Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde.
Albert Camus (1913-1960)
Ecrivain, philosophe, dramaturge et journaliste français
Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde.
Albert Camus (1913-1960)
Ecrivain, philosophe, dramaturge et journaliste français

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’innovation, la créativité, et leur place dans les entreprises. Il manquait un index à cette série d’articles consacrées à l’innovation, et je publie donc ce post pour regrouper les différents articles « Innovation pour les nuls ». En voici la liste :
Bien entendu, je ne me présente pas comme un expert : n’hésitez pas à challenger, questionner, discuter, tous ces contenus ! Je les publies ici pour garder une trace, même peu construite, des réflexions qui sont les miennes, ou des connaissances qui me paraissent utiles. Vous pouvez également commenter pour demander un article sur tel ou tel sujet (en lien avec innovation et créativité bien sûr) : si je le maîtrise suffisamment je le produirai avec plaisir. C’est ça aussi, l’innovation pour les nuls ! Bonne lecture !

Je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous un très beau texte de George Orwell, datant de 1946, et consacré aux liens entre langage et pensée. On connait la réflexion d’Orwell dans 1984 sur le langage, avec la « novlangue« . Pour penser juste, il faut utiliser correctement le langage. Mode d’emploi.
Si vous lisez ce blog, vous savez qu’il correspond à un effort que j’essaye de faire pour penser correctement.
Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.
Blaise Pascal (1623 – 1662)mathématicien, physicien, inventeur, philosophe, moraliste et théologien français
Penser correctement, cela veut dire, bien sûr, être conscient des biais cognitifs susceptibles d’altérer la qualité de notre réflexion. Mais également, sur un plan différent, il faut toujours être conscient que penser ne peut se faire qu’en utilisant le langage, qui est la forme de la pensée (une pensée sans langage est informe).
Ce matin dans ma boite mail, j’avais la newsletter du site Polémia, et en me baladant sur ce site je suis tombé sur un texte d’Orwell (article de Polémia, citant lui-même une traduction disponible en ligne sur Espace contre Ciment), qui est un très joli petit essai de 1946, La politique et la langue anglaise. Je ne résiste pas à vous partager, donc, ce texte, essentiel à mes yeux.
Tout d’abord quelques règles d’écritures que je garde ici :
Mais il arrive souvent que l’on éprouve des doutes sur l’effet d’un terme ou d’une expression, et il faut pouvoir s’appuyer sur des règles quand l’instinct fait défaut. Je pense que les règles suivantes peuvent couvrir la plupart des cas :
1. N’utilisez jamais une métaphore, une comparaison ou toute autre figure de rhétorique que vous avez déjà lue à maintes reprises.
2. N’utilisez jamais un mot long si un autre, plus court, peut faire l’affaire.
3. S’il est possible de supprimer un mot, n’hésitez jamais à le faire.
4. N’utilisez jamais le mode passif si vous pouvez utiliser le mode actif.
5. N’utilisez jamais une expression étrangère, un terme scientifique ou spécialisé si vous pouvez leur trouver un équivalent dans la langue de tous les jours.
6. Enfreignez les règles ci-dessus plutôt que de commettre d’évidents barbarismes.
Et puis le début du texte, pour vous donner envie de le lire…
La plupart des gens qui s’intéressent un peu à la question sont disposés à reconnaître que la langue anglaise est dans une mauvaise passe, mais on s’accorde généralement à penser qu’il est impossible d’y changer quoi que ce soit par une action délibérée. Notre civilisation étant globalement décadente, notre langue doit inévitablement, selon ce raisonnement, s’effondrer avec le reste. Il s’ensuit que lutter contre les abus de langage n’est qu’un archaïsme sentimental, comme de préférer les bougies à la lumière électrique ou l’élégance des fiacres aux avions. A la base de cette conception, il y a la croyance à demi consciente selon laquelle le langage est le résultat d’un développement naturel et non un instrument que nous façonnons à notre usage. Il est certain qu’en dernière analyse une langue doit son (La langue) devient laide et imprécise parce que notre pensée est stupide, mais ce relâchement constitue à son tour une puissante incitation à penser stupidement.déclin à des causes politiques et économiques : il n’est pas seulement dû à l’influence néfaste de tel ou tel écrivain. Mais un effet peut devenir une cause, qui viendra renforcer la cause première et produira un effet semblable sous une forme amplifiée, et ainsi de suite. Un homme peut se mettre à boire parce qu’il a le sentiment d’être un raté, puis s’enfoncer d’autant plus irrémédiablement dans l’échec qu’il s’est mis à boire. C’est un peu ce qui arrive à la langue anglaise. Elle devient laide et imprécise parce que notre pensée est stupide, mais ce relâchement constitue à son tour une puissante incitation à penser stupidement. Pourtant ce processus n’est pas irréversible. L’anglais moderne, et notamment l’anglais écrit, est truffé de tournures vicieuses qui se répandent par mimétisme et qui peuvent être évitées si l’on veut bien s’en donner la peine. Si l’on se débarrasse de ces mauvaises habitudes, on peut penser plus clairement, et penser clairement est un premier pas, indispensable, vers la régénération politique ; si bien que le combat contre le mauvais anglais n’est pas futile et ne concerne pas exclusivement les écrivains professionnels.
Lire la suite : La politique et la langue anglaise.

Je poste ici de modestes recensions des ouvrages que je lis, parfois quelques réflexions qui me paraissent importantes – pour moi – à structurer. C’est un blog personnel, éminemment confidentiel. Mais il arrive que certains articles soient lus, parfois par l’auteur du livre en question, parfois simplement par les lecteurs plus ou moins réguliers du blog. Cela remet l’accent sur le caractère public de l’écriture sur un blog. A partir du moment où l’on écrit en ligne, on est responsable de ce qu’on écrit. Je ne parle pas ici de l’aspect responsabilité juridique, mais de la responsabilité morale.
Lorsque j’écris un billet, je me demande souvent ce que les lecteurs éventuels pourraient penser, ou ressentir, à la lecture. Cela force à peser chaque mot, bien sûr : il faudra assumer, éventuellement, d’avoir écrit telle ou telle phrase, et l’écrit n’est pas l’oral. Argumenter, expliquer. C’est la fonction de la zone de commentaires.
Mais cela force à peser ses mots dans un autre sens : il y a une responsabilité dans l’écriture, comme dans la prise de parole, à ne pas blesser autrui. Non pas une manière de ne plus dire les choses, ou de ménager les susceptibilités, mais plutôt, comme avec les enfants, apprendre à choisir la bonne formulation : « je n’aime pas », plutôt que « ce n’est pas bon ». Dire la vérité, crue, sans qu’une personne innocente ou fragile puisse se sentir attaquée ou montrée du doigt. D’ailleurs, non : dire la vérité sans attaquer ou montrer du doigt des personnes. Si certains se sentent attaqués, c’est une autre histoire. Le but est simple : ne pas blesser volontairement, faire attention à viser la vérité plus que l’effet sur autrui. En miroir, cela implique de dire la vérité sans flagornerie ou volonté de plaire non plus.
Il y a toute une petite mécanique mentale, une hygiène de la parole, une politesse, à laquelle la vérité et la présence potentielle d’autrui nous obligent.

Quand je suis arrivé à Paris, pour faire mes études, je ne m’informais pas beaucoup. J’avais 20 ans, et le monde politique était loin de mes préoccupations. Mais j’achetais tous les vendredis, sans faute, Le Figaro pour lire le petit texte d’Ivan Rioufol.
Il me parlait, et analysait, contrairement à beaucoup d’autres journalistes, du réel. Son petit bloc-notes hebdomadaire était ma gazette pour savoir ce qui se passait. J’ai par la suite, avec l’arrivée d’internet et des blogs, mis les mains dans le cambouis en écrivant sur un blog politique et en animant un réseau de blogueurs politiques (LHC, pour Liberté d’expression, Humanisme, et esprit Critique). Nous avions eu le grand plaisir de l’accueillir, un soir, lors de notre réunion mensuelle de blogueurs. Il était venu nous présenter, dans les locaux que Contribuables Associés mettaient gentiment à notre disposition, son dernier ouvrage.
Depuis cette époque je continue de suivre ce que fait et écrit Rioufol. « Aujourd’hui, l’urgence est de sortir du mensonge, de la désinformation, de la haine autodestructrice, qui sont devenus les trous noirs de la civilisation occidentale »C’est un intellectuel courageux, et qui a été très souvent en première ligne, malgré les vents contraires. Très tôt lucide sur la menace que faisait peser l’immigration massive et le multiculturalisme érigé en modèle de société, sans jamais se départir de sa tolérance, il est également proche dans sa ligne libérale-conservatrice de ce que je peux penser du monde : Ivan Rioufol fait partie des quelques intellectuels qui savent, quand ils parlent de libéralisme, de quoi ils parlent. Son amitié avec Alain Laurent n’y est peut être pas pour rien. Ivan Rioufol, sur les sujets de société, me semble très proche dans son analyse, des réflexions proposées par Bock-Côté sur le « régime diversitaire » qui est devenu notre politiquement correct.
Dans son dernier ouvrage, Les traîtres (aux éditions Pierre Guillaume De Roux), Rioufol nous parle du mouvement des Gilets jaunes, qu’il a vu naître d’un bon oeil, et qu’il a suivi, soutenu, et dont il continue à se faire volontiers le porte-parole. Le titre, qui désigne les responsables politiques français, ou les élites (prises dans le même sens que dans l’ouvrage remarquable de Pierre Mari, En pays défait) est très dur. Mais il faut bien reconnaitre qu’il est juste. Ce n’est pas le titre qui est dur, de fait, c’est la réalité dans laquelle des années de laxisme politique nous ont plongé. La crise du CoVid19 ne fait, malheureusement, que confirmer ce terrible constat : la France est un pays abimé, et dont la culture, le style de vie, les traditions sont volontairement défaits par les dirigeants. Je ne dirais pas tout avec les mêmes mots que Rioufol, mais je suis d’accord avec ses analyses. J’y retrouve la colère que peut susciter le suivi de l’actualité française (ce que je fais quotidiennement grâce à Twitter et à de nombreux sites d’infos). Rioufol ne m’a pas appris tant que cela dans ce livre, parce qu’il fait partie de ceux dont je m’alimente régulièrement : si ce n’est pas votre cas, je vous recommande chaudement la lecture de ce livre qui va droit au but, sans rhétorique, et avec humilité. Je termine ce modeste billet en laissant le mot de la fin à Ivan Rioufol :
Les Gilets jaunes l’ont démontré : seule la société civile est encore capable de se rebeller contre les clercs qui, droite et gauche confondues, persistent à faire de la France un pays amnésique et déculturé, ouvert aux manipulations génétiques et idéologiques. Les âmes fortes sont les bienvenues. La place prise par l’insignifiance et l’émotion dans les grands débats publics laisse voir la paresse qui a envahi les comportements médiatiques, adeptes de la copie conforme et de l’infantilisation des débats. Le monde intellectuel s’est lui-même laissé endormir par le conformisme et le manichéisme de l’utopie mondialiste. Il doit se réveiller. Aujourd’hui, l’urgence est de sortir du mensonge, de la désinformation, de la haine autodestructrice, qui sont devenus les trous noirs de la civilisation occidentale, et de la France tout particulièrement. (…) Le combat à mener est splendide : il a pour objectif de soutenir l’esprit pionnier des Gilets jaunes et de prendre la relève. Elle passe par le rétablissement de la démocratie confisquée, la redécouverte du patriotisme, le retour à la liberté de penser, la prise de distance avec l’individualisme. Il s’agit de venir au secours d’une nation maltraitée par une caste corrompue par l’obsession diversitaire et l’argent des puissants. Parce que ces derniers ont trahi la confiance des plus fragiles, ils sont impardonnables.