Année : 2023

  • Propositions de bonne foi

    Propositions de bonne foi

    Depuis longtemps, le sujet du CO2 et du « réchauffement » climatique m’intéresse : pas en soi, mais j’y ai toujours décelé beaucoup d’affirmations non prouvées, d’arguments fallacieux. J’ai beaucoup, lu, écouté, discuté de ce sujet sur les réseaux ou avec des proches. Voici une liste de propositions qui me paraissent difficiles à contredire en étant de bonne foi (merci François pour les derniers échanges!) :

    1. La science n’est pas une affaire de consensus sur une thèse, ou un modèle, c’est une affaire de confrontation des théories avec la réalité : la vérité s’approche peu à peu, de manière discontinue. Il est crucial de laisser les théories et explications en compétition rationnelle pour être la plus en adéquation avec le réel.
    2. Il existe une controverse entre les scientifiques (y compris au sein du GIEC) sur le rôle et la part des humains et des émissions de CO2 sur le climat. Le sujet n’est donc pas du tout réglé. Le fameux consensus scientifique dont le rapport du GIEC serait une preuve irréfutable n’existe donc pas, et quand bien même il existerait, cela ne suffirait pas à en valider le contenu. (voir point précédent)
    3. Bien que Docteur en physique, je ne me crois pas capable, scientifiquement, de trancher dans ces débats, controverses, désaccords. Ce sont des débats d’experts, pour une grande part, et complexes. Il faut être bien présomptueux, ou manipulateur, pour prétendre pouvoir le faire.
    4. Les décisions politiques qui sont prises en faisant comme si le CO2 émis par les humains était en cause de manière claire dans le « réchauffement climatique » sont donc des décisions risquées. Ce sont des paris : ils présentent le défaut de mettre en péril une part de nos modes de vie, et les avantages d’éviter une possible catastrophe. Le tour quasi-religieux que ce sujet a désormais pris – endoctrinement à l’école, dénigrement des alternatives intellectuelles comme étant complotistes, climato-sceptiques, immorales, censure de certaines publications, … – fait que les postures y sont plus courantes que l’évaluation raisonnée des bénéfices et des risques. Il est socialement « risqué » de s’opposer au dogme fabuleux des méchants humains qui avec leur CO2 détruisent la planète…
    5. Il existe quelques explications « simples » au fait que les températures augmentent avant le taux de CO2 dans l’atmosphère : relarguage/dégazage du CO2 des océans, par exemple. Il est toujours délicat d’établir des liens de causalité entre des phénomènes, mais en général celui qui se produit en premier avant un autre a plus de chances d’être la cause du deuxième que l’inverse. Les théories du GIEC sont en contradiction avec les faits et avec la logique, puisqu’elles prétendent que c’est le CO2 qui cause l’augmentation de température…
    6. Il serait temps de retrouver la raison : sur le plan scientifique, cesser de repousser ceux qui ne pensent pas comme nous hors de champ de la respectabilité, et discuter rationnellement, sur la base d’arguments, en confrontant nos théories avec la réalité, et en acceptant que c’est l’adéquation avec les faits qui tranche. Sur le plan politique, procéder en analysant les bénéfices et les risques, en fonction de ce qu’on sait et non de ce qu’il de bon ton d’affirmer. Qui pourrait vouloir autre chose, à part des gens avec de mauvaises intentions ?
  • ChatGPT, ressource pour la conception innovante ?

    ChatGPT, ressource pour la conception innovante ?

    A moins d’avoir vécu sur une autre planète, vous avez forcément entendu parler de ChatGPT. Peut-être n’en avez-vous rien à faire, ce qui est votre droit le plus strict. Mais il faut reconnaître que l’outil est d’une puissance terriblement intéressante, et suscite plein d’usages nouveaux. Dans cet article, je reviens brièvement sur ChatGPT, la théorie C-K, et un usage intéressant de chatGPT comme ressource de conception.

    ChatGPT

    ChatGPT, c’est une interface en langage naturel avec une intelligence artificielle qui sait aller chercher, structurer et regrouper, et formaliser à peu près tout et n’importe quoi : vous lui demandez un truc, et elle vous répond. Les réponses sont en général de très bonne qualité, et en apprenant à poser les bonnes questions, on est vraiment bluffé… Essayez, vous verrez. :)
    Le nombre d’article consacrés à Chatgpt dans les dernières semaines dépasse largement ce que j’aurai le temps de lire dans une année entière. Je vous recommande simplement la lecture de Philippe Silberzahn qui a bien souligné en quoi c’était innovant, « disruptif », et pourquoi les GAFAM n’ont pas pris le sujet à la légère.
    Comme toutes les IA et les plateformes soumises au droit positif et aux lubies parfois étranges des humains, certaines barrières ont été mises en place pour garder chatgpt dans le cadre du politiquement correct ; c’est une erreur à mon sens – cela induit de gros biais -, mais c’est une autre discussion. Pour savoir quels sont les risques à utiliser ChatGPT, un petit organigramme a été créé par Aleksandr Tiulkanov. Vraiment c’est un outil magnifique. Les usages sont presque infinis, comme moyens d’interagir avec les données, comme outil de génération de contenus, comme outil de multiplication des usages possibles du NLP, etc, etc.

    Créativité et Théorie C-K

    J’utilise et j’enseigne quelques éléments de créativité et de conception innovante, notamment en m’appuyant sur la théorie C-K. Je vous renvoie à mon article sur la créativité, mais redonnons deux exemples concrets d’objets mentaux (connaissances et concepts, Knowledges et Concepts), et deux modes de raisonnement, que l’on manipule en partant d’un cas précis, une voiture (si vous remplacez voiture par n’importe quoi d’autre ça fonctionne toujours) :

    • Complétez la phrase suivante, sans réfléchir outre mesure. Un exemple de voiture est :… Si vous êtes normalement constitué, vous avez dû penser à des voitures (des modèles, des marques) : une renault 4L, une Mercedès classe A, une Mehari, etc. Ce sont des connaissances : vous êtes allés puiser dans vos connaissances. Cette liste est finie (vous aurez un moment épuisé vos connaissances, ou vous aurez approfondi en listant toutes les voitures existantes), et il est possible de se tromper (si je prolonge la phrase avec « abri-bus », c’est faux).
    • Complétez à présent la phrase suivante. Une voiture est un exemple de :… si vous avez répondu vite, vous avez probablement dit « moyen de transport », ou « véhicule », ou « objet à 4 roues ». Vous avez produit des concepts. Cette liste est presque infinie (on peut toujours imaginer de nouveaux liens entre l’objet voiture et des concepts), et il n’est pas vraiment possible d’avoir faux (les concepts n’ont pas de statut logique). Une voiture est un exemple d’objet où je peux dormir, qui m’abrite du vent et de la pluie, qui est fait de plastique et de métal, etc. etc.

    L’apport génial d’Armand Hatchuel et Benoit Weil, puis de Pascal Le masson, a été de théoriser de manière générale les raisonnements de conception en montrant qu’ils s’appuient sur la manipulation séparée, mais conjointe, d’objets de ces deux espaces (concepts et connaissances). Des opérateurs propres à chaque espace, et permettant les passages de l’un à l’autre existent. Passionnant ! Je vous renvoie aux travaux du CGS de l’Ecole des Mines, à mon article sur la conception innovante et C-K, et au très bon site Theory C-K pour en savoir plus.

    ChatGPT, créativité et C-K

    En préparant une petite présentation sur créativité et C-K à destination de mes collègues, nous avons eu l’idée avec un collègue (Maël pour ne pas le nommer), de tester ces phrases (sur les voitures) sur ChatGPT. Et puis dans une séance de C-K, je me suis dit que l’on pourrait systématiser cet usage et faire de ChatGPT un adjoint du travail de conception innovante, permettant de compléter les connaissances, et générer de nouveaux concepts et ainsi de rendre plus systématique et créative l’exploration en C-K. Creusons un peu le sujet.

    Connaissances et concepts

    J’avais commencé à par demander à ChatGPT de compléter la phrase : « un exemple de voiture est… ». Voici la réponse apportée.

    Et ensuite, la phrase pour forcer les concepts, réponse en image.

    Je pensais que j’avais un peu coincé l’IA, et qu’elle avait du mal à défixer du concept de véhicule. Mais pas du tout, j’avais simplement mal posé la question. Voilà ce qu’il produit avec une question mieux posée – merci Maël! -, et l’incitant à s’autoriser un peu de créativité (décalage du regard sur l’objet, ou « casser » des caractéristiques considérées comme majeures pour l’identité de l’objet) :

    C’est déjà beaucoup plus riche, et beaucoup plus intéressant ! Il est donc relativement simple de forcer ChatGPT à produire des concepts. A creuser pour optimiser (notamment le forcer à ne pas mélanger les concepts différents en une seule phrase), mais la possibilité est là.

    Exploration C-K

    Nous avons ensuite sur un cas concret d’exercice C-K (C0= »la montre qui prend soin de moi »), joué avec ChatGPT. C’était très intéressant car c’est à la fois un super pourvoyeur de connaissances, mais donc aussi un très bon producteur de concepts. A minima, cela permet de tester la robustesse de l’arborescence de concepts, d’en identifier de nouveaux. Mais cela permet aussi, sur certains concepts projecteurs, de lui faire générer des caractéristiques supplémentaires très rapidement, et donc de provoquer des expansions rapides et relativement rigoureuses de certains endroits de l’arbre. Je vais maintenant tester sa capacité à faire des liens entre deux « idées », ou « concepts », ou « connaissances », car cela peut-être aussi très utile.

    Super opportunité

    J’invite tous les concepteurs à tester les usages rendus possibles par ChatGPT dans leurs activités, car il me semble que c’est un très beau terrain de jeu et d’exploration. Si j’étais capable de programmer, je programmerais un algo utilisant ChatGPT pour construire automatiquement une arborescence de concepts et une cartographie de connaissances à partir d’un C0. En l’autorisant à remonter en concept sur le C0, au besoin, mais à la recherche d’éléments présentant de la valeur. Il faudrait programmer aussi une « fonction d’évaluation de la valeur », une « fonction d’évaluation de la générativité », pour que le programme comprenne à quel endroit il peut être intéressant de creuser. On pourrait ainsi générer presqu’automatiquement des concepts projecteurs, des idées créatives, en partant d’un brief.
    Update : petite discussion où je demande à chatgpt de faire un CK pour moi. Impressionnant:
    do you know CK

    Et vous ? Avez-vous testé chatGPT ? Voyez-vous des usages pertinents dans votre secteur ?

  • Hermès de vives voix

    Hermès de vives voix

    Luc Charbin signe ce beau livre, co-signe pourrait-on dire, car sa femme Alice Charbin l’a illustré, et à la manière des livres pour enfants, il n’y aucune page de texte sans illustration.
    Ce livre raconte, par le biais de très courts récits, une petite partie des histoires de l’entreprise Hermès : des anecdotes, des faits marquants ou sortant de l’ordinaire, quelques épopées rocambolesques, des bouts de parcours de vie tout entier dédiés à l’excellence et au savoir-faire d’un métier, des scènes drôles, des éclairages sur certains moments de l’histoire de la « maison ».
    J’ai trouvé ce livre très agréable à lire – je l’ai dévoré – et très fin : sous les brefs récits et les souvenirs, se dessinent en filigrane des vies marquées par le lien très puissant avec la maison Hermès, et par le goût de l’excellence. Une présentation légère, mais qui donne des accès à des histoires chargées en émotions, en souvenirs, en heures passées à la tâche. C’est une très élégante manière de raconter ces parcours.
    L’introduction, signée par la directrice du patrimoine d’Hermès (Menehould du Chatelle), apporte une information cruciale, et qui donne une profondeur et une perspective supplémentaire à ces jolis textes : ces récits ont été tirés du « trésor des archives orales d’Hermès » ! Hermès a en effet, depuis les années 1960, commencé une collecte des souvenirs de ses employés, constituant un patrimoine « d’archives orales » sans cesse enrichi. Je trouve cette idée si simple et belle, si puissante, si sensée, que je trouve tout à fait regrettable qu’elle ne soit pas plus répandue dans les autres entreprises. C’est en effet une remarquable manière de reconnaître le travail des femmes et des hommes, et de transmettre le fruit de travail. Ce livre en est la preuve.
    Merci au site Lolo le blog, où j’ai piqué l’image de la couverture.

  • La fin de la chrétienté

    La fin de la chrétienté

    Chantal Delsol a publié il y a quelques mois « La fin de la chrétienté ». Comment se constate la fin de la Chrétienté ? Quels en sont les ressorts moraux et philosophiques ? Quelles perspectives ? C’est à ces questions que Chantal Delsol répond dans ce court essai, stimulant, sobre mais érudit, qui force à prendre de la hauteur.

    Inversion normative

    Considérant les 16 siècles de la Chrétienté (du IVè siècle jusqu’à nos jours), l’auteur y soutient la thèse que nous sommes arrivé un moment d’inversion normative pour notre civilisation. Tout comme le christianisme a fait son essor en inversant certaines normes morales (passage du paganisme au christianisme), nous sommes en train de vivre une autre inversion morale. En partie parce que la religion chrétienne n’a plus l’envie de régner (c’est cela la fin de la Chrétienté : la fin de l’ère où les institutions politiques sont organisées autour, et appuyées sur, des valeurs morales chrétiennes et en lien avec les institutions religieuses), et en partie par le jeu de forces externes à la religion.
    Quelle est cette inversion normative que nous sommes en train de vivre et que Chantal Delsol voit comme le marqueur de la fin de la chrétienté ? Elle concerne les normes de conduites : les différentes « lois sociétales » montrent un univers moral où la liberté est devenue folle et considérant que tout ce que la technique peut, nous pouvons le faire au nom de libre détermination de chacun. Une sorte d’auto-nomie désincarnée, sans limites. Mais tout cela n’est que le fruit, et le signe, de « l’inversion ontologique » plus large et profonde que Delsol décrit : nous sortons du monothéisme pour aller vers une forme paganisme, polythéisme, ou cosmothéisme. Moïse avait fait passer son peuple du polythéisme au monothéisme, et nous vivons, depuis plus d’un siècle, une autre inversion qui nous fait sortir du monothéisme. On pourrait se demander s’il s’agit d’une « inversion », ou d’une « évolution » ? Comme le rappelait Larmore :

    Dieu est si grand qu’il n’a pas besoin d’exister. Cela est l’essence du processus de sécularisation qui a si profondément influencé la société moderne. Le reniement des idoles, le respect pour la transcendance de Dieu sont ce qui a conduit à relever Dieu de la fonction d’expliquer l’ordre de la nature et le cours de l’histoire. Expliquer quelque chose par l’action divine ou la Providence revient toujours à mettre Dieu parmi les causes finies que nous avons déjà découvertes ou que nous pouvons imaginer. Dès lors que nous nous résolvons à laisser Dieu être Dieu, nous ne pouvons plus utiliser Dieu à nos fins cognitives.

    Rapport contemporain à la Vérité

    Chantal Delsol décrit comment le régime de vérité n’est plus le même. En quittant la chrétienté, et l’exclusivisme judéo-chrétien du rapport à la vérité, le rapport religieux à la transcendance, nous n’abandonnons pas la vérité, nous sommes simplement dans un autre régime de vérité. La vérité « révélée » n’a plus de sens, mais la vérité a toujours un sens, qui vient en partie du paradigme scientifique : est vrai ce qui est correspond au réel. Elle ajoute à juste titre que nous avons maintenant un rapport syncrétique à la vérité, pluraliste, agnostique et plus humble :

    Autrement dit : ce qui peut nous permettre de renouer le lien entre l’histoire et la vérité, ce n’est ni la dogmatique du vrai (théories du Progrès ou des Droits de l’homme rigidifiés), ni l’oubli du vrai (mythes postmodernes), mais plutôt la clandestinité du vrai, qui fait de sa recherche une quête humble et spirituelle, jamais définitive.

    Honnêteté et sagesse

    Elle se présente comme catholique traditionaliste, mais sait prendre le point de vue d’autres qu’elle. Elle décrit bien, par exemple, en quoi les humains rejettent les « autres » mondes des religions :

    Sous le cosmothéisme, l’homme se sent chez lui dans le monde, qui représente la seule réalité et qui contient à la fois le sacré et le profane. Sous le monothéisme, l’homme se sent étranger dans ce monde immanent et aspire à l’autre monde – c’est bien par exemple ce que Nietzsche reprochait aux chrétiens. Pour le monothéisme, ce monde n’est qu’un séjour. Pour le cosmothéiste, il est une demeure. L’esprit postmoderne est fatigué de vivre dans un séjour ! Il lui faut une demeure bien à lui, entière dans ses significations. Il redevient cosmothéiste parce qu’il veut réintégrer ce monde comme citoyen à part entière, et non plus comme cet « étranger domicilié », ce chrétien décrit par l’anonyme de la Lettre à Diognète. Il veut à présent se trouver à son aise dans le monde immanent dont il fait partie intégrante, sans avoir besoin de rêver ou de tisser ou d’espérer un autre monde, qui le laisse séparé de lui-même. Il veut vivre dans un monde autosuffisant qui contienne son sens en lui-même – autrement dit : un monde enchanté, dont l’enchantement se trouve à l’intérieur et non dans un au-delà angoissant et hypothétique.

    Le terme cosmothéisme n’est pas tout à fait juste, car l’esprit de cette « anthropologie moniste » n’est ni une négation de la transcendance, ni un refuge dans une ridicule divinisation de la nature. C’est, à nouveau, une approche, qui est la mienne, qui sait se contenter du chemin vers la vérité sans vouloir sauter des étapes et prétendre connaître ce qu’on ne connait pas. Le seul « monisme » là-dedans, c’est une affirmation qu’il n’existe qu’une réalité, et que l’on peut en avoir une approche pluraliste sans devenir superstitieux. La complexité du réel est suffisamment incroyable pour nous éviter d’avoir besoin de saupoudrer notre rapport au monde de croyances absurdes.
    Il me semble qu’elle met le doigt sur un élément essentiel aussi en montrant que nos contemporains rejettent également l’esprit de conquête.

    Mais surtout : loin de vouloir conquérir le monde, dorénavant, comme les juifs, nous allons nous préoccuper de vivre et survivre – et ce sera déjà bien assez. Fouillez partout, et vous ne trouverez plus nulle part de rêve de mission et de conquête – et même si parfois ils existent dans le secret de certains coeurs, ils n’osent pas se dire. Au fond, beaucoup de chrétiens sont soulagés de voir s’éteindre la Chrétienté avec tout ce qu’elle supposait de force et d’hypocrisie. Nous sommes tous, chrétiens ou non, les enfants de cette époque : préférant la douceur à la domination, l’imperfection assumée à la fanfaronnade.

    Chantal Delsol est d’une grande sagesse, car elle montre le réel, et ce qui arrive, sans le regarder ni avec crainte ni avec nostalgie, mais en souligant ce que cela rend possible, d’un point de vue spirituel. Elle pose dans ce magistral essai le début de la réflexion sur le christianisme sans la chrétienté.
    Vous pouvez aller l’écouter sur l’excellente chaîne TV libertés : Chantal Delsol interviewée.

  • Citation #155

    La plus constante marque de la sagesse, c’est une constante réjouissance.

    Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592) philosophe français, humaniste et moraliste de la Renaissance

    Que ce soit dans le sens général (« Connaissance du vrai et du bien, fondée sur la raison et sur l’expérience. »), ou pour décrire le comportement associé (raisonnable, prudent, vertueux), il est clair que la sagesse est quelque chose de souhaitable.
    Montaigne ne nous dit pas, dans cette citation, comment l’atteindre, ou ce qu’elle est (il a écrit ses fameux Essais pour le dire) : il nous explique ce qui permet de la détecter chez quelqu’un, ce qui en marque la présence.
    Celui qui est capable de se réjouir, est probablement sage. C’est une pensée toute stoïcienne : la sagesse, selon Montaigne, qui s’appuie sur les penseurs grecs, est la capacité à faire avec le monde tel qu’il est, et à s’en réjouir. De quoi pourrions-nous donc nous réjouir, si ce n’est de ce qui est ? C’est une philosophie, et une éthique, où le réel est central, et qui fait la part belle à philia (l’amour de ce qu’on l’on a), et qui – probablement – sous-estime la part d’eros (l’amour de ce qu’on n’a pas).
    Car bien sûr, nous ne nous contentons pas, individuellement, collectivement, du monde tel qu’il est. Il y a trop d’injustices et de malheur pour cela. Notre éthique moderne est tendue par un devoir d’amélioration des choses. Mais notre effort pour améliorer le monde ne devrait pas nous empêcher de nous réjouir. Il n’existe qu’une réalité, alors autant s’en réjouir. Une deuxième, pour la route ?

    Le sage ne rencontre pas de difficultés. Car il vit dans la conscience des difficultés. Et donc n’en souffre pas.

    Lao Tseu (milieu VIe siècle avant J.C.) sage chinois, considéré a posteriori comme le père fondateur du taoïsme. Son existence n’est pas tout à  fait avérée…

  • Citation #154

    Les Hommes n’étant pas dotés des mêmes capacités, s’ils sont libres, ils ne seront pas égaux, s’ils sont égaux, c’est qu’ils ne sont pas libres.

    Alexandre Soljenitsyne (1918 – 2008) écrivain russe et dissident du régime soviétique