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  • L’appel de la tribu

    L’appel de la tribu

    Mario Vargas Llosa signe, avec L’appel de la tribu, une belle autobiographie philosophique, centrée sur 7 auteurs qui l’ont influencé. C’est passionnant, bien écrit et rythmé, et c’est une magnifique introduction à  la pensée de ces auteurs variés, mais dont le point commun est d’avoir été des penseurs libéraux.

    Elégance

    J’avais lu et apprécié, il y a quelques années, Le poisson dans l’eau, où Mario Vargas Llosa racontait son parcours en politique et sa candidature à  la présidence du Pérou. Très intéressante plongée dans l’univers étrange de la politique. Varga Llosa, péruvien et naturalisé espagnol, est lauréat du prix Nobel de littérature (2010). Dans son style, et sa manière d’aborder les sujets, il y a une sorte d’alliance de franchise, et de mise en retrait de sa propre personne, qui donne une grande élégance à  son style. Ce n’est pas de la fausse pudeur, ou de l’humilité, c’est plutôt une grande clarté et simplicité. Cette élégance se retrouve dans L’appel de la tribu : tout en éclairant en quoi, et à  quel moment de son parcours ces auteurs l’ont influencé, Vargas Llosa livre un travail à  la fois de biographe intellectuel, mais aussi parfois agrémente ce récit d’anecdotes vécues, car il a rencontré un certain nombre de ces auteurs.

    Introductions

    Chaque chapitre est dense, ramassé, et livre l’essentiel de la pensée des auteurs. Une merveilleuse manière de les découvrir, avec un fil conducteur assez simple finalement : le libéralisme n’est pas un dogme, mais un courant de pensée, avec des facettes multiples, des contradictions, une richesse, très bien éclairées par ces auteurs si variés. C’est un livre d’introductions. J’ai retrouvé avec plaisir des auteurs connus, et eu la joie d’en découvrir d’autres. Dans l’ordre du livre, on peut donc découvrir les pensées et les vies de :

    • Adam Smith (1723-1790) : philosophe et économiste écossais des Lumières. Je n’ai lu que des extraits de Smith, et il faut vraiment que j’aille le lire. Il me semble être un auteur majeur.
    • José Ortega Y Gasset (1883-1955) : philosophe, sociologue, essayiste, homme de presse et homme politique espagnol. Ce qu’en dis Vargas Llosa ne me donne pas plus envie que cela de le découvrir. Si je caricature, plume brillante, et idées peu rigoureuses.
    • Friedrich August Von Hayek (1899-1992) : économiste et philosophe britannique originaire d’Autriche. Je connais déjà  bien l’oeuvre d’Hayek, et j’ai découvert avec plaisir la présentation qu’en fait l’auteur. Vous pouvez retrouver quelques articles consacrés (ou en lien) à  la pensée d’Hayek sur ce lien : Hayek sur BLOmiG
    • Karl Raimund Popper (1902-1994) : enseignant et philosophe des sciences autrichien, naturalisé britannique. Encore un auteur qui m’a nourri. L’éclairage qu’en fait Vargas Llosa est passionnant, sur le personnage comme sur sa pensée, et son style (pas toujours très clair, contrairement aux concepts qu’il a contribué à  forger). Vous pouvez retrouver quelques articles consacrés (ou en lien) à  la pensée de Popper sur ce lien : Popper sur BLOmiG
    • Raymond Aron (1905-1983) : philosophe, sociologue, politologue, historien et journaliste français. Je n’ai lu que les Essais sur les libertés d’Aron et je pense qu’il faut que j’aille découvrir vraiment plus en profondeur cet auteur (abondamment cité par Freund dans Sociologie du conflit). Vargas Llosa le présente, à  juste titre à  mon sens, comme un des intellectuels français, avec Revel (voir ci-dessous), qui a contribué à  éviter l’effondrement complet de la pensée en France.
    • Isaiah Berlin (1909-1997) : philosophe politique et historien des idées sociales letton, naturalisé anglais. Je ne connaissais absolument pas cet auteur, et la présentation qu’en fait Vargas Llosa m’a conduit à  immédiatement commander À contre-courant. Essais sur l’histoire des idées. C’est mon prochain livre. La vie de Berlin est assez incroyable, et sa personnalité également. update : j’ai lu et recensé A contre-courant, splendide essai.
    • Jean-François Revel (1924-2006) : philosophe, écrivain et journaliste français. J’avais adoré La grande parade et Histoire de la philosophie occidentale. Il me semble plus que justifié de trouver Revel dans un panégyrique d’auteurs libéraux.

    A déguster sans modération

    Que vous soyez libéral, ou non, il me semble que ce livre permet de découvrir pas mal d’auteurs passionnant, tout en passant en revue leur 7 manières d’être libéral, avec le regard précis et lucide d’un auteur original. Ici ou là , je découvre que Vargas Llosa tombe légèrement dans le politiquement correct (en qualifiant Joseh de Maistre de précurseur du facisme, ou en expliquant que la GB était un pays accueillant, jusqu’au Brexit). Rien de bien gênant, ce ne sont pas des points centraux de son exposé. Pour conclure, je reprends l’extrait du livre partagé par IREF :

    Le libéralisme est une doctrine qui n’a pas réponse à  tout, à  l’inverse du marxisme qui prétend le contraire ; il admet en son sein la divergence et la critique à  partir d’un corpus restreint mains indéniable de convictions. Par exemple, que la liberté est la valeur suprême et qu’elle n’est pas divisible ni fragmentaire, qu’elle est unique et doit se manifester dans tous les domaines — l’économique, le politique, le social, le culturel — dans une société authentiquement démocratique.(…) Le libéralisme n’est pas dogmatique, il sait que la réalité est complexe et que les idées et les programmes doivent souvent s’y adapter pour réussir, au lieu d’essayer de l’assujettir à  des schémas rigides, ce qui d’ordinaire les fait échouer et déchaîne la violence politique.
  • Thérapie de choc

    Thérapie de choc

    Robert Ménard, homme courageux

    J’avais commandé le dernier livre de Robert Ménard, Thérapie de choc (éditions La Nouvelle Librairie), en l’écoutant échanger l’autre jour. J’apprécie Robert Ménard : c’est un homme sincère, courageux, épris de vérité. Il me parait d’une grande droiture morale, et faire partie des hommes à  la fois de terrain (il est maire de Béziers), et d’idées, qui pourraient changer la donne. Il est un des seuls à  prôner l’union des droites, seule voie qui me parait intelligente pour éviter le duel Macron-Le Pen tant annoncé par les médias. Thérapie de choc est un petit livre, qui se lit d’une traite. Presqu’un programme, c’est en tout cas une liste très claire et directe des mesures chocs à  prendre dès à  présent si l’on veut éviter le naufrage du pays.

    Retrouver le courage

    C’est aussi une charge très juste contre le politiquement correct qui empêche de parler des vrais questions, sous peine d’être immédiatement relégué à  l’estrême-drouate. Il en sait quelque chose pour avoir, depuis longtemps, pris des positions à  contre-courant de ce politiquement correct. Il appelle de ses voeux, avec passion, la venue d’un « aventurier de droite » qui sera capable d’avoir le courage de remettre la vérité, le bon sens, et la morale au centre des débats :

    Nous avons, nous orphelins de la France, besoin d’un homme ou d’une femme de courage, largement à  l’écart des partis. Nous avons besoin d’un aventurier ou d’une aventurière de droite, une droite corsaire, dont le navire cingle vers un avenir meilleur. (…) Cet aventurier de droite a le devoir sacré d’être mal élevé. Je suis persuadé que tout commencera quand nous aurons retrouvé le courage de dire ce que l’on voit. Cela nécessite un cuir épais. Tout s’est transformé en quarante ans. Le monde qui nous entoure est un monde d’inquisiteurs, de petits procureurs. La rue, le bureau, l’association, le club, la famille, partout on trouve des commissaires politiques. (…) Le langage commun est devenu une répétition. Nous sommes dans une classe de choristes qui chantent la même chanson à  gorge déployée. Les fausses notes sont repérées. Un mot de travers coûte cher. Dans ce système dingue, dont le langage politiquement correct est le symbole et l’écriture inclusive le gag final, la langue, notre langue, est sous contrôle.

    Je vous recommande la lecture vivifiante de ce livre choc, plein de fougue. Un cri du coeur, pour la France. Je me demande pourquoi Ménard semble n’envisager à  aucun moment de pouvoir être cet aventurier. Il en aurait, à  mes yeux, l’étoffe et la légitimité. A suivre ?

  • Citation #129

    A la base de toutes les croyances totalitaires se trouve la croyance que les gouvernants sont plus sages et d’un esprit plus élevé que leurs sujets, qu’ils savent donc mieux qu’eux ce qui leur est profitable.

    Ludwig Von Mises (1881 – 1973) économiste autrichien puis américain.

  • Stratégie de victoire ?

    Stratégie de victoire ?

    Pour que la droite puisse gagner l’élection de 2022, la recette est simple : il faut s’allier. Les Républicains et le Rassemblement National doivent travailler de concert pour rendre cette alliance possible. Cet effort, réel, sera le signe d’une volonté de prendre le pouvoir.

    Homme providentiel ou réunions de convergence ?

    J’apprécie beaucoup les émissions d’interview de l’Institut des Libertés. Charles Gave y reçoit des personnalités intéressantes, et je vous recommande d’aller les découvrir. Il recevait récemment Robert Ménard, maire de Béziers et François Bousquet, rédacteur en chef de la revue Elements.

    Je partage beaucoup de ce qui est raconté là -dedans. Mais j’ai eu le sentiment que les deux invités « attendaient », un peu impuissants, le chef de fil providentiel qui saurait rassembler à  droite, et plus largement d’ailleurs, et gagner l’élection. Il me semble que le problème est pris un peu à  l’envers : la seule stratégie possible, à  droite, est simple.

    Il faut rassembler, ce qui veut dire travailler ensemble. Le Rassemblement National et les Républicains (mais aussi Debout la France, Via, Objectif France) devraient avoir des réunions de travail, visant à  poser sur la table les différents sujets, et construire un programme commun. Tant que ces réunions ne seront pas organisées, et partagées avec le public, les électeurs, l’élection de 2022 sera perdue d’avance.

    Gagner l’élection n’est qu’un moyen

    L’absence de ces réunions, de ces échanges, sera le signe que ces acteurs ne sont pas capables de faire les compromis nécessaires à  la victoire. Si on place le sort du pays comme enjeu majeur, alors la victoire est une étape nécessaire. Gagner l’élection n’est pas le but, c’est un moyen. Ne pas se donner les moyens (échanger, se foutre sur la gueule, faire des accords, des compromis), c’est afficher aux yeux de tous (électeurs compris) que le sort du pays, n’est pas l’enjeu pour ces partis. C’est justement ce qui a conduit les électeurs à  ne plus se déplacer : des politiciens dont l’enjeu est d’être élu, et non d’appliquer un programme, dans l’intérêt de la Nation. Ce qui est glamour en politique, c’est la vérité et le sens du sacrifice, pas les egos surdimensionnés.

    A ceux qui s’offusqueraient d’un tel rapprochement, je rappellerais d’abord qu’il ne faut pas avoir peur des mots et des pièges tendus par une partie des journalistes et des élites « bien pensantes », et je poserais ensuite les questions suivantes : en quoi, sur les idées, François-Xavier Bellamy diffère de Marion Maréchal ? En quoi Jean-Frédéric Poisson ne pourrait pas s’entendre avec Mariani, ou Dupont-Aignan ? Retailleau avec Garraud, ou Aliot ? Si leurs différences de points de vue – inévitables – ne peuvent se lisser, s’oublier momentanément, s’articuler, évoluer, pour un objectif commun, alors c’est que ces gens-là  ne veulent pas du pouvoir. Robert Ménard, dans la vidéo qui ouvre cet article le dit très bien. Cela demande du courage (que pour la plupart ils ont déjà  montré).

    Au passage, ces réunions de « convergences », ou d’alliance, seraient le meilleur moyen de voir émerger des personnalités nouvelles (ou pas), capables de porter ce programme commun devant le peuple (avec ou sans les chefs de partis d’ailleurs). Je repose donc cette question, ouverte et bienveillante : quand a lieu la prochaine réunion de travail pour un rassemblement gagnant à  droite ?

    C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche.

    Pierre Soulages (1919) artiste peintre et graveur français

  • Citation #128

    Après avoir pris ainsi tour à  tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à  sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à  travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à  ce qu’on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à  n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.

    Alexis de Tocqueville (1805 – 1859) philosophe politique, précurseur de la sociologie et homme politique français.

  • Boussole de vérité

    Boussole de vérité

    Pour discuter intelligemment, il est très utile de parler de la même chose, et avec des « règles » communes. Voici quelques règles – 10 – permettant de se prémunir contre de fausses discussions. C’est un peu ma boussole à  réflexion et discussion, ma boussole de vérité. C’est une ébauche : n’hésitez pas à  commenter, critiquer, compléter afin que cet outil devienne plus utile.

    J’ai conçu cette liste comme une série de questions à  se poser devant une affirmation « A », permettant d’évaluer son intérêt, son degré de vérité…c’est bien ambitieux, je sais. Mais c’est utile pour continuer à  discuter entre « éveillés ».

    Pour les éveillés, il n’est qu’un seul monde, qui leur est commun; les endormis ont chacun leur monde propre, où ils ne cessent de se retourner.

    Héraclite (-544 – -480)Philosophe grec

    Réalisme

    Parlons-nous bien de la réalité ? C’est un peu bête à  dire, mais c’est très utile de le préciser. Le langage étant notre principal outil de perception du monde, il est facile d’oublier, dans notre réflexion, qu’un enchainement logique d’idées ne suffit pas à  garantir sa vérité. Comme le rappelle magistralement Monsieur Phi, la vérité est l’adéquation – la correspondance – entre une proposition et la réalité.

    • Question 1 : l’affirmation « A » est-elle bien un énoncé / une proposition portant sur le réel (les 3 mondes de Popper) ? Il doit être clair qu’il n’y a pas de confusion entre le réel et le langage.

    Point de vue et intention

    Si l’on considère – et ça vaut mieux pour continuer à  discuter – que nous ne voyons pas tous le réel avec le même point de vue, il est utile de le préciser pour que la discussion avance. Considérez un caillou avec un face lisse, et l’autre rugueuse : deux interlocuteurs placés chacun d’un côté pourraient se disputer pendant très longtemps sur l’état de surface de ce caillou, s’ils ne prennent pas la peine, à  un moment, de considérer qu’ils n’ont pas le même point de vue. Par ailleurs, choisir un point de vue est toujours un acte. Il est utile de savoir s’il est associé à  une intention.

    • Question 2 : à  quelle question répond cette affirmation « A » ?
    • Question 3 : Peut-on imaginer une ou plusieurs autres questions permettant d’éclairer le sujet différemment ? Peut-on changer/compléter le regard que l’on porte sur ce morceau de réel ?
    • Question 4 : Qui a la charge de la preuve ?Suite à  une remarque d’Un regard inquiet, je supprime ce point car il est contenu dans la question suivante
    • Question 5 : Quelle est l’intention de l’interlocuteur quand il affirme « A » ? établir la vérité, certes, mais encore ?

    Valeur du sujet

    On peut très bien parler du réel, en comprenant bien les différents points de vue, mais se perdre dans des sujets sans intérêt…La valeur étant subjective, une affirmation attribuant une valeur à  un objet est nécessairement personnelle et non discutable. Et on n’est pas obligé d’être intéressé par les mêmes sujets. La valeur d’un sujet est en général relié à  l’impact sur nos comportements et réflexions que l’on imagine qu’il va avoir.

    • Question 6 : « A » est-elle un jugement de valeur ?
    • Question 7 : Le sujet abordé par « A » m’intéresse-t-il ?
    • Question 8 : Est-ce que « A est vrai » va changer quelque chose pour moi, dans ma vision du monde ou mes actions ?

    Clarté

    Rien de plus facile que naviguer dans le flou le plus total lorsque l’on discute ou réfléchit. Le seul moyen pour éviter cela, c’est de clarifier les choses, les idées, le contexte d’utilisation, et les hypothèses sous-jacentes. On retrouve ici aussi les idées de réfutabilité (Popper) et de clarté (Larmore) qui visent à  expliciter les conditions dans lesquelles on abandonnerait cette idée « A » (=reconnaitrait comme fausse).

    • Question 9 : Les termes de « A » sont-il bien définis ? et le contexte précisé ?
    • Question 10 : les conditions dans lesquelles on abandonnerait « A » sont elles précisées (expérience, hypothèses implicites ou explicites) ?

    Boussole de vérité ?

    Avec ces 10 questions, il me semble que toute proposition devrait pouvoir être discutée, évaluée, critiquée, etc. par des personnes rationnelles de bonne foi. Rien de mieux pour vérifier si un outil est bon que de le tester ! Je l’ai testé avec quelques-unes de mes idées et je trouve l’exercice intéressant car il force 1) formuler ses idées comme des propositions et non des croyances, et 2) à  préciser des aspects que l’on ne prend pas toujours la peine d’expliciter. Et vous, qu’en pensez-vous ?