnalisme constructiviste (« naif », selon Popper), le second étant erroné. Si le rationalisme constructiviste peut être montré comme reposant sur des présomptions matériellement fausses, c’est tout une famille de pensées et d’écoles qui se trouvera convaincue d’erreur.

    Un résultat : réfutation du socialisme

    Dans les domaines théoriques, c’est en particulier le positivisme juridique et la croyance connexe en la nécessité d’un pouvoir « souverain » illimité, dont le sort est lié à  celui de cette erreur. Il en va de même de l’utilitarisme, au moins dans sa variante axée sur l’acte ; je crains aussi qu’une part non négligeable de ce qu’on appelle « sociologie » ne soit une progéniture directe du constructivisme lorsqu’elle présente son but comme étant de « créer l’avenir du genre humain » ou, selon les mots d’un auteur, affirme « que le socialisme est l’aboutissement logique et inévitable de la sociologie ». Toutes les doctrines totalitaires, dont le socialisme n’est que la plus noble et la plus influente, sont concernées par cette critique du constructivisme. Elles sont fausses, non en raison des valeurs sur lesquelles elles s’appuient, mais parce qu’il y méconnaissance des forces qui ont rendu possible la Grande Société et la civilisation. La démonstration que les oppositions entre socialistes et non-socialistes sont fondées initialement sur des questions purement intellectuelles susceptibles de solution scientifique, et non sur des jugements de valeur différents, me semble l’un des aboutissements les plus importants de la réflexion poursuivie dans ce livre.

    Si Hayek, dans l’introduction, n’annonce pas une réfutation théorique du socialisme, ni plus ni moins, c’est que je ne sais plus lire ! Tout un programme, qui va être passionnant à  suivre. J’aime beaucoup l’idée de raisonner en se basant sur des choses qui sont de l’ordre de la connaissance, et non sur des jugements de valeurs : indispensable pour pouvoir progresser ensemble.
    Retrouvez les autres notes de lectures sur la page d’index de « Droit, législation et liberté »

  • Réformes, triangles d'or et calculs politiciens

    Le temps manque, souvent, pour aller se renseigner sur tout ce qu’on voudrait. C’est le cas de la réforme constitutionnelle que les parlementaires et les sénateurs vont voter aujourd’hui. J’ai suivi de loin les tractations concernant le vote, qui va être tendu. Sur le fond, quelques grandes lignes m’ont convaincues que ça allait plutôt dans le bon sens. Je me retrouve dans les arguments que l’on peut lire sur Echo Politique, par exemple.
    Dans la manière de mener un changement, on apprend en formation que ceux sur qui il faut s’appuyer pour convaincre les « mous », les « indécis » et les « passifs », sont les « triangles d’or ». Les « triangles d’or » sont ceux qui fonctionnent sur un mode d’esprit critique, d’analyse sceptique des éléments. Ce sont des « raisonnables », « factuels ». Et si eux participent à  convaincre que le changement est bon, alors ils auront un vrai poids dans les discussions : on ne peut pas les soupçonner d’être acquis à  une cause, ou convaincus à  l’avance.
    C’est l’impression que m’ont donné plusieurs tribunes où des esprits lucides ont choisi de dire pourquoi ils voteront oui, malgré des positions éloignées de celles du gouvernement. De la majorité, ou de l’opposition. Citons les radicaux de gauche[1. Gérard Charasse, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Dominique Orliac et Sylvia Pinel] :

    Et il faut bien reconnaître que de nombreuses dispositions contenues dans cette réforme contribuent à  rénover le système actuel. Le nier serait faire preuve d’irresponsabilité et d’un manque certain de discernement. Il est toujours dangereux, sur un texte qui engage l’avenir de nos institutions, d’opter pour une grille de lecture uniquement partisane et s’inscrivant dans le seul court terme. Il faut se projeter et imaginer l’opposition d’aujourd’hui devenir majoritaire. Quand il s’agit de la Constitution, cet exercice, certes pas facile aujourd’hui, est toutefois indispensable.

    […] Notre vote n’est en rien un vote de soutien à  la politique du président de la République. Depuis le début de cette législature, nous n’avons cessé de nous opposer à  ses projets et à  ses choix.

    Pour ceux qui veulent lire le texte complet des articles modifiés qui sont soumis au vote du Congrès, c’est là  : Le texte des articles modifiés sur Le Monde.
    Je reprend, en guise de conclusion, l’article de Brice Couturier : il n’y a rien à  ajouter.

    Pourquoi édulcorer un pouvoir dont on peut s’emparer ?

    Les hommes de parti, quelques pures que leurs intentions puissent être, répugnent toujours à  limiter la souveraineté. Ils se regardent comme ses héritiers, et ménagent, même dans la main de leurs ennemis, leur propriété future. (Benjamin Constant)

    Voilà  pourquoi la majorité du PS refusera, en Congrès, les réformes constitutionnelles proposées par le gouvernement. Même s’il se trouve que nombre de ces réformes sont réclamées à  corps et à  cris depuis des années par la gauche libérale. Pourquoi l’opposition contribuerait-elle à  rogner les pouvoirs exorbitants de l’exécutif, alors qu’elle sait qu’elle a de bonnes chances de l’emporter dans moins de 4 ans ? A-t-on vu que l’auteur du ”Coup d’Etat permanent » ait renoncé en quoi que ce soit aux prérogatives ahurissantes accordée au président de la République, une fois élu ? Le pouvoir de nomination, en particulier, est, dans notre pays, scandaleux. On a vu l’usage qu’en ont fait et Mitterrand et Chirac en fin de mandat pour caser ou remercier leurs amis.