Information, opinion publique et propagande…

Medias et Information

Pour approfondir un peu la conclusion de mon billet sur le CSA, je suis allé chercher quelques définitions pour voir quelle distinction objective on peut mettre entre information factuelle et opinion (je trouvais que la scission entre les deux n’étaient pas très claire dans la plupart des médias français).
Commençons par définir « média » tout d’abord (étymologie : moyen, c’est-à -dire « moyen de transmission ») ; j’ai eu la surprise de voir que média est le raccourci pour « mass média ».

MASS-MEDIA :
Ensemble des moyens de diffusion de masse de l’information, de la publicité et de la culture, c’est-à -dire des techniques et des instruments audiovisuels et graphiques, capables de transmettre rapidement le même message à  destination d’un public très nombreux.

Les médias diffusent l’information ; jusque là , rien de bien surprenant. Qu’est-ce que l’information ?

INFORMATION:

  1. Ensemble des activités qui ont pour objet la collecte, le traitement et la diffusion des nouvelles auprès du public.
  2. Faits, événements nouveaux, en tant qu’ils sont connus, devenus publics.
  3. Ensemble de connaissances réunies sur un sujet déterminé.

L’information, c’est donc ce qui a un caractère nouveau, factuel et public.
C’est également des connaissances réunies sur un sujet donné : un dossier préparé sur un thème donné, un travail de synthèse, c’est aussi de l’information. Il me semble assez évident que le travail de base des journalistes est assez bien décrit par cette définition de l’information, non ?

Opinions individuelles et collectives

Voyons maintenant ce qu’est une opinion, pour préciser un peu la frontière entre l’information et l’opinion. L’opinion est définie selon deux grands axes : les opinions individuelles et les opinions collectives.

OPINION:

  • sous l’angle individuel :
    1. Manière de penser sur un sujet ou un ensemble de sujets, jugement personnel que l’on porte sur une question, qui n’implique pas que ce jugement soit obligatoirement juste
    2. Point de vue, position précise que l’on a dans un domaine particulier: social, religieux, politique, intellectuel.
    3. PHILOS., LOG.État d’esprit qui consiste à  reconnaître le caractère subjectif de la connaissance que l’on a d’une chose, en inclinant à  penser que cette connaissance se rapproche de la vérité tout en admettant qu’on se trompe peut-être.
  • sous l’angle collectif :
    1. Jugement collectif, type de pensée, ensemble d’idées partagées par un groupe humain sur un sujet ou un ensemble de sujets.
    2. Ensemble des attitudes morales, intellectuelles et sociales dominant dans une société, dans la manière dont elles se manifestent, s’appréhendent ou s’évaluent.

Tout de suite on peut remarquer deux choses :

  • les journalistes devraient avoir pour règle déontologique stricte de garder leurs opinions personnelles pour eux, ou au moins prévenir quand ils donnent un avis, une position personnelle ; pour cet aspect je pense que la neutralité est à  peu près respectée (sinon aucun journaliste n’irait interviewer Le Pen, par exemple)
  • il est extrêmement difficile de ne pas décrire la réalité sans faire intervenir une part de l’opinion collective ; ce devrait être cependant être une ligne de conduite exigée par l’honnêteté intellectuelle : pour rester dans l’information factuelle, le journaliste doit savoir prendre de la hauteur par rapport aux attitudes morales, intellectuelles et sociales dominantes ! L’orientation des interviews, le point de vue déformé donné aux faits, le choix même des sujets est souvent l’expression d’opinions collectives…un exemple : j’ai vu l’autre jour un reportage où les journalistes allaient rencontrer des électeurs du FN. Ils étaient pistés, presque traqués, avec en fond comme une sorte de message subliminal « l’électeur du FN se cache, c’est normal il a honte de voter pour Le Pen »…je n’ai jamais vu un reportage où on allait chercher, pour les montrer comme des bêtes curieuses, les électeurs de Besancenot ou Laguiller, qui votent pourtant pour des candidats ayant des idées tout aussi renfermées, dangereuses et passéistes.

Le problème avec les opinions collectives et les médias, c’est qu’il y a un renforcement mutuel : les médias peuvent colporter les opinions collectives, mais les fabriquent également. Comme de plus ils cherchent à  les flatter pour gagner de l’audience, un message factuel et objectif devient difficile à  faire passer…

Et la propagande, dans tout ça ?

A force de ne pas faire attention aux interactions entre les opinions collectives ou personnelles et les focus qu’ils mettent sur l’actualité, les journalistes pourraient-ils tomber dans la propagande ?

PROPAGANDE :
SC. SOC. ET POL., courant.Action psychologique qui met en oeuvre tous les moyens d’information pour propager une doctrine, créer un mouvement d’opinion et susciter une décision.

Il semble bien au vu de la définition, que la réponse est oui : à  force de ne pas faire proprement le tri entre opinions personnelles, opinions collectives et information, les journalistes — parce qu’ils font partie du système d’information — prennent le risque de participer, sciemment ou non, à  une action psychologique propre à  créer un mouvement d’opinion, c’est-à -dire à  faire de la propagande. A nous d’être vigilants face aux messages véhiculés directement ou pas par les médias !
Source des définitions : Dictionnaire LEXILOGOS


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Commentaires

  1. Avatar de David Jourand

    Je ne pense pas que les journalistes doivent obligatoirement garder leurs opinions personnelles pour eux. Qu'ils annoncent la couleur, c'est indispensable. La neutralité est la caractéristique des journalistes des agences de presse (AFP, AP, Reuters, etc) : on a de l'information factuelle généralement entièrement contenue dans le titre de la dépêche…

    Le journaliste doit, à mon avis, exercer son sens critique, ce qui fait inévitablement intervenir ses opinions personnelles. Prenons un exemple :

    Dépêche AFP (fictive) : "Nicolas Sarkozy promet une baisse d'impôt de 50%."
    Si le journaliste ne va pas plus loin pour expliquer comment se fera la baisse d'impôt, l'information est quasi nulle. Qui en profitera directement ? Indirectement ? Quelles sont les conséquences sur l'emploi ? Le pouvoir d'achat ? etc. Dans ce cas, les réponses sont loin d'être triviales ; ce qui explique qu'un journal de droite accueillera favorablement cette information, tandis qu'un journal de gauche sera très critique.

  2. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Salut David,
    et merci pour ton commentaire !
    je suis d'accord avec toi : un journaliste ne doit pas forcément garder ses opinions pour lui ; il doit simplement prévenir l'auditeur ou le lecteur qu'il s'agit d'opinions personnelles.
    Ok avec ton exemple : se contenter de retranscrire les dépêches AFP n'est pas suffisant ; mais on peut enrichir l'information de manière objective, et pas forcément faire intervenir tout de suite un filtre d'opinions. C'est ce point précis justement que je voulais aborder : dans la manière dont le journaliste va analyser les faits, dans ses sources d'informations (est-ce qu'on fait appel à un économiste ? est-ce qu'on travaille sur le dossier avant d'en parler ?), il faut qu'il continue à rester objectif. Ou alors, on annonce la couleur, et on dit : ce qui suit est une tribune, ou une opinion.
    Les opinions interviennent de manière souvent plus insidieuses que cela : voir l'exemple du reportage sur les électeurs du FN que je donnais.
    a

  3. Avatar de David Jourand

    Entièrement d'accord avec toi à une nuance près : l'objectivité n'est pas toujours simple à mettre en oeuvre. Pour reprendre mon exemple, deux personnes, l'une de droite, l'autre de gauche répondront aux différentes questions posées, de manière totalement opposée, même si elles sont, chacune, persuadées d'être objectives !

    Mais, effectivement, cela intervient généralement de manière plus insidieuses.

    :evil: Mais les militant d'extrême se cachent-ils, eux ? :twisted:

  4. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    merci pour ta réponse,
    je crois qu'on est d'accord : les extrêmes ne se cachant pas de leur opinions, et n'hésitant pas à les mêler à des discours soi-disant factuels, il ne faut surtout pas tomber dans l'erreur qui consisterait à leur laisser le privilège des opinions…!
    Et restons modérés dans nos opinions, c'est le meilleur moyen pour appréhender la réalité factuelle dans toute sa complexité. N'ayons pas honte d'être modéré, et montrons que l'on peut à la fois décrire la réalité factuelle ET y accoler notre opinion…
    a

  5. Avatar de brigitte
    brigitte

    je trouve très juste la remarque sur le " renforcement mutuel :les médias peuvent colporter les opinions collectives, mais les fabriquent également."
    Il n'y a pas que les médias : de très nombreux enseignants mélangent aussi les genres et font peu ou pas d'efforts d'objectivite et cela dans toutes les matières et de façon très insidieuse -Les parents n'en n'ont pas toujours conscience mais le mal débute là : Comment les jeunes pourront ils developper l'indispensable esprit critique dans ces conditions ?
    Le poids de cette bien-pensance collective pèse terriblement et interdit tout véritable débat sur un certain nombre de sujets alors que toute société démocratique repose par principe repose sur le débat

  6. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Salut Brigitte,
    et merci beaucoup pour ton commentaire !
    tu as 1000 fois raison ! j'étais focalisé sur les médias dans mon billet, mais ce que tu dis sur les enseignants est très juste…
    Je te rejoins entièrement sur le poids de la bien-pensance, et sur le manque de liberté que nous prenons pour débattre de tout…il a fallu 30ans, voire plus, pour qu'on ose parler d'immigration ! Nous n'avons toujours pas le courage d'expliquer publiquement que l'extrême gauche est aussi inconséquente et dangereuse que l'extrême droite !
    Pour garder la tête froide, je ne peux que recommander à nouveau les auteurs que je citais dans ce billet sur un livre de Michel Godet…Il s'intitule le "Courage du bon sens"…! Quel meilleur titre pour lutter contre la bien-pensance et la langue de bois…!

  7. Avatar de David Jourand

    @Brigitte : comme je le disais, l'objectivité n'est pas toujours évidente à trouver, et plus encore à pratiquer, sauf à rester totalement factuel. Ni les Professeurs, ni moi, ni toi n'échappons à cela. Et heureusement : imaginez un monde où personne n'exposerait ses opinions, ses convictions (ce blog n'existerait pas) !

    Je pense que l'influence des professeurs sur l'esprit des élèves est très largement surévaluée… Ils forgent leur esprit (critique ?) essentiellement auprès de leur famille, de leurs amis, des gens qu'ils côtoient en dehors de l'école.

    @LOmiG : il ne faut pas confondre le "manque de liberté" et le "manque de réceptivité". Chacun peut s'exprimer (sur ce blog par exemple), mais l'impact de cette expression est largement en dehors de tout contrôle conscient. Je suis d'accord qu'il y a une bien-pensence (ou pensée unique) mais je ne crois pas qu'il y ait une sorte de complot.

    Pour information (éclairantes ?) : je ne partage absolument pas tes convictions politiques.

  8. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    salut David,
    et merci pour ton commentaire…!
    L'influence des professeurs est dure à quantifier…effectivement, et celle des familles certainement plus importante…Cependant, les choix de programme scolaires ont des impacts non négligeables : par exemple, jusqu'au Bac, je n'ai eu des cours d'économie qu'en 2nde, 1h par semaine. Un peu léger, pour nous qui vivons dans un monde où on entend parler à longueur de journée de chômage, d'inflation, d'impôts, de places boursières, de capital, d'investissements…etc..etc…nous sommes sous-formés en économie, et c'est ce qui permet aux communistes/anti-libéraux d'avoir une place tellement importante dans notre société, à mon avis.
    Je ne crois pas non plus qu'il y ait une sorte de complot. pour moi la bien-pensance se rapproche plus du tabou que de la pensée unique (chacun voit dans le discours de ceux qui ne pensent pas comme lui une pensée unique…) : il y a des sujets que la socio-culture rejette car non-conforme à sa morale (voir les livres d'Ivan Rioufol là-dessus…).
    a , et merci encore pour ces précisions…
    PS : je sais que c'est l'expression consacrée, mais je n'ai pas de convictions politiques. Comme disait Nietzche "Le pire ennemi de la vérité, ce ne sont pas les mensonges, mais les convictions". J'essaye de rester lucide, et j'espère que c'est plus ma raison que mes passions qui me poussent vers un choix politique (que je n'hésiterai pas à remettre en cause si je m'aperçois que je me suis trompé, ou que les choses changent…)

  9. Avatar de David Jourand

    Le choix des programmes scolaires n'est pas du ressort des professeurs. Ils sont établis par des commissions très lourdes (bureaucratiques, technocratiques ET politiques) : le gouvernement est généralement très influent.

    Je suis bien d'accord, par contre, que le système éducatif est sclérosé et que les professeurs n'y sont pas pour rien… (je connais suffisamment le milieu pour pouvoir l'affirmer). Ton exemple de l'économie illustre aussi cela.

    J'aimerai aussi penser que je n'ai pas de présupposés (terme que je préfère à convictions car je pense que c'est une bonne chose d'avoir des convictions, mais on ne va pas débattre sémantique !) et que mes choix (politiques et autres) sont dictés par ma raison, mais, quoi qu'est pu écrire Nietzsche, je n'en suis pas sûr du tout…

  10. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    re-salut,
    et merci pour ton commentaire…
    nous avons donc au moins en commun la conviction qu'il faut faire marcher son cerveau et sa raison, plus que ses passions…! :wink:

  11. Avatar de Manzaba lucien
    Manzaba lucien

    Salut. Je suis d'avis avec toi que les journalistes doivent transmettre l'information sans parti pris.Ceci est d'autant plus nécessaire, dans la mesure où le journalite qui par sa plume et son papier réflète les réalités sociales à la manière d'un miroir. Bye

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