
Le problème de notre temps, c’est que les gens ne veulent pas être utiles, mais importants.
Winston Churchill (1874-1975)
homme d’Etat britannique.
Le problème de notre temps, c’est que les gens ne veulent pas être utiles, mais importants.
Winston Churchill (1874-1975)
homme d’Etat britannique.
« Sociologie du conflit » de Julien Freund est un excellent essai sur les conflits, leur nature, et ce qu’une analyse approfondie (historique, philosophique, sociologique) permet d’en dire. Julien Freund est un grand intellectuel, injustement ostracisé par les intellos de mai 68 (pour ses références trop « à droite »).
J’ai décidé de le lire à la suite de la lecture et des échanges avec Philippe Silberzahn, qui m’avaient conduit à me questionner sur le sujet. Le propos était tout à fait pertinent : la logique du « choisis ton camp! » nous empêche de transformer le monde. C’est vrai. Et je faisais simplement la remarque que la logique « binaire », par moment, n’était pas évitable : lorsque nous sommes en situation de conflit, il faut effectivement choisir son camp (c’est notamment le cas lorsque l’on est désigné comme ennemi).
Julien Freund est un penseur d’une grande clarté, et d’une très agréable précision. Je vous invite à lire ce livre remarquable, et indispensable. J’ajouterai dans ma collection un certain nombre de citation de Julien Freund, car beaucoup de passage sont très forts, et très bien formulés. Je partage ici quelques idées fortes que j’en retiens. Freund part d’un constat simple et incontestable : le conflit a toujours fait partie de l’histoire humaine, de tout temps. Au lieu de porter un jugement moral sur le conflit, il convient plutôt de le regarder pour ce qu’il est, d’en décrire les caractéristiques : comprendre comment les conflits émergent et se forment, comment ils se développent ou se désamorcent, et comment ils se déroulent et s’arrêtent. C’est très exactement le programme du livre de Freund. Il s’appuie beaucoup sur Clausewitz, Schmitt, Simmel, et aussi sur Weber et Aron. Il y apporte visiblement sa contribution éclairée.
Les conflits se caractérisent par la bipolarisation : la tension entre deux pôles opposés, qui structurent l’ensemble des rapports d’acteurs autour d’un conflit, et qui rendent impossible l’existence d’un autre point de vue. On rejoint le « Choisis ton camp, camarade! ».
J’ai presque terminé la lecture. J’en suis au chapitre sur la paix qui est dans le même esprit : on ne peut faire la paix qu’avec des ennemis, ce qui indique bien que « conflit » et « paix » sont les deux faces d’une même médaille, d’un même ensemble de phénomènes proprement humains. Si vis pacem, para bellum contient donc une réelle sagesse stratégique, bien sûr, mais également philosophique, que nous aurions tort d’oublier.
La lecture de cet essai force à se poser des questions, et à changer la manière de se poser un certain nombre de questions. Si penser un monde humain sans conflit relève largement du fantasme ou de l’utopie, voire peut conduire à oublier que les conflits permettent de résoudre des problèmes, il faut bien l’intégrer dans notre manière de penser le monde. C’est difficile pour moi, qui suis de nature pacifique, et avec une tendance à éviter les conflits.
Comme pour le poison (« C’est la dose qui fait le poison ») où il s’agit de remplacer l’idée de qualité par celle de quantité, il faut opérer un changement de perspective. Le conflit fait partie du monde et des humains. Notre rêve d’un monde sans conflit nous fait louper une partie du réel, et probablement conduit à ne pas voir un certain nombre de conflits, car nous en nions simplement l’existence. C’est un renversement de perspective difficile pour moi, et je crois pour notre époque. Il faut repenser le conflit. C’est ce que Sociologie du conflit, de Julien Freund, permet de faire. Qu’en pensez-vous ? Cela m’a donné envie, en tout cas, de lire son ouvrage majeur « Qu’est-ce que la politique ? », dont est tiré cette phrase :
Les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action.
Hannah Arendt (1906 – 1975) politologue, philosophe et journaliste allemande naturalisée américaine
Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres.
Etienne de La Boétie (1530 – 1563) écrivain humaniste et un poète français
J’ai beau tourner le sujet dans tous les sens, le regarder sous différents angles : le gouvernement, et une partie de la population est en plein délire obsessionnel, encouragé en cela par la plupart des médias. Les décisions et les règles absurdes s’enchainent, au mépris des faits. Devrons-nous désobéir ? J’aimerais me tromper : j’aimerais comprendre qu’ils ont raison, que les mesures sont sensées, qu’on les évalue avec les bons indicateurs. Je voudrais croire que j’ai tort, et qu’ils ont raison. Cela me faciliterait la vie, et je m’en remettrai à leur intelligence et à leur bon sens. Mais ce n’est pas le cas.
Avec le recul, nous savons maintenant que :
Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que les gouvernants soient malveillants. Je pense qu’ils sont incompétents, et qu’ils manquent de courage. Je pense qu’ils gouvernent presqu’uniquement en surfant et en jouant avec les émotions médiatiques, tant ils ont baissé les bras et renoncé à se coltiner le réel. Autant de communication, et d’énergie, sur un sujet comme la COVID le montre assez : comme s’ils avaient été élu pour gérer une sorte l’hôpital géant à ciel ouvert. Au passage, pas un n’en a profité pour souligner l’extrême désorganisation de l’hôpital et du système de soin français. Système où l’on laisse des cliniques privées vides tandis que les services de réa hurlent à l’urgence, et où l’on écarte les traitements et les médecins libéraux pour tout envoyer à l’hôpital, soi-disant déjà surchargé.
Il y a tant de postures, et si peu de recherche de vérité. L’opposition brille par son absence. A part quelques rares élus et responsables, la grande majorité d’entre eux se contente de critiquer la mauvaise gestion technocratique (pas assez de masques, pas assez de vaccins, pas assez vite), sans jamais remettre en question la narration du gouvernement. Car le sens est toujours histoire de narration. Celle de Macron est une catastrophe : « nous sommes en guerre ». Contre un virus, qui s’avère maintenant être peu dangereux. Ce serait drôle, si ce n’était pas aussi triste. L’armistice aurait dû être sonné depuis longtemps. Cette narration guerrière, outrancière, porte en elle tous les germes du jusqu’au-boutisme technocratique que l’on peut constater depuis. Et elle induit de fausses alternatives : le choix n’est pas entre « avoir vacciné tout le monde » ou « reconfiner ». C’est pourtant cette narration qui est reprise en boucle, par les médias, et par les gens. Reconfiner ne sert à rien, et vacciner n’a de sens que pour ceux qui sont très à risques.
Je disais que le sens est toujours affaire de narration : le problème de nos politiciens actuels, encouragé en cela par le prisme d’immédiateté médiatique, c’est qu’ils ont l’outrecuidance et la bêtise de croire que l’histoire commence avec eux. La narration, pour le peuple français, commence à différents moments de l’histoire lointaine, enracinés eux-mêmes jusque dans la plus ancienne antiquité. Quelle absurde et incroyable hybris, en 2020, de croire que l’histoire peut-être faite par quelques technocrates, s’occupant du nombre de lits d’hôpitaux disponibles, plutôt que du sort de la Nation. N’ont-ils donc dans leur entourage que d’affreux lèche-bottes qui les confortent en permanence dans l’espoir de grappiller un petit morceau du sacro-saint pouvoir ?
Et le plus absurde dans tout cela, c’est que nous avons tellement l’habitude de suivre les règles imposés – de force – par l’Etat, que nous suivons tout cela sans broncher. La désobéissance devrait s’imposer à nous, devant tant d’absurdités et de délires. Mais nous obéissons, nous courbons l’échine, avec un mélange de crainte et de rage. Nous sommes nous-mêmes, en ne désobéissant pas à des injonctions si débiles, promoteur de cet absurde qui contraint et tue le pays à petit feu. C’est peut-être là encore ce qu’il y a de plus absurde. La prise de position de Didier Maïsto me parait courageuse et salutaire. Qu’en pensez-vous ? Devrions-nous afficher des formes plus ou moins nettes de désobéissance pour contrer ce délire ?
C’est bien le peuple qui délaisse la liberté, et non pas le tyran qui la lui prend.
Etienne de La Boétie(1530 – 1563) écrivain humaniste et poète français