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  • Loi et réglementation

    Loi et réglementation

    Une distinction importante existe entre « loi » et « réglementation ». C’est un très bon outil pour analyser une partie des atteintes actuelles à  la Justice, à  la Liberté et à  la paix sociale.

    Justice, droit positif et droit naturel

    Nous vivons dans des sociétés civilisées, c’est-à -dire des sociétés qui ont peu à  peu incorporées dans leurs règles de fonctionnement les apprentissages moraux que les humains avaient fait. C’est mal de tuer, il y a donc une règle qui le dit « Tu ne tueras point ». Ces règles sont en général formulées en posant une limite entre ce qui est interdit (formulé dans la règle) et le reste, qui est par défaut autorisé. Ces Lois visent la Justice, et s’appliquent à  tous de la même manière. Pas de morale sans visée universelle. Ces Lois ne sont pas nécessairement explicitées, certaines sont présentes dans la tradition de telle ou telle société, sans forcément avoir fait l’objet d’une incorporation dans le droit positif. Le droit naturel, les traditions, notre raison, le sens de la Justice permettent d’avoir un regard critique sur le droit positif, et c’est pour cela qu’il évolue.

    Ce que je peux faire, ce n’est pas ce que me dit un homme de loi ; mais ce que l’humanité, la raison et la justice me disent que je devrais faire.

    Edmund Burke (1729-1797)
    Homme politique et philosophe irlandais.

    Dans la pensée d’Hayek, une distinction est faite entre ce droit positif (appelé « Thesis », le droit du législateur), et le « Nomos », le droit issu de la jurisprudence, de la tradition, et qui préexiste à  la Loi positive. On obéit au droit du législateur parce qu’il fait appliquer une Loi présumée exister en dehors d’elle et fondée sur l’opinion diffuse de ce qui est juste.

    Lois et réglementations

    Une distinction supplémentaire doit être faite au sein du droit positif (« Thesis »). J’ai gardé cette distinction comme un outil de pensée très utile de ma lecture d’Hayek, moins précis et détaillé que l’analyse qu’il en faisait, mais qui me sert souvent sous cette forme (en écrivant cette phrase, je viens de décider de relire cet extraordinaire livre). Il s’agit de la distinction entre Lois et Réglementations.

    • les lois sont les règles qui servent la justice. Elles ont une visée universelle, s’appliquent à  tous de la même manière (Égalité devant la loi), et sont en général plutôt formulées négativement (« tu ne dois pas… »). Ces lois sont celles du Rule of Law, plutôt du côté du Nomos. Les Lois, interdisant certains comportements, ne disent pas ce qui doit être fait, mais ce qui ne doit pas être fait. Elles sont un outil pour favoriser la liberté, et l’ordre spontané. Les lois, en France, sont proposées, débattues, adoptées par l’Assemblée Nationale.
    • les réglementations sont les règles qui servent un objectif spécifique, en fixant un certains nombres de contraintes non universelles. C’est l’outil des gouvernements pour atteindre leurs objectifs, pour construire un ordre de manière dirigée. Les réglementations ne s’appliquent pas à  tous de la même manière, elles sont circonstancielles. Ce sont les règles des constructivistes, c’est-à -dire des règles avec une visée politique qui supposent la capacité à  influer sur l’ordre de la société.

    On trouve des précisions dans les cours de Droit :
    Avant la constitution de 1958, la distinction entre la loi et le réglement existait déjà . Mais cette distinction s’accompagnait d’une affirmation de primauté absolue de la loi. En effet, dans la tradition constitutionnelle républicaine française, la souveraineté est exercée par les représentants du peuple, élus au Parlement, c’est-à -dire le pouvoir législatif. Cette prédominance de la loi aujourd’hui quasiment disparue. (…) La fonction du réglement n’est plus seulement de permettre l’exécution des lois en en déterminant les conditions de mise en oeuvre ; elle est aussi de régir toutes les matières pour lesquelles la loi n’est pas compétente.
    On apprend un peu plus loin qu’il existe des procédures de protection du domaine réglementaire contre les empiètements du pouvoir législatif. Il n’existe pas, par contre, de procédures de protection du domaine législatif contre l’empiètement du pouvoir réglementaire. En d’autres termes : le gouvernement peut prendre des décisions, et mettre en place des réglementations qui ne sont pas fidèles à l’esprit des lois.En d’autres termes : le gouvernement peut prendre des décisions, et mettre en place des réglementations qui ne sont pas fidèles à  l’esprit des lois. Voilà  qui est profondément choquant, conforme par ailleurs à  ce que l’on observe, et à  mes yeux, une réelle forme de dérive constructiviste. De toutes façons, dans l’esprit des gens, la distinction entre loi et réglementation n’étant pas claire, la voie était ouverte.

    Dérives constructivistes : deux exemples

    Une société de liberté suppose d’accepter une forme importante d’ordre spontané. L’individualisme, et le régime de liberté qui va avec, consiste à  « reconnaître l’individu comme juge en dernier ressort de ses propres fins, et à  croire que dans la mesure du possible ses propres opinions doivent gouverner ses actes ». On peut ne pas être individualiste dans ce sens, et c’est précisément ce que les penseurs comme Hayek ont appelé le constructivisme. Deux exemples simples permettront de comprendre comment la réglementation nuit à  la loi, à  l’égalité devant la loi des citoyens, et donc à  la Justice. Cela ne condamne bien sûr pas toute forme de constructivisme, mais devrait par contre susciter la plus grande méfiance vis-à -vis de cette manière de faire.
    Rappelez-vous : la distinction entre loi et réglementation est simple ; la loi s’applique à  tous et vise la justice, et un ordre spontané de la société dans le respect de ces règles, la réglementation ne s’applique pas à  tous, et vise un état précis, un ordre construit, de la société. Les deux exemples montrent bien comment, une fois que l’on accepte d’avoir des règles (réglementations) qui ne s’applique pas à  tous de la même manière, on met le doigt dans un cercle vicieux sans fin. Dans les deux cas, l’égalité de fait est visée plutôt que l’égalité devant la loi.

    Il y a toute les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n’est qu’une nouvelle forme de servitude.

    Friedrich Hayek (1899-1992)
    Economiste et philosophe britannique.

    Impôts progressifs

    L’impôt proportionnel (taux fixe) est celui qui vise une contribution au financement de l’action publique par les citoyens à  proportion de leur revenu (avec un taux de 10%, celui qui a 100 paye 10, et celui qui a 1000 paye 100). L’impôt progressif (taux variable) vise, quant à  lui, à  une correction des inégalités par la redistribution (le riche payera plus en proportion que le pauvre). Deux manières de penser l’impôt. En France, l’impôt est en partie progressif, en partie proportionnel. Je trouve injuste l’impôt progressif, qui n’a pas de fin, et laisse la porte ouverte à  l’arbitraire : selon les humeurs, les volontés politiques, il sera facile de modifier la progressivité et d’aller jusqu’à  la spoliation. On ne saurait qualifier de « loi » des réglementations traitant différemment – fiscalement – les citoyens. J’ai pris l’exemple de l’impôt, et on pourrait dérouler les milliers d’injustices qui existent dans ce domaine : selon que vous travaillerez dans tels ou tels secteur vous ne serez pas imposé de la même manière. Constructivisme toujours : le régulateur, dans un bel élan de scientisme, prétend savoir ce qu’il faut soutenir ou affaiblir comme type d’activité.

    Discrimination positive

    Un autre exemple où la volonté de « construire » un ordre supposément plus juste conduit à  faire n’importe quoi : la discrimination positive conduisant à  mettre en place des quotas (de noirs, de femmes, de jaunes, d’homosexuels, etc.) pour atteindre une « égalité ». Par des réglementations stupides, on piétine l’égalité devant la loi, on force des décisions injustes. Et à  nouveau, l’engrenage est sans fin : une foi l’égalité devant la Loi rompue, comment arrêter le délire ? S’il y a des quotas de noirs, pourquoi pas de roux ? ou d’obèse avec des boutons ? Tout cela est délirant, instrumentalisé par des militants diversitaires, et nous devrions être beaucoup plus fermes sur nos principes. Pour cela, il est important de subordonner à  nouveau la réglementation aux lois : la loi est la même pour tous, et – contrairement aux règlements qui sont l’outil des gouvernants – elle est débattue et adoptée par les représentants du peuple.

  • Interview de Pascal Salin 3/3

    Interview de Pascal Salin 3/3

    Troisième et dernière partie de l’interview de Pascal Salin. Avoir avoir abordé la crise, puis le libéralisme, nous discutons pour finir de la mise en œuvre du libéralisme, et de diverses questions d’actualités.

    (suite…)

  • La Loi, de Frédéric Bastiat

    J’ai reçu hier mon exemplaire de « La Loi« , de Frédéric Bastiat. Bien entendu, je n’ai pas pu résister, et j’ai commencé à  le lire. Je vous en donne quelques extraits ici, pour vous donner envie d’aller le lire…

    J’ai retrouvé avec exaltation, et un plaisir intense, la langue pure et belle de Bastiat, sa manière de rigoureusement exprimer les idées. Sa verve aussi, car c’est réellement un grand écrivain. Comme ce livre est disponible en intégralité sur le net, j’ai pu aller vous chercher deux extraits lus hier soir. En guise d’amuse-gueule…

    Propriété, Spoliation et Loi

    L’homme ne peut vivre et jouir que par une assimilation, une appropriation perpétuelle, c’est-à -dire par une perpétuelle application de ses facultés sur les choses, ou par le travail. De là  la Propriété.
    Mais, en fait, il peut vivre et jouir en s’assimilant, en s’appropriant le produit des facultés de son semblable. De là  la Spoliation.
    Or, le travail étant en lui-même une peine, et l’homme étant naturellement porté à  fuir la peine, il s’ensuit, l’histoire est là  pour le prouver, que partout où la spoliation est moins onéreuse que le travail, elle prévaut; elle prévaut sans que ni religion ni morale puissent, dans ce cas, l’empêcher.
    Quand donc s’arrête la spoliation ? Quand elle devient plus onéreuse, plus dangereuse que le travail.
    Il est bien évident que la Loi devrait avoir pour but d’opposer le puissant obstacle de la force collective à  cette funeste tendance ; qu’elle devrait prendre parti pour la propriété contre la Spoliation.
    Il est bien évident que la Loi devrait avoir pour but d’opposer le puissant obstacle de la force collective à  cette funeste tendance ; qu’elle devrait prendre parti pour la propriété contre la Spoliation
    Mais la Loi est faite, le plus souvent, par un homme ou par une classe d’hommes. Et la Loi n’existant point sans sanction, sans l’appui d’une force prépondérante, il ne se peut pas qu’elle ne mette en définitive cette force aux mains de ceux qui légifèrent.
    Ce phénomène inévitable, combiné avec le funeste penchant que nous avons constaté dans le coeur de l’homme, explique la perversion à  peu près universelle de la Loi. On conçoit comment, au lieu d’être un frein à  l’injustice, elle devient un instrument et le plus invincible instrument d’injustice. On conçoit que, selon la puissance du législateur, elle détruit, à  son profit, et à  divers degrés, chez le reste des hommes, la Personnalité par l’esclavage, la Liberté par l’oppression, la Propriété par la spoliation.
    Il est dans la nature des hommes de réagir contre l’iniquité dont ils sont victimes. Lors donc que la Spoliation est organisée par la Loi, au profit des classes qui la font, toutes les classes spoliées tendent, par des voies pacifiques ou par des voies révolutionnaires, à  entrer pour quelque chose dans la confection des Lois. Ces classes, selon le degré de lumière où elles sont parvenues, peuvent se proposer deux buts bien différents quand elles poursuivent ainsi la conquête de leurs droits politiques : ou elles veulent faire cesser la spoliation légale, ou elles aspirent à  y prendre part.

    Loi, Morale et Justice

    Aucune société ne peut exister si le respect des Lois n’y règne à  quelque degré ; mais le plus sûr, pour que les lois soient respectées, c’est qu’elles soient respectables. Quand la Loi et la Morale sont en contradiction, le citoyen se trouve dans la cruelle alternative ou de perdre la notion de Morale ou de perdre le respect de la Loi, deux malheurs aussi grands l’un que l’autre et entre lesquels il est difficile de choisir.
    Il est tellement de la nature de la Loi de faire régner la Justice, que Loi et Justice, c’est tout un, dans l’esprit des masses. Nous avons tous une forte disposition à  regarder ce qui est légal comme légitime, à  ce point qu’il y en a beaucoup qui font découler faussement toute justice de la Loi. Il suffit donc que la Loi ordonne et consacre la Spoliation pour que la spoliation semble juste et sacrée à  beaucoup de consciences. L’esclavage, la restriction, le monopole trouvent des défenseurs non seulement dans ceux qui en profitent, mais encore dans ceux qui en souffrent. Essayez de proposer quelques doutes sur la moralité de ces institutions. « Vous êtes, dira-t-on, un novateur dangereux, un utopiste, un théoricien, un contempteur des lois ; vous ébranlez la base sur laquelle repose la société. » Faites-vous un cours de morale, ou d’économie politique ?

  • DLL – Les thèses du rationalisme cartésien

    Chapitre Premier : Raison et évolution

    Les thèses du rationalisme cartésien

    Telle devient l’attitude caractéristique du constructivisme cartésien, avec son mépris pour la tradition, la coutume et l’histoire en général. Seule la raison de l’homme devait le rendre capable de bâtir à  neuf la société. Cette façon de voir « rationaliste » avait en fait la signification d’une rechute dans des modes de pensée anthropomorphiques de jadis. Elle amorça une propension renouvelée à  attribuer l’origine de toutes les institutions de la culture à  l’invention et au plan préconçu. La morale, la religion et la loi, le langage et l’écriture, la monnaie et le marché avaient été, pensait-on, élaborés délibérément par quelqu’un, ou, du moins devaient à  un tel dessein chaque perfection qu’ils présentaient. Cette façon intentionnaliste ou pragmatique de représenter l’histoire trouva son expression la plus complète dans la conception de la formation de la société par un contrat social, d’abord dans Hobbes puis dans Rousseau qui, à  bien des égards, était un disciple direct de Descartes.

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  • Edvige : menace ou protection pour la liberté ?

    Avez-vous entendu parler d’Edvige ? Il s’agit d’un nouveau fichier qui permet de recenser les personnes jugées « susceptibles de porter atteinte à  l’ordre public ». Tous les anti-sarkosystes se sont retrouvés d’accord, pour le coup, avec les libéraux, et il n’y a guère que l’UMP pour défendre ce fichier. Et moi !
    (suite…)

  • Citation #89

    L’égalité devant la loi conduit à  la revendication que tous les hommes prennent une part égale à  la détermination de la loi. Tel est le point de rencontre entre le libéralisme traditionnel et le mouvement démocratique. Cependant, ils n’en ont pas moins une autre préoccupation essentielle. Le libéralisme (dans le sens que ce mot avait en Europe au siècle dernier) se soucie surtout de limiter le pouvoir de contrainte que possède n’importe quel gouvernement, qu’il soit démocrate ou non, cependant que le démocrate dogmatique ne connaît qu’une seule limite au gouvernement, l’opinion courante de la majorité. La différence entre ces deux idéaux apparaît en toute clarté si nous désignons le terme auquel chacun s’oppose : la démocratie s’oppose au gouvernement autoritaire ; le libéralisme au totalitarisme. Aucun des deux systèmes n’exclut nécessairement le contraire de l’autre : une démocratie peut détenir des pouvoirs totalitaires et il est concevable qu’un gouvernement autoritaire agisse selon des principes libéraux.

    Friedrich HayekEconomiste et philosophe britannique d’origine autrichienne.