Blog

  • Citation #144

    La moitié du mal qui est fait dans ce monde est le fait de personnes qui veulent se sentir importantes. Elles ne veulent pas faire de mal — mais le mal ne les intéresse pas. Ou elles ne le voient pas, ou elles le justifient parce qu’elles sont absorbés dans une lutte sans fin pour avoir une bonne idée d’eux-mêmes.

    Thomas Stearns Eliot (1888 – 1965) poète, dramaturge et critique littéraire américain naturalisé britannique. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1948.

  • La régression intellectuelle de la France

    La régression intellectuelle de la France

    Des lois de censure

    Philippe Nemo, grand intellectuel français (auteur du magnifique « Qu’est-ce que l’Occident?« ), a signé ce petit livre en 2011. Je l’avais loupé (ce qui n’est pas le cas de tout le monde). Il est extraordinaire de concision, de clarté et de force. C’est un éloge de la liberté d’expression, et une démonstration sans appel des raisons qui doivent conduire à  abroger les lois Pleven, Gayssot et autres lois dites « mémorielles ».
    En tant que libéral, et héritier de la meilleure part des Lumières (l’esprit de rationalité, le pluralisme et l’esprit critique), Nemo constate que la liberté d’expression a reculé en France, et il analyse cette situation.
    Elle a reculé à  cause de lois de censures : des lois qui, sous-couvert d’interdire des propos attisant la haine, ont introduit des ruptures inédites, et graves, dans le droit. Elles permettent en effet de condamner les gens pour leurs opinions, et en outre, deuxième rupture, elles ouvrent la voie à  des plaintes qui ne sont pas portées par les victimes ou le ministère public.

    Pour que la mise en cause de l’auteur du propos ne soit pas une injustice manifeste, il faudrait bien, cependant, qu’il y ait quelque forme de lien causal entre le propos incriminé et un tort objectivement constatable et mesurable subi par des victimes. Or ce type de chaîne causale ne peut jamais être établi

    Conséquences : archaïsme

    Ce grave détournement de l’esprit du droit conduit à  une insécurité juridique pour tous ceux qui prennent la parole en public, et à  une perversion du métier de juge, lesquels se retrouve à  faire un travail de tri idéologique et non juridique.
    Il conduit également à  une diminution de la qualité des débats sur un grand-nombre de sujets, qui sont devenus, peu à  peu, tabou. C’est bien là  la conséquence la plus grave de cette liberté d’expression endommagée : sans libre concurrence entre les idées, sans débats critiques, basés sur des arguments, la société française se recroqueville peu à  peu dans des logiques archaïques, non plus basé sur la raison, mais sur des logiques de pur et d’impur. Il y a des sujets à  éviter, et d’autres que l’on peut aborder sereinement. On retrouve là  le politiquement correct, et la frontière de respectabilité sociale pensée par Bock-Côté.
    Une autre conséquence :

    La régression d’une proportion non négligeable de la classe parlante française au stade mental des sociétés préciviques se marque par deux autres traits qui en sont inséparables : le rôle croissant de l’imitation moutonnière et le sacrifice rituel de boucs émissaires.

    Il suffit de se repasser le film de la crise COVID pour voir que ces logiques ont joué à  plein régime.
    Nemo donne de nombreux exemples concrets et pratiques de cette dérive collective (par exemple l’affaire Vanneste, et l’affaire Gougenheim).

    Urgent retour à  la raison

    Faisant le constat simple mais indispensable que la plupart des opinions, projets politiques, pensées, nécessitent d’une manière ou d’une autre de discriminer (voir mon Eloge de la discrimination), Philippe Nemo appelle à  un vraie liberté de débat, sans censure.

    La conséquence de tout cela est claire : le débat public, en France, ces dernières années, a été de plus en plus gravement appauvri et faussé.
    Or les problèmes, en tous domaines, ne peuvent être réglés s’ils ne sont pas d’abord posés. Si donc la généralisation des tabous et des interdits en France empêche que les plus importants des problèmes de société y soient explicitement posés, il ne faut pas espérer qu’ils soient dûment traités et, en définitive, réglés. La gouvernance du pays subit, de ce fait, un grave déficit.
    Il existe des solutions aux problèmes graves qui se posent à  notre pays. Toute société peut sortir de tout mauvais pas ; pour les sociétés, il n’y a pas de décadence irréversible comme pour les individus. Mais quelques-unes de ces solutions impliqueraient qu’on puisse remettre en cause certains préjugés, qu’on puisse rompre avec certaines routines instaurées un beau jour et trop longtemps reproduites sans nouvelle réflexion. Cette démarche ordinaire de correction de trajectoire peut être mise en oeuvre si les préjugés et les routines en question ont le statut de simples opinions, comme c’est le cas dans les pays démocratiques normaux ; mais, s’ils ont été rigidifiés en mythes et en tabous, ils ne peuvent plus être changés ; ils continueront à  orienter les mentalités et les comportements dans le même sens, si faux et utopique soit-il. Alors la société, aveuglée, ira dans le mur.

    Il a mille fois raison, bien sûr : comment envisager l’avenir si on ne peut pas commencer par se représenter le réel, le présent, correctement ?
    Sa conclusion est simple et limpide, je la partage telle quelle. Savoir qu’elle figure au programme de Zemmour me donne une raison de plus de voter pour lui :

    Si un jour le pays se ressaisit et se donne un gouvernement et un parlement connaissant la valeur vitale des libertés intellectuelles et le tort qu’une société se fait à  elle-même en les diminuant, un des premiers projets de loi à  déposer sur le bureau de l’Assemblée sera celui-ci :
    « Article unique. Les lois du 1er juillet 1972, 13 juillet 1990, 21 mai 2001, 30 décembre 2004, ainsi que l’article R. 625-7 du Code pénal et l’article 475 du Code de prodécure pénale sont abrogés. »
  • anéantir

    anéantir

    Il n’y a finalement pas grand-chose à  dire d’un roman. Son style, sa force, ses personnages, son humour, ne peuvent se découvrir qu’en le lisant. On peut simplement partager quelques éléments pour donner envie de le lire. L’écriture est toujours splendide et fluide, et le ton mélange comme toujours chez Houellebecq des envolées sérieuses, philosophiques, de belle facture et profondes, de belles pages poétiques (sur la nature notamment), et d’excellent traits d’humour qui me font vraiment rire, souvent.
    Le thème du livre est pourtant grave : il y est question de l’absurdité de la vie, face au temps qui passe, à  la maladie et à  la mort. J’y ai été très sensible, et je trouve le livre magnifique. Peut-être mon histoire personnelle m’a rendue plus réceptif, mais je ne crois pas : c’est plus universel que cela.
    Trois histoires s’y entremêlent : celle de Paul Raison, confronté à  une vie sentimentale un peu en berne, et à  la maladie de son père ; celle de Bruno, son patron Ministre des finances, qui participe activement à  la campagne présidentielle de 2027 ; celle d’une enquête menée par les RG sur de mystérieux attentats perpétrés par une secte.
    Je n’en dis pas plus. Un excellent Houellebecq à  mon goût. Emprunt d’une mélancolie jamais complètement désespérée. Beaucoup de très belles pages, et une galerie de personnages exceptionnelle : tous, des plus importants jusqu’aux plus petits rôles, sonnent très justes, très vrais.
    Il n’y a aucun doute : la matière humaine est la matière que travaille Michel Houellebecq.

  • Citation #143

    Le droit à  la propriété est antérieur à  la loi. Ce n’est pas la loi qui a donné lieu à  la propriété mais au contraire, la propriété qui a donné lieu à  la loi. Cette observation est importante, car il est assez commun, surtout parmi les juristes, de faire reposer la propriété sur la loi, d’où la dangereuse conséquence que le législateur peut tout bouleverser en conscience.

    Frédéric Bastiat (1801 – 1850) économiste, homme politique et magistrat français.

  • Michael Kiwanuka

    Michael Kiwanuka

    Vous le savez : je joue souvent au jeu du quizz musical avec mes amis. C’est ainsi que Clara nous a fait découvrir, il y a quelques temps, un chanteur magnifique : Michael Kiwanuka. Son premier album, « Home Again », est un album splendide, où presque tous les morceaux sont bons. Dans une veine mêlant folk et soul, Michael Kiwanuka délivre une musique paisible sans jamais être fade, puissante sans jamais être agressive. Un pur régal. Je ne savais pas trop quel morceau choisir, alors je vous en propose un qui n’est pas sur cet album, dans une belle version live, avec une longue et intense introduction, – Cold Little Heart – qui met bien en valeur sa voix légèrement éraillée, et ses talents de musicien. A écouter sans réserve !

  • 12 leçons de rhétorique pour prendre le pouvoir

    12 leçons de rhétorique pour prendre le pouvoir

    J’ai regardé avec attention une bonne partie des vidéos de Victor Ferry sur sa chaîne Youtube : L’artisanat Rhétorique. Du coup, je me suis dit un jour : ce gars-là  est tellement bon, je dois le soutenir en achetant son bouquin ! Cet acte de soutien, au bout de quelques pages, a pris la forme d’une excellente décision. Car ce livre est tout bonnement excellent. D’une grande clarté, alliant à  merveille la simplicité de ton, les exemples concrets, et les détours historiques ou philosophique : on se sent pris en main, et guidé magistralement vers ce savoir si particulier qu’est la rhétorique, définie par Aristote, Victor Ferry le rappelle au début, comme :

    la capacité à  découvrir ce qui, dans chaque situation, est propre à  persuader.

    Ce livre est un livre de référence sur la rhétorique, nul besoin d’être un expert pour pouvoir l’affirmer. Il nous permet de tellement monter en compétence, rapidement, que ce statut ne saurait lui être refusé.

    La rhétorique, un savoir pratique

    La rhétorique est donc par définition un savoir de praticien : il s’agit d’utiliser à  bon escient le langage, la logique, les arguments, les émotions, non pas uniquement pour convaincre, mais pour persuader, c’est-à -dire pousser à  l’action. Et Victor Ferry est effectivement passé maître dans l’art de persuader : partageant ses propres objectifs et motivations avec nous, nous pouvons voir de quelle manière il nous persuade d’agir. Ainsi, le premier chapitre vise à  « affûter notre esprit » : dès le démarrage, l’auteur nous incite à  structurer notre manifeste, c’est-à -dire notre cause (un problème que l’on veut résoudre, et les solutions que nous proposons), et à  travailler à  le rendre compréhensible, structuré, valide et vrai, et à  travailler sur les contre-arguments autant que sur les arguments. J’ai tout de suite rédigé mon « manifeste », sans aucune peine, et j’ai apprécié ce moment. C’est indispensable, et j’ai pu voir, concrètement, comment l’auteur m’a mis en action pour le faire, sans s’en cacher. Magistrale mise en application, et en abîme, de la puissance de la rhétorique. J’apprécie beaucoup l’honnêteté de l’auteur sur la dimension politique de la rhétorique : l’exigence de transparence sur les intentions vient désamorcer les critiques portant sur l’aspect manipulateur de ce savoir.

    Livre de référence sur la rhétorique

    Je ne peux évidemment pas résumer ce livre : il contient une mine d’or d’informations, de références historiques, philosophiques, politiques. Il est structuré comme un cours, avec une progression très claire, des fiches pratiques, et des exemples très concrets. Je sais déjà  que je relirai ce livre, et/ou que je reviendrai y chercher des choses. L’impact de cette lecture est simple pour moi : l’écriture du manifeste m’a fait prendre conscience que mon essai sur le Réel (en cours d’écriture) était plus important que simplement un essai. Cela m’a conduit à  l’éclater en 3 parties, et très probablement le « manifeste » sera utile pour structurer le propos, notamment l’introduction qui doit présenter les intentions de l’auteur.
    Pour finir, je vous partage un petit extrait du livre pour vous donner envie de l’acheter ; vous ne pourrez pas le regretter ! J’ai mis des (…) partout où j’ai enlevé les exemples concrets : cela vous permettra de mesurer l’ampleur de l’aspect didactique du livre.

    Un argument est composé de deux éléments : la prémisse et la conclusion. La conclusion est ce que vous voulez que votre public admette comme vrai, et la prémisse est ce que vous lui donnez pour l’admettre : (…) C’est simple. Pourtant, même à  ce stade, on trouve des arguments qui n’en sont pas (…). On parlera alors de sophismes. Voyons comment éviter d’en produire. (…) Un bon argument doit offrir une résistance aux tests de vérité et de validité. (…) Le test de vérité porte sur la prémisse. Il s’agit de s’assurer que l’on dispose d’éléments permettant d’ancrer notre propos dans le réel. (…) Tester la validité, c’est se demander si les bonnes raisons de croire en la vérité de sa prémisse sont suffisantes pour fonder sa conclusion.